BEHIND THE DEVIL le retour !!! Qui mieux que Nico de Xenokorp pour ouvrir le bal de la rentrée ?
Merci à lui pour cette interview fleuve qui vous livrera tous les secrets de son label. C'est parti !
Pour commencer, Nico, peux-tu te présenter ainsi que ton label Xenokorp ?
Hello, Geoffroy et merci pour cette invitation à m’épancher « dans vos colonnes », comme on dit, même s’il n’y en a plus guère, désormais, des colonnes ! Je suis donc Nico, du label Français XENOKORP, autrefois connu sous le nom de KAOTOXIN. Le label, en tant que tel, à sorti sa première « vraie » production en Janvier 2012, la compilation « Satanic Tuning Club Turbo ! » de GRONIBARD, même s’il avait été fondé deux ans plus tôt et avait déjà sorti quatre coproductions avec Nico de BONES BRIGADE, dont j’étais le Webmaster, à l’époque, en 2011. KAOTOXIN a existé jusque fin 2016. Il se voulait un label « généraliste », proposant des productions allant du Rock au Goregrind. Son successeur, XENOKORP, se veut plus spécialisé, avec des artistes plus orientés Death Metal, même si on couvre néanoins pas mal de sous-genres tels que le Thrash / Death, le Death / Grind, le Slam Death / Goregrind, le Funeral Doom et le Blackened Death Metal, en gros. Nos artistes sont principalement Français (MERCYLESS, PUTRID OFFAL, MORTUARY…) mais pas que (DEFEATED SANITY, MASTER, INHUME…). »
Le milieu de la scène underground vit notamment grâce à des petits labels comme le tien, fait de passionnés (merci à toi). Pourrais-tu expliquer ton parcours et comment tu en es venu à créer un label ?
Longue histoire ! Je ne saurais plus vraiment te dire comment ça a commencé, ça date d’il y a vraiment longtemps. Disons que, ado, à la fin des années 80, je suis « tombé dans l’underground » et avais monté une distro. J’échangeais des trucs avec un type pas trop connu qui avait sorti des 7" de Hardcore / Grind, un Allemand nommé Markus STAIGER et son micro-label, NUCLEAR BLAST. Je fréquentais les concerts locaux organisés par notre disquaire underground local, le bien nommé…UNDERGROUND Records, et ai pu voir des groupes quasiment inconnus dans des caves devant 20 personnes, à l’époque… GORGUTS, BLASPHEMY, MARDUK, VADER, MALEVOLENT CREATION, MERCYLESS, MY DYING BRIDE, AT THE GATES, GOREFEST, FEAR FACTORY, BRUTAL TRUTH, etc. Le dit disquaire a sorti ses premières productions, le premier EP de SUPURATION et le split « Obscurum per Obscurius » et ça m’a donné envie de m’y mettre aussi. Ça m’a prit quelques années et j’ai sorti, dans les années 90 et sous un autre nom, une première production, le premier EP des Néerlandais de GODEN puis une seconde et dernière, le premier EP de KRAAL. A l’époque, j’étais très proche de KRHOMADEATH et je voulais sortir leur deuxième album, mais un job de plus en plus prenant m’a contraint à arrêter à la fin de cette décennie. J’avais un petit fanzine, à l’époque, SUFFER! Mag’, que j’ai transformé en Webzine vers 1998 mais, pour les mêmes raisons, j’ai dû arrêter vers 2000. Je faisais un peu de graphisme, à l’époque et, quand j’avais un peu de temps, je bossais pour d’autres labels (MEAT5000, APATHIC VIEW…) pour lesquels j’ai réalisé des artworks et layouts pour des groupes tels que DEVOURMENT, BLOÖD DÜSTER, AGATHOCLES, etc. Je faisais aussi du Webmastering et des visuels pour des boites telles que LOTUS Cars Belgium, METALUNA Productions, EROPOLIS, etc. mais j’ai dû cesser, toujours pour les mêmes raisons, malheureusement. Passionné par l’underground et ami avec Nico de BONES BRIGADE depuis que je l’avais rencontré au début des années 2000 par le biais de nos amis communs, GRONIBARD, je lui ai proposé de m’occuper de son site Web, ce qui a duré jusqu’à, disons, 2014-2015, je pense, de mémoire. Entre temps, en 2010, j’avais proposé à Nico de monter un festival de Grind centré autour de ses artistes, le LILLE WINTER GRINDFEST qui a eu lieu à la fin de l’année 2010. Il me fallait un « nom » d’orga. Ce fut donc KAOTOXIN, qui est ainsi né en Août 2010 pour monter le dit festival. Le label a ensuite sorti 65 productions en 6 ans d’artistes tels que MERCYLESS, OTARGOS, PUTRID OFFAL, GRONIBARD, ADPATRES, DEHUMAN, MITHRIDATIC, SAVAGE ANNIHILATION… Fin 2016, j’ai dû fermer le label suite à de très graves ennuis de santé (on m’avait dit que c’était probablement la fin, il fallait donc que je mette mes « affaires en ordre » comme on dit) et, début 2017, quant après six mois de traitements plutôt lourds on m’a dit que, même si mon état de santé était encore très incertain, je pouvais rentrer chez moi où je devrais rester enfermé quoiqu’il advienne pendant pas loin de deux ans, il a bien fallu se trouver une occupation… et que faire d’autre quand on a pratiquement fait ça toute sa vie que d’ouvrir un nouveau label ? XENOKORP était donc né et j’ai eu la chance de pouvoir compter sur nombre d’artistes de KAOTOXIN qui souhaitaient continuer l’aventure ensemble. Un premier split AVULSED / MERCYLESS que Dave de AVULSED a géré avec moi pendant mon hospitalisation et c’était parti. Le label en est désormais à sa vingt-sixème production. En deux ans, c’est pas mal, pour quelqu’un qui avait dit qu’il levait le pied à la création du label, ahah !
XENOKORP est né en 2017 (il est plus ou moins le prolongement de KAOTOXIN et KAOSKVLT), comment se porte le label après tout ce temps ? Qu'est ce qui a changé depuis sa création, comment a t'il évolué ?
