Vous avez maintenant l'habitude à travers Behind The Devil, que l'on vous emmène voir des acteurs qui ont déjà de la bouteille, parfois même des vieux loups de mer qui ont parfois connu la scène à ses débuts. Des personnages qui savent vous faire rêver en vous racontant l'émergence de la scène metal en France et dans le monde. Quand ils vous parlent de leur jeunesse, du Tape Trading et tous ces stratagèmes pour faire vivre cette musique que nous aimons tant, à une époque où le seul moyen d'écouter un groupe était de dénicher un vinyle, ou une cassette copiée sur une copie d'une copie etc... Pour ce numéro de Behind The Devil, on a décidé de voir comment cela se passe pour la jeunesse d'aujourd'hui qui se lance dans la production. C'est une occasion assez rare de pouvoir interviewer un label tout juste naissant, tenu par des personnes encore étudiantes. Une occasion de voir le regard de la nouvelle génération sur cette passion, et surtout de voir comment se passent les débuts pour un label en 2020.
Pour commencer, pouvez-vous vous présenter, ainsi que votre label Raw Attack Records ?
Raw Attack Records c’est un label associatif né pendant le confinement, après la création d’un bootleg live du groupe MIDNIGHT qu’on avait réalisé quelques temps avant. Le bootleg est parti relativement vite, et nous avons pris un vrai plaisir à le réaliser, alors on s’est dit pourquoi pas rendre l’aventure davantage sérieuse. Nous sommes actuellement 3 membres à travailler dans cette association.
Le milieu de la scène underground vit notamment grâce à des petits labels comme le vôtre, fait de passionnés (merci à vous) pourriez-vous expliquer votre parcours, votre première rencontre avec le metal et votre évolution dans ce milieu ?
Je ne parlerai que de moi dans un premier temps du coup, et non au nom de l’asso entière.
Personnellement, mon approche du metal a été assez typique. Je suis tombé sur l’album America’s Least Wanted d’Ugly Kid Joe quand j’étais tout jeune. J’ai enchainé les découvertes, entre SOAD, Cannibal Corpse etc etc (le parcours classique), puis c’est en tombant sur Ulver et Burzum que j’ai compris que c’était vraiment ma musique.
Si en termes d’évolution dans le milieu tu parles aussi de l’évolution de l’implication des membres dans la scène, j’ai pour ma part déjà travaillé pour des webzines. A chaque fois j’ai lâché l’affaire au bout de peu de temps. Ce n’était pas la façon de contribuer à la scène qui me correspondait le plus d’une part, et d’autre part les webzines (surtout un en particulier) m’auront laissé un goût amer et je n’ai pas vraiment aimé cette expérience.
Raw Attack est un label tout fraîchement créé, c’est une opportunité assez rare d’interviewer un label naissant, expliquez-nous comment a germé ce projet ?
Au début, un des membres du projet a pu enregistrer le live de Midnight au Brutal Assault et on voulait en faire des bootlegs live juste pour nous. Le prix pour aussi peu d’exemplaires étant trop élevé, j’ai lancé l’idée d’en faire un peu plus pour qu’au final, ça nous revienne moins cher à l’unité. Finalement, on a pu le créer, tout est parti, et on s’est vraiment éclaté à le faire. Alors on s’est dit, il y a tellement d’œuvres introuvables maintenant ou à des prix aberrants que l’on souhaiterait posséder (d’où l’idée de ressortir la demo de VENIN sous sa forme d’origine), tellement de groupes que l’on souhaiterait soutenir pour qu’on en reste là. Donc on s’est lancés.
Pourquoi « Raw Attack » ?
C’est le titre d’un morceau de MIDNIGHT. Un ami (salut Nico) a lancé l’idée et comme ça sonnait bien, on l’a gardé.
Quels objectifs vous fixez-vous à court terme et à long terme ?
Pour rentrer dans les détails, à court terme, notre but est d’obtenir de bonnes relations avec d’autres labels et distros. Il y a certains labels avec lesquels j’aimerais beaucoup travailler (notamment Duplicate Records qui est un label que j’aime énormément). A moyen/long terme, on espère que le label pourra s’autosuffire financièrement, qu’on ait de moins en moins à devoir avancer les frais de notre poche qui pour l’instant sont assez exhaustifs pour nous, surtout un de nos membres (que je remercie encore) qui a assumé pour l’instant beaucoup de frais.
