Aujourd’hui pour ce 10ème épisode de BEHIND THE DEVIL on a le plaisir d’interviewer un des acteurs majeurs de la scène Metal underground Française, à savoir Shaxul du label ARMÉE DE LA MORT et LEGION OF DEATH, jouant également dans le groupe MANZER, et aussi créateur de son propre projet solo SHAXUL. Une personne hyperactive donc, et ultra engagée dans la scène l'underground.
Pour commencer peux-tu te présenter toi et ton label L'ARMÉE DE LA MORT RECORDS ?
Je suis Shaxul et j'ai créé LEGION OF DEATH Records en 2001. Le label est devenu mon activité principale en 2009, j'ai créé ARMÉE DE LA MORT Records à ce moment là également pour élargir mon champ d'action. Aujourd'hui, j'utilise le nom "ARMÉE DE LA MORT Records" uniquement.
Le milieu de la scène underground vit notamment grâce à des petits labels comme le tiens, fait de passionnés (merci à vous) pourrais-tu expliquer ton parcours, comment tu en es venu à créer ce Label ?
La volonté de créer le label vient de la frustration de constater que les scènes dites "exotiques" (mot que j'exècre mais toujours utilisé en occident) n'ont que très peu de soutien. Il existe des scènes très anciennes en Amérique Latine et en Asie par exemple, mais elles passent toujours au second plan. Mon concept était donc très ciblé dès le départ. Tout passionné et enthousiaste peut trouver des pépites parmi mes productions ou ce que je distribue, mais la curiosité a largement disparu et c'est aujourd'hui très difficile de faire vivre l'underground, hélas...
Si je me trompe pas L'ARMÉE DE LA MORT est né en 2001, en Juillet 2019 vous avez annoncé la fermeture de LEGION OF DEATH ? Les fans de vos productions que nous sommes sont bien évidement déçus de ce choix ? Pourquoi cette décision après 18 ans d'existence ? Est-ce définitif ?
En fait, c'est la partie LEGION OF DEATH Records qui n'existe plus. Le concept était trop ciblé. Je sortais surtout des 7"EP's par des groupes inconnus venus de contrées improbables. A une époque, ça séduisait pas mal les maniaks, mais aujourd'hui, ça n'intéresse qu'une petite poignée de véritables passionnés, ce sont les "fans" que tu décris mais je les connais tous personnellement, tu sais, le tour est vite fait. Je continue donc uniquement sous le nom d'ARMÉE DE LA MORT Records, au concept plus large, puisque je sors également du CD et des groupes français, par exemple. L'arrêt est définitif mais le label existant encore, je ne m'interdis pas de sortir un jour des productions qui auraient parfaitement eu leur place sous le nom de LEGION OF DEATH Records. Je me dois simplement d'être drastique dans mes choix car les ventes sont catastrophiques. Et sortir du vinyle coûte une véritable fortune, la marge est très faible, il faut donc être vigilent.
Pendant ces 18 ans tes résultats ont-il été à la hauteur de tes attentes ?
Pendant de nombreuses années, oui, ils l'ont été. Depuis quelques temps, 2 ou 3 ans environ, il n'y a plus beaucoup de soutien. Seuls les acharnés sont toujours là, et un label ne peut pas subsister sans eux. Je les remercie sincèrement.
Quelles sont les projets sur lesquels tu penses te focaliser maintenant ?
Je vais me concentrer essentiellement sur MANZER, qui est mon groupe principal. J'ai aussi un projet solo, très simplement nommé SHAXUL. Je suis musicien de session de temps à autre, donc pourquoi pas produire l'un de ces groupes un jour, qui sait. C'est tout cela que je souhaite privilégier car on n'est jamais si bien servi que par soi-même, je l'ai constaté avec le temps ! Egalement, MANZER est le groupe qui fonctionne le mieux sur le label. Quant aux autres projets, ce sera au feeling mais je serai encore plus sélectif qu'avant. Par exemple, je suis très excité par la première sortie non-Metal que réalisera le label. Il s'agit d'une artiste du Guatemala nommée Sophie Lorraine (guitare acoustique, chant). Elle vient du groupe de Death Metal HEXE EYE, il y a donc toujours un lien avec le Metal mais ce sera un album acoustique. Sophie Lorraine est extrêmement talentueuse et sa musique me subjugue, c'est vraiment un projet parfait pour ce que je souhaite faire avec le label désormais.
Combien de sorties avez vous réalisé durant ces 18 ans ? Quelles ont été les productions dont tu as été le plus fier ?
J'ai sorti 50 productions sous le nom de LEGION OF DEATH Records, essentiellement en format 7"EP. Avec ARMÉE DE LA MORT Records, j'ai sorti 42 CD's, 9 LP's et 9 7"EP's. On me pose très souvent cette question sur la fierté mais je vais faire la même réponse que d'habitude : je suis fier de toutes mes sorties, autrement je ne l'aurais pas fait.
Combien Sortiez-vous d'albums par an ? Est-ce un facteur qui a contribué à la fin du label ?