Disons qu’après six ans avec KAOTOXIN et son approche « généraliste », et au vu de mon état de santé d’alors, à la création de XENOKORP, le projet était clair : sortir peu, se focaliser sur le Death Metal et quelques sous-genres et ne travailler qu’avec d’ex-artistes du catalogue de KAOTOXIN rentrant dans ce spectre stylistique mais finalement, le label en est déjà à 26 productions et a accueilli de nouveaux artistes dans ses rangs, comme les Américains de SKINNED, les Français de MORTUARY et ATARAXIE et les Franco-Canadiens de DISOWNING en plus de rééditions et collaborations avec des amis de longue date tels que MASTER, DEFEATED SANITY, AVULSED, INHUME…
Est ce que les résultats sont à la hauteur de tes espérances ?
Disons qu’étant dans ce milieu depuis 30 ans, sachant très bien quelle est « ma place » dans cette scène et n’ayant pas d’ambition débordante quant à transformer un label de passionné en une entité de plus grande ampleur, je n’avais pas d’autre espérance que de faire mon job du mieux que je le pourrai, satisfaire les clients avec des produits qualitatifs et les artistes avec une présence et une écoute et un travail où la proximité et l’amitié, la confiance et le respect mutuel sont les maîtres-mots et, à ce titre, je pense que c’est effectivement à la hauteur de ce que je pouvais espérer. Il n’y a rien qui me fasse plus plaisir qu’un client et un artiste heureux. Le reste, peu m’importe tant qu’on génère suffisamment de ventes pour la prochaine production, c’est tout ce que j’espère.
Quels objectifs te fixes-tu pour cette année ? Combien de sorties, quelles ambitions ? Et quelles sont tes projets pour les années à venir ?
Disons que, comme évoqué précédemment, XENOKORP ne fonctionne pas forcément de cette manière et les objectifs restent uniquement la satisfaction de nos clients et artistes. Quant aux espérances elles sont principalement de pouvoir tenir, financièrement, jusqu’à la prochaine production… et il y en a pas mal au programme : nouveaux MIITHRIDATIC pour Septembre, VxPxOxAxAxWxAxMxC et MORTUARY pour cet Automne, peut-être un EP de SAVAGE ANNIHILATION pour cet Hiver et le nouveau MERCYLESS début 2020. Pour le reste, on verra « en allant » en fonction des possibilités des groupes, leur avancement dans leurs projets respectifs et les capacités financières du label. »
Combien sors-tu d'album par an ? De quoi dépend ton rythme de sortie ?
XENOKORP n’a pas vraiment d’objectifs en la matière. On essaye de tenir une balance entre les rééditions et les nouveautés, ces dernières ayant notre priorité dans la mesure où, pour moi, c’est la seule raison d’être d’un label : aider ses artistes à se développer et proposer leurs nouvelles productions au public. Les rééditions sont, disons, un plaisir personnel de voir pour la première fois de superbes albums un peu oubliés en vinyl, tels que le premier DEFEATED SANITY, le premier ANATA, le deuxième MERCYLESS, l’avant-dernier ATARAXIE, etc., mais ça ne doit en aucun cas prendre le dessus. Je considère qu’un label qui base principalement ses ventes et ses sorties sur des rééditions comme beaucoup en ce moment n’est pas un label, mais un opportuniste qui profite de la mode de tel ou tel format (Vinyl, Cassette…) pour faire de l’argent et, si cet argent ne sert pas en priorité à promouvoir des groupes actuels, ça ne sert à rien. Qui plus est, la plupart prennent juste une licence ici ou là et rééditent l’album sans autre forme de procès alors que, par exemple, pour toutes nos rééditions, elles bénéficient systématiquement d’un remastering dans un studio professionnel et reconnu - on travaille exclusivement avec Frédéric MOTTE du CONKRETE studio en la matière (LOUDBLAST, OTARGOS, etc. -, d’ailleurs. On sort un packaging qualitatif, avec un livret augmenté de liner-notes par des journalistes professionnels (Olivier « Zoltar » BADIN, principalement) et de photos et flyers d’époque. Pas juste un vinyl tiré d’un master CD et rien de plus. Mais, pour en revenir à ta question, en 2017, par exemple, on n’a sorti qu’un album, à proprement parler, le deuxième SAVAGE ANNIHILATION, « Quand s’abaisse la croix du blasphème ». En 2018, XENOKORP n’en a sorti qu’un, également, le cinquième album de SKINNED alors qu’en 2019, on en est déjà à trois (AD PATRES, ATARAXIE, DISOWNING) et que deux autres sont à venir (MITHRIDATIC et MORTUARY). Tout dépend de ce que les groupes ont à nous proposer comme sorties.
Quand on regarde les artistes qui sont signés chez toi (MERCYLESS, ATARAXIE, MORTUARY, PUTRID OFFAL, MASTER, OTARGOS) on voit pas mal de choses différentes comment choisis-tu tes artistes et comment tu fonctionnes avec les groupes ?
MASTER sont de bons amis, mais Paul n’est pas signé chez XENOKORP. On travaille de temps en temps ensemble, par pur plaisir, et c’est bien comme ça. Quant aux autres, j’espère effectivement que chaque artiste du label a une personnalité propre, et pour moi c’est bien entendu le cas !, mais je viens d’une époque où les genres n’étaient pas si distincts et où PUTRID OFFAL figuraient sur des compilations Death Metal, où NAPALM DEATH, bien que labellisé « Grindcore » sortait un album de Death Metal avec « Harmony Corryption » alors que BOLT THROWER que Earache vendait pour du Grindcore, était du pur Death Metal. Pour moi, ils sont tous plus ou moins une facette de ce que, personnellement, je conçois comme étant « le Death Metal » au sens large. Il existe bien entendu certaines similitudes entre des artistes avec lesquels on travaille ou a pu travailler, comme DEFECAL OF GERBE, GRONIBARD et VxPxOxAxAxWxAxMxC, PUTRID OFFAL et INHUME, MERCYLESS, SAVAGE ANNIHILATION, DEHUMAN et MASTER, AD PATRES, DISOWNING, INSAIN et SKINNED, etc., mais chacun avec leur approche du genre. Même ATARAXIE ou OTARGOS ont pas mal de racines Death Metal en eux, au final. Quand tu écoutes « L’être et la nausée » ou « Résignés » de ATARAXIE, tu peux y trouver des côtés INCANTATION et COFFINS, voire ASPHYX, même si la base est principalement Doom / Death. Pareil pour OTARGOS chez qui tu peux trouver, sur « Xeno Kaos », quelques similitudes avec les « Abducted » ou « The Final Chapter » de HYPOCRISY ou THE AMENTA, par exemple. Le fil conducteur est plutôt là, pour moi : j’y retrouve tout ce que j’ai toujours aimé écouter, mais autrement, avec une personnalité propre à chaque artiste.