Pour le moment votre première production, après la sortie du live de MIDNIGHT au Brutal Assault, c’est la réédition de la démo de VENIN « Malediction ». Comment s'est passée cette première production ? Y-a-t-il une histoire derrière cette collaboration ?
Pour ce qui est de VENIN, je suis allé les voir de manière spontanée, comme un fan allant parler à un groupe qu’il aime en fait. Finalement, l’échange a été vraiment cool, et on a reçu des photos datant des années 80 pour pouvoir travailler au mieux sur la cassette. Pour moi, ce sont déjà des souvenirs géniaux. L’histoire n’est pas rocambolesque mais pour nous c’est déjà beaucoup.
Est-ce que la volonté de créer un label était déjà présente avant la sortie du live de MIDNIGHT ? D’ailleurs, étiez-vous allé au concert en sachant que vous alliez en sortir un vinyle ?
Pour ma part j’ai cette idée depuis que j’ai 15/16 ans, mais ça restait un rêve comme un autre. Entre les membres du label, nous étions déjà amis avant son lancement, mais cette idée n’était pas vraiment là.
Pour le vinyle non plus ça n’était pas dans nos têtes. On est arrivés devant la scène et MIDNIGHT a joué un morceau (qui n’est pas sur le bootleg du coup). On s’est dit « wow c’est tellement cool, faut vraiment qu’on enregistre ça ». Donc mon pote a sorti son portable et a enregistré tout le reste du live. La qualité était vraiment correcte pour du bootleg, donc on s’est dit « go », initialement juste pour 2-3 exemplaires donc. L’idée d’en faire plus pour amortir nos frais est arrivée par la suite.
Quelle philosophie allez-vous essayer de mettre en œuvre au sein de ce label pour vos futures collaborations ? Aussi avez-vous défini un style de prédilection pour le label ?
Il n’y aura pas de projets ouvertement néo-nazis ou affiliés au NSBM qui travailleront avec nous, ou tout autre projet je dirais ouvertement « anti-minorités ».
L’idée de base est de sortir des choses qu’on aime. N’importe quel membre du label peut lancer un groupe avec qui il aimerait qu’on collabore et si les contacts se passent bien, on essaye que ça puisse se faire.
Pour ce qui est d’un style de prédilection, nous n’en avons pas vraiment. Nous écoutons des choses variées et n’aimons pas tous les mêmes œuvres. On a aucun problème pour produire autant de heavy que du dungeon synth (pour te dire). Donc non, on n’a pas vraiment de style particulier. Bon, on reste tout de même un label de metal et affiliés donc on n’ira pas produire du post-punk non plus, bien qu’on adore ça. Cependant, toujours avec l’idée que le label doit correspondre avec ce qu’on aime, il est très peu probable qu’on puisse produire des sous-genres modernes du metal, étant assez peu fans de ces genres-ci.
Est-ce que vous avez déjà des idées de groupes en tête pour votre prochaine production ?
Oui tout à fait, on ne peut malheureusement rien avancer pour le moment.
Comment cela se passe « techniquement » pour créer son label aujourd’hui et sortir une prod’ ? Est-ce que c’est compliqué ? Beaucoup de paperasse peut-être ?
En tant qu’association loi 1901, créer une structure en tant que tel peut paraitre fastidieux mais dans les faits c’est assez simple une fois qu’on se renseigne un peu. Il y a pas mal à rédiger, mais c’est comme partout. On doit fournir ce qu’on appelle les statuts, qui est en fait une liste des droits et devoirs de l’association et ses membres, d’autres infos ci et là, et c’est parti. Le plus long et gonflant, c’est pour le compte bancaire. Jamais rien ne va.
Sortir une production est aussi assez simple dans les faits. Il y a quelques éléments qui peuvent prendre du temps (et de l’argent, beaucoup d’argent). Confectionner et diffuser une œuvre prend du temps, mais la passion le fait vite oublier.
Comme tout le monde le sait, la vie n’est pas tout rose pour les labels surtout dans ce style. Quelles ont été vos plus grandes difficultés pour vous lancer ?