Il n'y a absolument rien de régulier. C'est suivant l'instinct. De plus, je ne donne jamais de date limite au groupe pour enregistrer son disque. Je ne suis pas une major... Un label underground fonctionne surtout au feeling. Depuis 10 ans, je sors essentiellement du CD car le vinyle fonctionne très mal. Quand je dis ça, tout le monde est surpris car on entend partout que ce format cartonne. Et c'est vrai, mais pour des groupes précis et des styles donnés, qui sont très à la mode. La dernière production de LEGION OF DEATH Records est PHERETRUM (Écoute ici), du Death Metal sauvage venu d'Uruguay, bien sûr il marche mal puisque les gens n'ont plus la curiosité et l'enthousiasme dont je parlais précédemment. Et le fait de constater que ce type de sorties ne fonctionnait plus a bien entendu participé à l'arrêt de cette branche du label.
Quand on regarde les artistes qui ont travaillé avec toi, on voit pourtant pas mal de gros noms de la scène underground comme Manzer, Stonewitch, Hexecutor, Iron Slaught, Mercyless et j'en passe ... D'ailleurs pas mal d'albums de ces groupes sont épuisés dans ta boutique et parfois chez tes distributeurs... Comment expliques-tu que le label connaisse des difficultés malgré cela ?
C'est gentil de considérer ces groupes comme de gros noms mais cela ne signifie pas que les ventes soient si mirobolantes. C'est suffisant pour tenir mais ça devient vraiment difficile et compliqué. La grande majorité de mes sorties sont disponibles facilement sur un site comme DISCOGS notamment. Certes, certaines commencent à coter pas mal, mais c'est une minorité.
.Comment choisis-tu tes groupes ? Quelle a été la direction que tu as essayé de donner au Label toutes ces années ?
Comme je le disais, le concept de base est de soutenir les scènes méconnues de par le monde, notamment dans des pays qui ont une légitimité totale concernant l'histoire de leur scène Metal mais qui sont pourtant dénigrés. Ça vaut aussi pour certaines régions de France. Je choisis un groupe parce que sa musique me transporte, mais il faut également que le concept et l'idéologie me conviennent. Les gens qui pensent que ce n'est que de la musique, une musique comme les autres en somme, sont des imbéciles. Désormais je suis encore plus drastique dans mes choix. Par exemple, MANZER a effectué pas mal de splits avec différents groupes. Le critère est ici aussi d'avoir partagé l'affiche avec le groupe en question. Nous sommes amis avec eux, il y a un soutien mutuel, c'est une valeur forte.
Est ce que tu as des regrets maintenant que tu vois fermer la partie LEGION OF DEATH du Label ? Des choses dont tu penses maintenant qu'il aurait fallu les faire autrement ?
J'ai pour principe de ne jamais rien regretter. Quand je prends une décision, aussi difficile soit-elle, je sais tourner la page, et aller de l'avant. Je m'y prends d'ores et déjà autrement, il faut bien s'adapter, mais j'assume à 666% la décision d'avoir arrêté la partie LEGION OF DEATH du label.
Quelles ont été vos plus grandes difficultés pendant toutes ces années ?
La difficulté principale est la chute des ventes, il faut bien se rendre à l'évidence. Les gens s'intéressent de moins en moins au format physique. Sauf si c'est à la mode. Un label aussi underground que le mien n'a plus beaucoup de place de nos jours.
Peut-être que dans nos lecteurs, certains rêvent de monter leur label afin de produire les groupes qu’ils aiment. Qu’aurais-tu comme conseils à leur donner toi qui en tiens un depuis 18 ans ?
Je leur dirais de ne surtout pas le faire car l'underground est déjà saturé à mort par ce que j'appelle des "hobby labels", à savoir des jeunes crétins qui pensent que c'est trop cool de faire un label, ils font ça à leurs heures perdues pour s'apercevoir assez rapidement que c'est trop compliqué et trop de travail. Du coup, arrêtez de polluer et soutenez déjà ce qui existe, notamment les activistes qui ont toute l'expérience en la matière.
Ce qui fait peur souvent c’est la paperasse, les déclarations et compagnies, en réalité qu'en est-il ? Est-ce surmontable ? Comment as-tu déclaré ton activité ? Signes-tu des contrats avec tous les groupes ?
Ce n'est pas si difficile si tu es sérieux et organisé. J'ai le statut d'auto-entrepreneur et il faut avouer que c'est le plus simplifié en France. C'est donc effectivement surmontable. De ma vie, je n'ai jamais fait signer aucun contrat. Tout se joue sur la confiance. C'est une autre des valeurs propres à l'underground. Ce n'est pas du business pur et dur. Tout est convenu par échange de mails, et chaque partie respecte ce qui est convenu.
Est-ce que tu as eu peur au moment de lancer le label, ou à certaines périodes difficiles avant aujourd'hui ?
Au début, le statut était celui d'association Loi 1901. Je faisais le label avec une autre personne à l'époque. Le risque n'était pas immense, même si investir dans la toute première production est impressionnant. La période la plus difficile, c'est celle que je vis actuellement. Autrement il y a eu des années fastes pour le label, avec beaucoup de sorties qui étaient bien accueillies.