Certains de ces groupes tournent pas mal, est ce que tu les aides pour le booking ? Ou est ce que tu regardes avant de travailler avec eux si ils sont capables de se débrouiller tout seul ?
J’ai quelques contacts par-ci, par-là, mais ça s’arrête souvent à leur filer un coup de main en cas de besoin, sauf à ce qu’il s’agisse de monter une vraie tournée, où, là, je m’implique plus, comme ce fut dernièrement le cas avec la tournée Européenne de SAVAGE ANNIHILATION, MERCYLESS et AVULSED ou de SKINNED avec INCANTATION ou, il y a un peu plus longtemps, de MITHRIDATIC et NILE, DEHUMAN et MASTER ou DEHUMAN et VITAL REMAINS. Le split LP MASTER / DEHUMAN qu’on a sorti en 2017 était d’ailleurs à l’occasion de leur dernière tournée commune (la troisième), de même que le split AVULSED / MERCYLESS sorti la même année. Pour ce qui est de « ce que je regarde chez un groupe avant de le signer », j’aurai tendance à dire « rien de particulier » dans la mesure où il s’agit principalement d’un coup de cœur artistique. Cependant, les choses étant ce qu’elles sont, j’essaye désormais d’être plus regardant et pense ne plus sortir de « premier album » ou d’albums de groupes ne tournant pas régulièrement ou n’ayant pas une réelle connaissance de comment se gère ce business, parce que même si on n’a pas d’objectif financier à proprement parler, et justement à cause de ça, le label est très souvent sur le fil du rasoir, financièrement, et ne peut pas se permettre de perdre de l’argent avec des groupes qui ne feraient pas le maximum (concerts, vente en ligne, etc.) pour promouvoir leurs sorties… ce qui arrive malheureusement bien souvent… La plupart ambitionnent de « sortir des disques » et donc de passer du stade « d’artiste » à celui de « musicien » mais ne s’en donnent pas les moyens, en termes de temps, de promotion, etc. et se contentent de tout attendre de leur label, le fustigeant si tout ne correspond pas à leur rêve « d’artiste » et que des considérations financières ont malheureusement à entrer en ligne de compte. La musique, c’est un art. Sortir des disques, c’est une industrie, c’est très différent. Et un micro-artisan comme XENOKORP a besoin que chacun s’y mette, constamment, et du mieux qu’il le peut, sinon on met la clé sous la porte dans deux mois. C’est malheureusement comme ça que ça doit fonctionner. Ceci étant, j’ai beau avoir ce discours, hormis deux artistes, parmi les dizaines avec lesquels on a pu travailler, on ne s’est jamais séparé d’aucun, même si les ventes n’ont jamais rentabilisé leurs sorties. On essaye de tenir une balance où les plus gros artistes aident à ce que l’on puisse produire les moins connus, parce qu’un label, sauf à toujours jouer l’opportunité, qu’il soit NUCLEAR BLAST, SEASON OF MIST, METAL BLADE, RELAPSE, etc. ou XENOKORP, c’est censé fonctionner comme ça : être un « collectif » où les succès présents des uns aident à bâtir les succès futurs des autres. C’est du moins comme ça que fonctionne XENOKORP et, « pire encore », parce que là, ça n’est plus très professionnel, en soi, j’ai tendance à penser que c’est une sorte de « famille » et rien ne peut me faire plus plaisir que lorsque de réels liens d’amitié se créent entre des artistes du label qui ne se seraient certainement jamais croisés s’ils n’avaient pas été signés chez nous. Comme par exemple MERCYLESS et SAVAGE ANNIHILATION, DEHUMAN et MASTER, PUTRID OFFAL et INHUME,etc. Parce qu’au final, comme personne parmi nous n’a rien à y gagner en termes de moyens de subsistance, mieux vaut que l’on passe du bon temps ensemble, non ? C’est aussi dans cet esprit qu’existait le KAOTOXINFEST… Je n’ai pas encore pu mettre en place de XENOKORPFEST à cause de mes soucis de santé, mais j’ai hâte qu’il y en ait un, un jour, histoire de faire une grosse fête tous ensemble !
Souvent les gens l'ignorent mais parfois il peut se passer plusieurs mois entre l'enregistrement de l'album et sa sortie dans les bacs. Pourrais-tu nous expliquer ce qui se passe durant ce temps là ? Comment prépares-tu une sortie ? Quelle est ta stratégie de promotion ?