Le vrai frein, il est financier. Monter de bout en bout un projet demande pas mal d’investissements qui peut être impossible, surtout quand, comme nous, on est étudiant.
Comment se passe les trades avec les autres labels quand on est un jeune label comme le vôtre ? Vous n’avez pas forcément beaucoup de matière à échanger ? Devez-vous acheter une partie de votre stock ?
On achète que très rarement. Ca nous est arrivé pour un ep qu’on adore et qui arrivera prochainement sur notre site, mais sinon rien. Concernant les acceptations par les autres labels, il n'y a pas de règles. Ça dépend des règles de conduite du labels. Certains ne prennent pas pour les labels ayant une trop petite base de clients et étant de trop petite tailles pour eux, certains prennent tout. Plus les labels plus petits, c'est en général plus simple. Pour ce qui est de l'échange en lui-même, ça se fait comme avec des cartes Yu-Gi-Oh, en fonction du format et du prix que vaut le produit, et si le label avec qui il y a trade aime ce qu'on fait. Ensuite s'il faut du réseau pour se frayer une place, oui et non. C'est un énorme avantage que d'avoir du réseau évidemment. Maintenant, n'importe qui peut s'en créer un au pied de biche, au culot. Ça prend du temps, mais c'est normal.
Est-ce que vous avez eu peur au moment de lancer le label ? Comment on arrive à passer du stade projet au stade où on lâche de l’argent pour un projet qui, on le sait, va être difficile, voire pas rentable ?
Le bootleg de Midnight nous a un peu mis en confiance sur le fait de lancer son projet. Evidemment, on a conscience que cette œuvre fonctionnera forcément mieux que celles touchant un public plus restreint, mais ça fait son effet. Sinon on fonce sans se poser de questions. On ne s’en mordra les doigts qu’après.
D’ailleurs, comment se passent les débuts financièrement, arrivez-vous à atteindre vos objectifs ?
Pour l’instant, financièrement, on est loin du compte, tu t’en doutes. J’espère que ça s’améliorera par la suite, on va tout faire pour.
Est-ce compliqué au quotidien de s’occuper de la gestion de ce Label ? Combien de temps par jour/semaines ?
Pour l’instant je n’en sais rien. C’est un petit peu tout le temps donc c’est dur à dire. Mais effectivement on peut dire que ça prend du temps, et occupe ton esprit une bonne partie de la journée.
Pour le moment, j’imagine que vous êtes forcément limités financièrement dans les formats que vous pouvez proposer. D’ailleurs la démo de VENIN est disponible uniquement en k7. Dans le futur comptez-vous proposer des productions sur cd ou vinyle comme pour le live de MIDNIGHT ?
Il n’y aura aucune réédition du live dans le futur. Ça s’est fait en correspondance avec Athenar, mais dans le dos des labels. C’était un bootleg fait avant la lancé du label, dans le seul but que nous, membres du label, puissions avoir notre exemplaire sans dépenser trop d’argent. Jusqu’à nouvel ordre, aucune réédition n’aura lieu.
D’ailleurs, parlons un peu de K7, pourquoi ce choix pour votre première production et pas le cd, est-ce un choix uniquement financier ? Avez-vous une affection particulière pour ce format (si oui pourquoi ?)
C’est un choix exclusivement dû à une affection particulière. La demo de VENIN a déjà été rééditée mais dans des formats qui, nous trouvons, ne correspond pas vraiment à l’essence de cette demo. J’entends là par démo, une cassette gravée par des jeunes hardos en plein milieu des années 80, dont la cover a été dessinée par un des membres du groupe, et imprimée au taff d’un autre. Une cassette faite main, dans l’espoir que ça devienne plus que ça. Il y a une histoire derrière tout ça. Et c’est vraiment ça qu’on a tenté de retranscrire avec cette réédition. Je ne suis pas fâché avec les autres formats, mais cette demo, sans cette pochette qui nous trouvons lui colle à la peau, perd quelque chose de son esprit.
À l’heure du numérique, on est tenté de se demander si les labels ont encore un rôle à jouer notamment pour les petits groupes. Pour vous qu’est-ce qu’un bon Label ? Quelles missions doit-il pouvoir réaliser ?