Etait-ce compliqué au quotidien de s’occuper de la gestion de ce Label ? Combien de temps par jour/semaines ?
Comme je disais, au début, c'était une asso donc assez compliqué car je devais passer du temps en plus de mon travail quotidien. Je l'ai perdu en 2008, et c'est là que j'ai décidé de créer mon entreprise. C'est encore aujourd'hui mon travail à plein temps, j'y passe donc 7 jours sur 7 mais ça me plaît. Il est probable que je doive chercher un travail "alimentaire" à côté tôt ou tard vu les circonstances, cependant...
A l’heure du numérique, on est tenté de se demander si les labels ont encore un rôle à jouer notamment pour les petits groupes. Pour toi qu’est-ce qu’un bon Label ? Quelles missions doit-il pouvoir réaliser ?
Rien ne vaut un label pour sortir un disque au format physique, en faire la distribution et la promotion. Je fais également le layout de mes propres sorties. C'est tout un travail qui, à mon sens, est irremplaçable. Surtout pas par le fait de télécharger un pauvre mp3 sur son disque dur. Mais effectivement, les gens étant des moutons et des feignants, ils préfèrent aujourd'hui utiliser le streaming (notamment YouTube) ou télécharger (souvent illégalement). Quand tu fais ça, tu ne peux pas prétendre être un véritable passionné.
Toi qui es un acteur actif de cette scène « underground » via ton label, est ce que tu trouves qu’il y a des dérivent dans cette scène, ou des choses qui t’agaces ? Sur ton site tu dis "il n'y a plus de place pour un concept aussi particulier dans la scène pourrissante actuelle" ? Peux-tu nous expliquez ce que tu voulais dire avec cette phrase ?
Je pense que ça rejoint plusieurs réponses de cette interview. Le "métalleux" moyen d'aujourd'hui est un beauf inculte qui ne pense qu'au HELLFIST et consorts. Les valeurs qui faisaient tout le charme et l'intérêt de l'underground ont quasiment disparu. Ce que je fais est tellement pointu que ça ne peut qu'intéresser que les plus die-hard des Hardos (j'utilise ce mot-là car plus old school, vu que de nos jours n'importe quel guignol se prétend métalleux juste parce qu'il écoute des merdes à la mode et va dans les gros festivals sans âme).
On voit de nos jours beaucoup de chaînes Youtube spécialisée dans la diffusion d'albums Metal comme par exemple "Black Metal Promotion", "Slam Worldwilde" "NWOTHM Full Albums" etc... Que penses-tu de ces chaînes et plus largement du fait de diffuser les albums de manière gratuite sur internet ?
En fait, le problème est simple mais pathétique. Personnellement je crois que YouTube ou des sites comme Bandcamp (le label a une page officielle d'ailleurs) sont des outils intéressants pour découvrir des nouveautés. Tu peux écouter avant d'acheter et je viens d'une époque où c'était quasiment impossible. Désormais, c'est faisable en 2 ou 3 clics. Mais les gens étant paresseux et n'ayant plus de notion de soutien se contentent d'écouter en streaming, malgré le son souvent merdique. Je cite souvent l'expression "donner de la confiture aux gorets", c'est bien ce que l'on fait en créant des services Internet pratiques et intéressants mais utilisés par des débiles.
Tu joues aussi dans un groupe, peux tu nous parler un peu de celui-ci ?
Je suis batteur / chanteur dans MANZER, un power-trio de Black Metal inspiré essentiellement par le style des années 80. Nous avons 2 albums à notre actif ainsi que de nombreux EP's et sorties live. Nous aimons tourner à l'autre bout du monde et nous avons visité 20 pays différents pour le moment. MANZER travaille actuellement sur son troisième album.
Peut-être veux tu rajouter un mot sur ton projet solo, en plus tu viens de sortir un nouvel EP "Hate & Disgust" ?
Avoir un projet solo, où je fais vraiment tout de A à Z, me trottait dans la tête depuis des années déjà. Lorsque j'ai eu le projet de sortir Pictavian Assault, une compilation réunissant 12 groupes du Poitou-Charentes pour soutenir l'underground local, je me suis dit que c'était l'occasion de me lancer, et j'ai fait un morceau. Je suis content du résultat, du coup j'ai enchaîné sur un EP. Il vient de sortir en effet. (écoute ici) Il contient 5 morceaux et une reprise de BAD RELIGION. Le genre pourrait être qualifié de Metal Punk. Cependant, à l'avenir, le style pourra changer à chaque sortie, je ne me fixe absolument aucune limite. D'ailleurs, je travaille actuellement sur un album acoustique. Pour revenir au EP, il est disponible en CD, je devais le sortir en vinyle mais il y a eu un problème avec la boîte de pressage. Une version cassette va bientôt sortir, en Bulgarie pour l'Europe et au Costa Rica pour l'Amérique Latine.
Et bien c’était tout pour moi, je te laisse le mot de la fin !
Merci pour cette interview !
Soutenez l'underground ou dégagez, bande de minables inutiles !
A çhés fàetes,
SHAXUL.
ARMÉE DE LA MORT Records
Bandcamp
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