Effectivement. Tout dépend déjà des formats sur lesquels on s’arrête. Globalement, on a un « calendrier » qu’on tient à jour régulièrement et on doit décider de priorité, peu importe qui a fini son enregistrement le premier. Ces priorités sont essentiellement que les albums passent avant les autres types de sorties, les nouveautés avant les rééditions, etc. Tout dépend aussi si le groupe a des engagements fermes en matière de tournée ou pas (on ne parle pas de trois concerts chez eux, mais bien d’une véritable tournée Européenne, par exemple). A la réception du master de l’album et du graphisme, on définit les tracklists avec tel ou tel bonus pour tel ou tel format quand le groupe en a prévu. Les éditions limitées, les éditions spéciales, etc. suite à quoi, on doit finaliser le graphisme en fonction des supports retenus et vient ensuite le temps de pressage. S’il y a un vinyl au programme, sachant qu’on n’est pas une structure « prioritaire » pour les usines qui ont souvent des contrats avec des délais à tenir avec les labels plus importants, on passe un peu « quand ils peuvent » et les délais sont parfois très importants et souvent ingérables, voire inconnus… Par sécurité, on attend donc que tout soit en stock avant de programmer la date de sortie, sauf à ce qu’on n’ait retenu qu’un format CD, dont les délais sont plus courts et souvent respectés à quelques jours près. La date de sortie n’intervient dans tous les cas jamais moins de trois mois après qu’on ait reçu les albums (s’il y a du vinyl) ou envoyé au pressage (s’il s’agit uniquement de CD). Le choix des formats se fait principalement sur ce que l’on pense pouvoir espérer en termes de volume de ventes. Il faut savoir que, quoi que pensent les fans et les groupes, le vinyl, du moins pour nous, quelque soit le genre musical, est bien loin d’être une énorme vente. C’est en général à peu près 20 à 25% du volume des CDs et les usines n’en font jamais moins de 250 copies (sauf à proposer des tarifs inabordables nous empêchant de fournir nos distributeurs à prix de gros et donc de limiter considérablement les possibilités de rentabiliser la sortie). Certaines fois, on fait le pari, d’autres fois, non, mais généralement, on ne sort jamais un premier album en vinyl. Certains groupes n’ont pas la patience d’attendre trois mois que l’on reçoive leurs vinyls puis trois mois pour la sortie, en ce cas, puisqu’ils sont pressés, on ne sort que du CD. Les trois mois entre la date de réception des vinyls ou l’envoi au pressage des CDs et la date effective de sortie sont essentiellement dus à la logistique car, même si petits, XENOKORP a des distributeurs partout dans le Monde et, clairement, pour que nos sorties soient, par exemple, en bacs aux Etats-Unis ou au Japaon, il faut tout d’abord enregistrer la sortie auprès des distributeurs qui, ensuite, feront des préventes « privées » auprès de leurs clients, les VPC et disquaires. Il nous faut ensuite expédier les quantités demandées soit au distributeur directement, soit à des plateformes de collecte qui groupent les colis pour leur faire traverser les océans en containers pour qu’ils arrivent aux distributeurs. Enfin, ceci doivent faire en sorte que les albums aient atteints leurs clients pour mise en bac le « jour J ».Tu imagines bien que lorsqu’il s’agit de traverser l’atlantique ou d’atteindre le Japon, ça ne se fait pas en deux jours. C’est en ça que réside ce délai incompressible de trois mois. Bien entendu, il nous serait « facile » d’envoyer les albums au pressage et de les « sortir » à réception, mais quel intérêt pour l’artiste si, en ce cas, ils ne sont disponibles qu’auprès de nous et nulle part ailleurs ? C’est un choix. C’est comme ça, comme n’importe quel « vrai » label que nous fonctionnons. Libre aux artistes de signer ailleurs s’ils souhaitent faire autrement, mais c’est ainsi que fonctionne cette industrie… et comme toute industrie, rien n’est jamais immédiat. Ceci étant, ce délai est censé pouvoir permettre à l’artiste d’avoir son album finalisé et de pouvoir démarcher pour tournée, avec une date de sortie suffisamment éloignée pour qu’il puisse tourner pour sa sortie, la plupart des salles et tournées étant bookées des mois à l’avance, pour ne pas dire des semestres ou années à l’avance. On travaille par exemple d’ores et déjà à une tournée Européenne pour MERCYLESS pour… l’Hiver 2020 ! Quant à la promotion, tout dépend de ce qu’est la sortie en question. Elle est bien sûr toujours plus importante pour les album que pour tout autre format, mais elle dépend aussi de ce que l’artiste a prévu pour ce faire ou pas. Est-ce que le groupe a des « studio reports », des clips, des « face B »,etc. qui nous permettent de débuter la promotion longtemps avant la sortie de l’album ou pas du tout ? Etc. Il faut aussi reconnaître qu’ayant un budget très limité, les magazines regardent rarement à ce que l’on fait, non pas qu’il faillent, du moins pour la plupart, « acheter de la pub pour avoir une bonne chronique », rien n’est jamais assuré en la matière, mais disons que, forcément, ils privilégieront toujours ceux qui leur permettent d’exister en tant que tels, non-pas les lecteurs, car leur vente est désormais souvent anecdotique, même pour les plus gros, mais bien leurs annonceurs, qui prennent en charge une bonne partie des coûts inhérents à la publication d’un support papier. Nous travaillons uniquement à base de supports digitaux, en termes de promotion et, bien souvent, de toute façon, ceux qui nous réclament du support physique, sont les moins lus, que ce soit les magazines ou les webzines. Nous avons des gens, altruistes, qui, qu’on prenne de la pub chez eux ou pas, nous ont toujours supportés et ont toujours cru en nous, comme ROCK HARD en Slovaquie et en France, METALLIAN, LEGACY en Allemagne, ZERO TOLERANCE ou (RIP) TERRORIZER en UK, DECIBEL et DOA aux USA, par exemple, mais aussi FRENCH METAL, THRASHOCORE, UNITED ROCK NATIONS et j’en passe des tonnes, en ce qui concerne les webzines. J’en profite d’ailleurs pour les remercier tous, sincèrement. Le calendrier de promotion est donc, plus ou moins, toujours le même, sauf à ce que le groupe nous ait écouté et prévu de quoi l’allonger ou le densifier, en fonction des besoins.
Est ce que tu interviens à certains moment dans l'artistique? Pour valider les morceaux ou pour la pochette d'album par exemple?