Le metal ne se passe pas des labels aujourd’hui. Sauf exception, c’est quand même une norme. Effectivement, on peut se poser la question de son utilité. Aujourd’hui, n’importe qui peut écouter ce qu’il souhaite, quand il le souhaite, et gratuitement. Beaucoup de projets musicaux hors metal n’ont pas de labels, ou en ont un pour diffuser leurs propres œuvres. En général, ça vient de genres musicaux assez jeunes ou peu matérialistes comme le rap ou l’électro (enfin, ils sont au moins aussi vieux que le metal, mais se renouvellent tellement plus qu’ils en deviennent bien plus jeunes). Si le but d’un album est pour toi juste d’être écouté, effectivement, on ne sert à rien. D’autant plus que n’importe quel passionné n’a plus besoin de nous aujourd’hui pour dénicher de nouveaux groupes à écouter.
En revanche, le metal étant un genre plus « vieux », il reste attaché à ses traditions (au concept de demo, aux distros, aux fanzines etc etc), qui font qu’on est toujours sollicités. Autre facteur encore plus important, le metal est un genre matérialiste. Pour le meilleur comme pour le pire, chacun se fera son idée là-dessus. Pour moi, le meilleur car comme je sous-entendais précédemment, l’objet en lui-même est une part de l’album, c’est même l’intro et l’outro d’une œuvre (si toutefois celle-ci a été composée pour être volontairement gravée sur un support physique et non pour être téléchargée, sinon ça n’a pas de sens). Se rappeler d’une œuvre, c’est avant tout se rappeler d’une pochette. Par extension, il en est de même pour tout ce qui forme un album, même son support, même cette petite phrase un peu cachée sur la dernière page du livret.
Un bon label est pour moi, aujourd’hui, un label qui propose des albums sur des supports proposant une vision plus exhaustive de l’album. La vidéo Relika sur Sir Ravaillec du youtubeur Maxwell traite je trouve assez bien de la question.
Peut-être que dans nos lecteurs, certains rêvent de monter leur label afin de produire les groupes qu’ils aiment. Qu’auriez-vous comme conseils à leur donner ?
Je n’y suis que depuis quelques mois en réalité donc ça va être difficile d’en donner, nous même faisant encore énormément d’erreurs. Mais je dirais que certaines de nos erreurs auraient pu être évitées si on avait posé plus de questions aux autres labels, qui eux y sont depuis plus longtemps, et si on avait pris davantage notre temps, donc c’est un bon début je pense.
J’en profite pour remercier Forgotten Wisdom prod et Dying Victims prod pour avoir toujours été de bons conseils.
On voit de nos jours beaucoup de chaînes Youtube spécialisées dans la diffusion d'albums Metal comme par exemple "Black Metal Promotion", « NWOTHM Full Albums, etc... Que pensez-vous de ces chaînes et plus largement du fait de diffuser les albums de manière gratuite sur Internet ? Utilisez-vous ou allez-vous utilisez ces canaux dans le futur ?
La gratuité d’écoute est une bonne chose. N’importe qui doit pouvoir se cultiver sans avoir à payer. Je n’utilise pas vraiment ces chaines parce que ça ne m’intéresse pas. Mais le label l’utilise car à notre échelle, c’est compliqué de passer outre.
Vous qui êtes des acteurs actifs de cette scène « underground » via votre label, est ce que vous trouvez qu’il y a des dérives au sein de cette scène, ou des choses qui vous agaces ?
Avec le label, étant tout jeune, je ne saurais pas trop quoi te répondre, on n’a pas été encore confronté à des situations vraiment agaçantes. En tant qu’individu, je pourrais reprocher à cette scène la même chose que beaucoup d’autres lui reprochent : les oppressions beauf omniprésentes qui ruinent complètement la scène, devant Lingua Ignota à Lilles par exemple, ou l’histoire qu’il y a eu entre Goat Semen et le Black Dog. C’est révoltant.
Est-ce que vous jouez aussi dans un groupe, ou as-tu d’autres activités en lien avec le metal ?
J’ai effectivement des projets en cours mais je ne peux rien dire pour le moment.
Et bien, c’était tout pour moi, je te laisse le mot de la fin !
Merci pour cette interview, c’était très enrichissant.
Motivée la "jeunesse"...
Cool !
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