Jamais. Mon intervention se limite à valider les fichiers et voir s’ils correspondent à nos besoins techniques. Parfois de demander au groupe de réserver tel ou tel titre à un bonus si on sort un vinyl, ou si je trouve l’album un peu long. Parfois, bien en amont, je leur propose ceci ou cela, comme de réenregistrer un vieux titre, du live, etc. ou je discute avec eux, s’ils me le demandent, des aspects visuels. Certains m’envoient 200 préprods, d’autres me demandent ce que je pense du mix, etc., mais en général, mon rôle s’arrête là. J’ai trop de respect pour ce qu’ils souhaitent faire de leur art pour leur imposer quoi que ce soit. Bien sûr, à contrario, je regrette souvent qu’ils n’aient pas prévu ce qu’il fallait pour la promo ou des « Face B »,etc. ou même qu’ils soient allés trop vite pour le graphisme, prévoyant par exemple un livret pour CD crystal alors que je leur propose un DigiPak bien plus qualitatif, etc., mais ça s’arrête toujours à ça, sauf à ce qu’ils souhaitent que, vraiment, j’intervienne. Parfois, c’est une négociation du genre « ok, on sort un vinyl en plus du CD, mais j’ai besoin que les gens y trouvent quelque-chose en plus pour justifier le surcoût que représente l’achat d’un vinyl » (ils ne sont pas beaucoup plus chers que les CDs, chez nous, à peine deux ou trois euros, mais les frais de port sont, forcément, plus conséquents…) et on retire donc un titre prévu à l’origine pour figurer sur l’album et que l’on réserve au vinyl, comme pour l’hommage à Jeff Hanneman que SAVAGE ANNIHILATION a enregistré pour son dernier album et qui n’est disponible que sur la version vinyl, ou un titre des sessions du deuxième DEHUMAN, « Graveyard of Eden », qui est uniquement disponible sur le vinyl également.
Peut-être que dans nos lecteurs, certains rêvent de monter leur label afin de produire les groupes qu’ils aiment. Qu’aurais-tu comme conseils à leur donner ? Est-ce concrètement réalisable aujourd’hui ?
Tout est toujours réalisable. Tout dépend des ambitions que l’on a. Je me souviens d’un tout jeune label Français dont le boss était venu me voir pour avoir quelques conseils il y a quelques années et qui me disait « De toute façon, on va devenir le prochain Season of Mist ». J’ai un peu ri, je dois bien avouer : il faut savoir faire ses armes et, avant tout, il faut connaître le métier. C’est une chose de savoir trouver une usine pour presser un CD et avoir deux potes dans un webzine. C’en est une autre de savoir ce qu’est un éditeur, quel est le rôle exact de la SPEDIDAM, de la SACEM, de la SDRM, etc, ce que sont les droits-voisins, les droits sur la reproduction mécanique, etc. C’est un métier de gestion avec des aspects légaux (les contrats avec les artistes, les distributeurs, etc.). Si tu es réaliste et que tu souhaites y aller pas à pas, vas-y, mais apprends, toujours, sur ce qu’est ce métier, parce que ça peut en être un ou en devenir un et, comme tout métier, ça demande une qualification professionnelle. Ça m’a prit des années et j’apprends encore beaucoup, tous les jours. Si tu veux « servir » tes artistes, c’est « ça », ton job, pour moi. Si tu veux juste bricoler dans ton coin et aider tes potes à faire de l’autoprod, c’est tout aussi respectable, mais ça n’est pas un label, pour moi, en ce cas. Du moins, pas au sens où je l’entends. Dans tous les cas, être honnête avec ses clients et ses artistes, c’est le seul conseil que j’aurai à donner. Non-pas que ce milieu soit rempli de voleurs, ils sont plutôt rares, mais certains « labels managers » ont tendance à « survendre » les capacités de leurs structures et leurs artistes ont tendance à être naïfs. Peu curieux, pas au fait de leurs droits et obligations, et, surtout, impatients. Beaucoup sont prêts à signer n’importe où et à croire n’importe quoi pour peu que leur disque sorte trois mois plus tôt… et s’en mordent souvent les doigts… D’autres, savent comment fonctionne ce milieu, le milieu musical au sens large, j’entends, parce qu’à quelques détails près, c’est la même chose que tu fasses du Rap ou du Classique, de l’Electro ou du Grindcore : c’est la même « industrie ». Alors, pour lancer son label, à mon sens, il faut être honnête avec soi-même pour savoir ce que l’on ambitionne pour lui et ses futurs artistes, et mettre en parallèle les dites ambitions avec les moyens de les atteindre. Mais, encore une fois, si l’idée est d’aider un groupe de potes à sortir son premier album et à en vendre 200, peu importe, tant que tu es honnête avec les gens avec qui tu travailles sur ce que tu peux faire avec et pour eux.
Ce qui fait peur souvent c’est la paperasse, les déclarations, etc... en réalité qu'en est-il ? Est-ce surmontable? Comment ton activité est déclarée ? Signes-tu des contrats avec tous les groupes ? Quels sont les risques là-dessus pour toi ?
Il faut savoir ce que l’on veut et, clairement, oui, la musique est une industrie et, en tant que telle, elle a sa part de « paperasse ». Si XENOKORP était une plus grosse structure, j’aurais à faire enregistrer chacun à la SACEM, à gérer l’édition, les contrats, la compta et j’en passe, sans parler de toute la partie promo et des visuels afférents… mais j’aurais certainement aussi les gens pour le faire. Ce n’est pas le cas, alors je m’adapte en fonction des désirs des artistes et de leur compréhension et / ou appréciation de ce business, malheureusement, dirai-je, car il serait bien plus rentable pour eux d’être tous inscrits à la SACEM, à la SPEDIDAM, d’avoir un éditeur et j’en passe. Certains ont « la complète », d’autres rien du tout, à ce niveau. Ça les regarde et charge à eux de se gérer s’ils le souhaitent. Je suis là pour les conseiller en la matière, même si je ne peux pas faire les choses pour eux. Pour les contrats, c’est la même chose : on en signe bien entendu toujours, avec tous les artistes, mais au final, ça n’a guère d’importance, en soi, pour une structure comme la nôtre. C’est juste une question de clarté sur les rôles, droits et obligations de chacun mais, si un artiste a décidé de, parlons vulgairement, te la mettre, qu’est-ce qu’on peut bien y faire ? Rien que payer les frais d’avocat pour lui intenter un procès nous mettrait sur la paille… C’est plutôt une relation de confiance mutuelle, notre base de travail, et le contrat n’est là que pour expliciter le rôle de chacun. Un artiste avec lequel nous travaillons avec KAOTOXIN a sciemment décidé de nous voler en pressant des copies bootleg de son propre album pour les vendre sur ses tournées, par exemple. Nous n’avons bien entendu jamais retravaillé avec ce groupe et nous sommes assurés que ça se sache, partout. C’est un petit milieu et agir à l’encontre des engagements que tu avais pris se sait vite et est vraiment insupportable à tout le monde. C’est un milieu sérieux, fait de gens sincèrement honnêtes, quelque soit la taille du label et on se connaît tous. Le mot passe donc très vite. Le groupe n’est d’ailleurs pas allé au-delà que l’album que nous avions sorti avec lui, puisqu’il s’est séparé quelques mois plus tard. Au final, le bouche à oreille est donc plus efficace que n’importe quel procès qui aurait duré des années. Ceci étant, si j’avais eu les finances de structures plus grosses comme c’était le cas pour SEASON OF MIST lors du procès intenté à YATTERING, il est certain que je n’aurai pas hésité pour autant. Un autre groupe s’était engagé pour trois albums et a signé ailleurs, dans notre dos, après le premier EP. On s’est sévèrement fait la gueule pendant des années, mais on s’est expliqués par la suite et on a des relations cordiales, désormais. Ce sont des choses qui arrivent. Mais, comme je te le disais, c’est un esprit de famille que j’essaye d’établir entre nous tous, groupes et label, et si certains ne s’y retrouvent pas, mieux vaut qu’ils aillent voir ailleurs, dans tous les cas, c’est mieux pour tout le monde.
Est-ce que tu as eu peur au moment de lancer le label, ou à certaines périodes difficiles ? Des paris risqués par exemple ?
Ça n’est pas dans ma « nature » de faire des paris. Je fais ce que je pense pouvoir faire avec les moyens dont nous disposons et la survie de ce label passe avant son développement. Je ne cherche pas à ce que XENOKORP devienne une grosse structure et ne l'ai jamais souhaité, même à l’époque de KAOTOXIN qui était pourtant plus « généraliste ». J’ai dirigé une PME de cinquante personnes pendant quinze ans et, crois-moi, ce n’est pas ça dont je rêve pour le label. Je suis admiratif de personnes comme Hervé de OSMOSE, Laurent de LISTENABLE ou Michael de SEASON OF MIST pour avoir su faire grandir leurs structures, mais je sais ce que je veux et peut faire, de mon côté. J’ai quarante-cinq ans, j’ai survécu à une leucémie très violente (tu sais de quoi je parle…) et je perds la vue à cause d’une maladie génétique incurable. Alors, non, je ne signerai jamais de « stars » au sens commercial du terme, je n’aurai jamais mon entrepôt où faire disquaire et salle de concert pour nos release parties comme j’aurai pû y rêver si je m’étais laissé aller à croire à ce qui ne sera jamais pour moi un jour, mais, vraiment, je n’en n’ai que plus de plaisir à faire ce que je fais, bénévolement, depuis dix ans, avec les gens avec qui je le fais et je leur en suis reconnaissant, artistes et clients. De ce fait, hormis à regarder le compte en banque du label, je ne peux pas dire que j’ai pu avoir peur au cours de toutes ces années. J’ai signé des groupes que j’allais voir en concert quand j’étais ado (MERCYLESS, PUTRID OFFAL…), je me suis fait de vrais amis qui m’ont réellement soutenu dans les moments difficiles, vraiment. J’ai travaillé avec des bénévoles formidables sur tous les concerts qu’on a organisés et « en off » pour préparer des colis, tenir des stands, etc. Des moments de lassitude, de tristesse, de dégoût, parfois, de découragement, oui, ça m’est arrivé et ça arrivera encore, mais ce label est ce qui me fait me lever le matin, même si c’est aussi à cause de lui que je me couche très tard, le soir. Peu importe. Quelque part, en dehors de mes proches, c’est lui qui m’a gardé en vie, quelque part, et c’est une expérience humaine inoubliable, avec des gens formidables et dans ces conditions, il n’y a rien à craindre de qui ou quoi que ce soit, sauf à faire n’importe quoi ou à subir l’inévitable. Je ne pense pas être du genre à faire n’importe quoi et, pour l’inévitable, on ne peut pas l’éviter, alors à quoi bon le craindre ?
Est-ce compliqué au quotidien de s’occuper de la gestion de ce label ? Ça te prend combien de temps par jour/semaine ?
A mon niveau, je ne peux pas dire que ce soit « compliqué ». J’essaye d’apprendre ce que je ne connais pas, comprendre ce que je ne comprends pas, et évoluer positivement dans ce sens en ce qui concerne ce job, mais en dehors de ça, c’est plutôt « routinier » dans le sens où c’est toujours la même chose : réaliser des disques, les promouvoir, les vendre, quelque soit l’artiste concerné, mais c’est aussi à chaque fois unique, en fonction de avec qui tu travailles sur le moment, pour quelle type de production,etc. Chaque album est différent, chaque groupe aussi et chaque sortie est unique. Disons que c’est un équilibre entre routine et surprise permanente. Mais à mon niveau, c’est aussi un équilibre très fragile dans la mesure où je gère tout quasiment seul. Si je suis malade, rien n’avance. Si un truc flanche (retards à l’usine, groupes qui ne tiennent pas les délais promis, site Web qui plante,etc.), tout le reste prend du retard et les impondérables sont nombreux… A l’époque de KAOTOXIN, je me souviens qu’on avait tout prévu en temps et en heure pour le deuxième album de NOLENTIA, c’était parti, tranquille. L’album était à l’usine, la date de sortie planifiée, le groupe avait préparé une release party chez lui, tout était nickel. Mais c’était l’Hiver et le camion de livraison est tombé dans un fossé en sortant de l’usine et tout ce qu’il contenait a mis des semaines à être expertisé par leur assurance et, même si l’usine a pris sur elle de refaire les albums en attendant d’être indemnisée, l’album est arrivé des semaines après la date de sortie prévue. Tu ne peux pas prévoir ce genre de choses et pendant que tu essayes de les gérer, le reste doit attendre. Quant au temps que ça me prend, c’est très simple : tout mon temps. Absolument tout. Sept jours sur sept, tout le temps où je suis debout, à l’exception de rares moments passés en famille à dîner. Je n’ai jamais vraiment fait le calcul hebdomadaire, mais à vue de nez, ça doit me prendre au minimum l’équivalent de deux temps-plein…
Le but pour toi est-il d’en vivre à un moment ?
A aucun moment, non. J’ai la chance d’avoir des revenus suffisants pour que mon réfrigérateur ne soit jamais vide et ça me suffit. Si un jour on devait dégager un bénéfice suffisamment conséquent et régulier pour payer un salaire à quelqu’un, alors j’embaucherai quelqu’un plutôt que de me payer. Ça n’a aucun intérêt pour moi et ça aiderait le label et quelqu’un qui aurait besoin de bosser. C’est plutôt comme ça que je vois les choses si jamais ça devait arriver.
A l’heure du numérique, on est tenté de se demander si les labels ont encore un rôle à jouer notamment pour les petits groupes. Pour toi qu’est-ce qu’un bon label ? Quelles missions doit-il pouvoir réaliser ?
Un « bon » label est un label qui ne se résume pas à « sortir des disques » mais a, à mon niveau du moins, un rôle de conseil, de management, de structuration de réseau, de mise en relation, de promotion, etc. qui le rendra toujours indispensable pour un groupe. Sauf à ce que celui-ci soit suffisamment débrouillard pour générer des revenus suffisants pour se payer un administrateur, un manager, un « publiciste », un chargé de production et j’en passe, aucun groupe autoproduit n’arrivera jamais à atteindre un public aussi conséquent qu’avec un label qui gère tout ça pour lui, chacun à son niveau, bien entendu. Disons que c’est un escalier, pour imager mon propos. Les groupes auto-produits resteront toujours au rez-de-chaussée alors que chaque nouveau label avec qui ils pourront travailler, surtout si, justement, ils sont débrouillards, sera une marche de plus pour eux. XENOKORP est, disons, la deuxième marche. Il y a beaucoup de labels qui ne font pas grand-chose pour leurs artistes, sur la première et, tout en haut, il y a tout ceux mondialement connus. Si un jour j’arrive à faire de XENOKORP un label « troisième marche », alors je serai comblé, mais je suis bien là où on en est et tout le mal que je souhaite à mes artistes est de nous quitter pour monter l’escalier, jamais pour descendre d’une marche. J’ai même râlé sur certains (qui se reconnaîtront sûrement) qui ont refusé un deal de RELAPSE pour continuer à bosser « entre amis ». Bien entendu, j’étais touché, mais je trouvais ça dommage pour eux. Ceci étant, certains y trouvent tout comme moi un certain équilibre, sachant qu’un plus gros label, ça demande aussi de plus gros efforts et que si ça foire, c’est fini pour cette collaboration alors qu’avec une structure comme XENOKORP, les enjeux sont moindres et plus facilement gérables sur le long terme. Mais pour en revenir à l’autoproduction, je ne connais aucun groupe qui ait réussi, de cette façon (mais ma culture en la matière n’est pas exhaustive) et tous les plus gros groupes sont tous sur des labels, hormis METALLICA qui a l’argent nécessaire pour gérer le sien, mais tient cet argent de 25 ans, dirons-nous, à bâtir une fanbase monstrueuse grâce aux labels avec lesquels ils avaient collaboré auparavant. Numérique ou pas, les labels seront toujours nécessaires aux groupes. Et puis, le « label », c’est une « étiquette », en Français. C’est une « marque », un gage de qualité, un signe de reconnaissance qui fera toujours, du moins pour ceux qui bossent correctement, que les médias et les fans auront toujours à peu près à quoi s’attendre des nouveaux artistes signés sur ledit label et ça, en autoproduction, tu ne peux pas le créer de toute pièce. Pas en tant que groupe, seul, du moins. Après, avec une équipe de quelques personnes, ça parait gérable, mais il faudra bien les faire vivre, à un moment où un autre, ces personnes, et ce n’est plus vraiment la même chose. Les revenus générés sont bien trop faibles dans notre milieu pour qu’un groupe puisse rêver d’avoir son spécialiste merch. Celui qui gère les pressages et la distribution, celui qui gère la promo,etc., le tout en tournant toujours et encore pour établir son nom. C’est malheureusement impossible. C’est quelque-chose que tu peux te permettre quand tu as bénéficié de l’aide de labels pour lancer ta carrière, que tu as gravi les échelons un à un grâce et avec eux et, seulement une fois que tu as la fanbase nécessaire, tu peux t’y essayer, mais avant ça, t'auras toujours besoin d’un label. Je suppose que des gens comme SLAYER auraient largement pu le faire mais tu vois, ils ont décidé de signer chez NUCLEAR BLAST à la place. Ça n’est clairement pas pour rien. Après, surtout dans le Rap et l’Electro, beaucoup de musiciens disent « ouvrir leur propre label », mais quand tu y regardes de plus près, tu t’aperçois que les dits labels ne sont guère que des structures fantômes sous-labels de grosses structures, voire de « majors »…
Toi qui es un acteur actif de cette scène « underground » via Xenokorp, est ce que tu trouves qu’il y a des dérives dans cette scène, ou des choses qui t’agacent ?
J’ai tendance à me méfier de ce genre de sentiments et de pensées, du coup, j’aurai tendance à te répondre « non », mais je dois bien avouer que certaines choses m’attristent, parfois. Surtout en ce qui concerne la curiosité des gens en général. Pas que je sois jaloux de qui que ce soit, je sais où est ma place dans cette scène, mais je trouve que nombre de fans sont justement, malheureusement, que « ça » : des « fans », c'est-à-dire sans véritable recul par rapport à ce qu’ils disent aimer et avec aucune curiosité pour rien d’autre que ce qui est l’objet de leur « fandom ». Avec ce genre de « non-attitude », on en arrive à une scène ou les gros festivals ne se démarquent plus en termes d’affiche, elles sont toutes identiques, mais sur « celui qui a une tirolienne ». On encense les mêmes groupes album après album alors que certains sont franchement mauvais ou on ne va voir en concert que ce que l’on connaît et on n’a jamais la surprise d’une heureuse découverte. Bref, on fait là où on nous dit de faire et, pire, ce sont très souvent les mêmes qui se clament être « des rebelles » alors que, clairement, ce sont des moutons. Si on a les mêmes vieux groupes depuis quarante ans en tête d’affiche des festivals, ça n’est pas pour rien, malheureusement. Et même en ce qui concerne les groupes plus « bas » sur l’affiche. « On programme du Grindcore ? Ok, appelons Napalm Death. Du Thrash, OK, appelons Slayer, Exodus, Testament ou Anthrax, etc. » mais on en arrive à un à point crucial de l’histoire du Metal, désormais : la plupart des « Grands Anciens » nous quittent ou se retirent et on ne va pas tarder à se rendre compte que, pendant trente ans, cette scène n’a vécu que sur les mêmes groupes, encore et toujours. Tu vois GOJIRA ou LAMB OF GOD en tête d’affiche du HELLFEST et le festival sold out avec ça ? Pas moi. Pour autant, c’est à peu près ce qui nous restera de « plus gros » de ces trente dernières années, parce que les gens n’ont eu aucune curiosité pour les nouveaux artistes pendant trente ans. Des gens comme SEPTICFLESH, SUFFOCATION, MARDUK, etc. ont su tirer leur épingle du jeu ces dernières années, mais hormis des modes vite disparues comme le Nu Metal, etc., cette industrie n’a pas su se créer de nouveaux vraies « locomotives » et ça va se voir assez dramatiquement, dans quelques années. Ce n’est pas par rapport au HELLFEST, mon propos, c’est en général, mais c’est parlant, pour nous, Français, alors je mate l’affiche en même temps que je te réponds et sur les neufs têtes d’affiche, le groupe le plus jeune, DROPKICK MURPHYS, est né il y a déjà 23 ans. Le second est TOOL, né en 1990 et aucun des deux n’est à proprement parler un groupe de Metal… Alors, là, oui, effectivement, ça a tendance à me rendre triste… Mais ça s’arrête à peu près à ça parce que, clairement, je ne suis pas client du HELLFEST et des festivals de cet acabit. Mais, malheureusement, c’est l’état actuel de notre scène. Après, ça peut déboucher sur des choses bien plus intéressantes comme l’était le festival de Dour à une certaine époque, où je me souviens avoir pu voir le même jour FANTÔMAS, ENTOMBED et NAPALM DATH jouer sur les même scène que TTC, LAIBACH ou ALEC EMPIRE. Un vrai éclectisme exigeant, là, effectivement, je trouverai que les choses ont évolué dans le bon sens.
Est ce que tu joues aussi dans un groupe ou as-tu une autre activité en lien avec le Metal ?
Dans une autre vie, j’ai été un très mauvais guitariste et un très mauvais chanteur dans divers groupes franchement pas très bons. J’ai perdu l’usage du poignet gauche après avoir été renversé par une voiture il y a une quinzaine d’années et je n’ai plus pu jouer de guitare depuis, même si à l’époque, c’était juste pour mon plaisir que j’en jouais et plus dans des groupes depuis une petite dizaine d’années déjà. A vrai dire, ça ne me manque pas trop, en tant que tel, parce que je le vois bien avec les artistes avec lesquels je bosse, ça n’est pas simple tous les jours et, même si j’aimerai pouvoir jouer aussi bien qu’eux ou être capable de créer des œuvres aussi fascinantes qu’eux, je ne pense pas que, quand bien même j’en aurais le talent, jouer dans un groupe m’intéresserait, désormais. J’ai aussi géré divers fanzines dans les années 90, mais plus depuis pas loin de vingt ans et, même si on avait lancé TOXIC KAOS avec KAOTOXIN, qui n’a duré qu’un seul numéro, si je devais en gérer un désormais, ce serait plus un magazine que j’offrirai à nos clients avec chaque commande, mais que je déléguerai à quelqu’un dans son intégralité, niveau rédactionnel et gestion, comme nous devions le faire avec TOXIC KAOS, mais je n’avais et n’ai toujours pas le temps, malheureusement. Mais, pour en revenir aux groupes, même si je n’envisage pas de véritablement jouer dans un groupe au sens stricte du terme, je dois bien avouer que je rêverai de monter un projet Crust / Death très dégueulasse, un truc entre les premiers DISMEMBER, ANAAL NATHRAKH, FUKPIG et EXTREME NOISE TERROR, ultra efficace sur scène, avec une attitude Punk et des textes blasphématoiro-gore (ça existe, ce mot ? :P), avec des artistes du label sous la forme d’une sorte de « all-star band » dans lequel tout le monde serait anonyme et pour lequel on ne ferait que un ou deux festivals ou concerts par an. Un truc juste pour le fun, mais avec de vrais bons musiciens. Ça, ça pourrait effectivement me faire tripper. Mais je n’aime pas être « sur le devant de la scène » ou me mettre en avant, ça risque donc d’être assez problématique, si ça devait se réaliser un jour, parce que pour faire du live, il faut avoir un certain côté exhibitionniste et… ça n’est pas le cas en ce qui me concerne, ahah
Et bien c’était tout pour moi, je te laisse le mot de la fin !
Je me rends compte que nombre de mes réponses peuvent peut-être laisser à penser que j’ai une vision assez sombre ou désabusée de notre scène, de nos artistes, labels, etc. mais ça n’est clairement pas le cas. Je suis vraiment très reconnaissant à tout-un-chacun, que ce soit mes collègues d’autres labels, les artistes avec lesquels j’ai la chance de travailler ou les clients qui font que ce label existe, de rendre les choses possibles et d’être qui ils sont. Je me suis juste prêté au jeu en tâchant de répondre sincèrement et honnêtement à tes questions et, comme chacun le sait, il est toujours plus simple de parler longuement de choses pas forcément engageantes que de s’étaler longuement sur les choses réjouissantes. On est ainsi faits, non ? Mais, quoiqu’il en soit et quelque soit le sentiment qu’elles pourraient laisser à penser, ce fut un réel plaisir et un honneur que de pouvoir répondre à tes questions, Geoffroy et je t’en remercie sincèrement ! Si vous voulez sortir de vos habitudes et découvrir de nouveaux artistes, allez donc jeter une oreille à nos productions sur xenokorp.bandcamp.com, ça n’engage à rien d’autre qu’à, je l’espère, de belles découvertes !
https://xenokorp.bandcamp.com/
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