En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées. C’est le genre de lieu commun propagé par la droite de Michel Sardou, mais qui contient tout de même un fond de vérité. Et je pousserai le raisonnement encore plus loin. En France, on a le pinard, on a l’industrie du luxe, et on a des bargeots. De sacrés bargeots même. Le truc a dû commencer avec les pétomanes, se répercuter dans les années 60 d’Hector, le Chopin du twist et de Dutronc qui cherche encore son surmoi parmi ses mois, et puis la déferlante seventies, MAGMA, MOVING GELATINE PLATES, RED NOISE, les CHARLOTS, j’en passe et des plus obscurs. Notre Metal chéri n’a pas fait exception à la règle, et on se souvient évidemment de CARNIVAL IN COAL, de 6:33, de GNÔ, de RUFUS BELLEFLEUR, dignes héritiers des Emmanuel Booz et Albert Marcoeur.
Mais alors, en ce cas, où situer les ÖXXÖ XÖÖX ? Loin, très loin sur la carte, dans un pays imaginaire au vocable cryptique, qui ressemble à s’y méprendre au kobaïen des troupes de Christian Vander. Une langue fantasmée, qui constitue une autre ligne rythmique, dans un slam désespéré qui suit et parfois commande les morceaux de ses intonations étranges, et de ses syllabes indéchiffrables.
ÖXXÖ XÖÖX clôture donc son deuxième diptyque avec +. Qui fait suite à Ÿ. Qui lui-même faisait suite au premier diptyque, ainsi de suite. Cinq années d’absence, mais immédiatement pardonnées par ce quatrième longue-durée, qui une fois de plus dépasse toutes les attentes en termes de durée. Encore une heure et neuf minutes de chaos, de bouillonnement sonore, de fantasmes gravés pour la postérité, et des influences qu’on sent encore glisser entre nos mains. Les normands (Öxxö Xööx - instrumentation/chant, Rïcïnn - chant/piano et Isarnos - batterie), pratiquant l’échangisme musical au sein d’illustres labos comme RÏCÏNN, LITURGY OF DECAY, WHOURKR, GAÏDJINN, ou IGORRR, s’illustrent une fois encore par leur éclectisme, et leur imagination débridée les menant sur le chemin d’un Metal extrême sans frontières, et sans surveillance éthique. Ici, on mélange, on secoue, mais on sait que le résultat sera délicieux.
Et évidemment, il l’est une fois encore. Mais un peu de précisions concernant ce nouveau chapitre. Infos prodiguées par le groupe lui-même.
Amusez-vous déjà avec ça, et ensuite, mettez en application ces principes. En gros : écoutez l’album.
Cet album est un monstre, une sorte de mélange entre la liberté de ton des années 70, le cyberpunk à la VOÏVOD, et l’école dadaïste des assembleurs de sons WHOURKR, IGORRR, et quelques autres tous aussi fondus. Mais, malgré cette absence de bride, le cheval ne rue pas dans le vide. ÖXXÖ XÖÖX pratique un art cohérent, impose des suites logiques, et ne se perd jamais en route. Inutile donc de traquer le petit détail gratuit ou l’arrangement hasardeux, tout ici est calibré sans en donner l’impression, puisque les morceaux sont soumis à la règle des humeurs changeantes. Mais dès « Cündü(-) », la vérité éclate au grand jour : ce groupe est tout bonnement génial, et sans réel équivalent dans son créneau.
Ces chansons qui s’éternisent sur de longues minutes apportent de l’eau au moulin de la relativité d’Einstein. Ainsi, les dix minutes de « Säntä(S) » donnent le sentiment d’être passées en quatre fois moins. Les idées sont tellement cartésiennes dans leur démence qu’on en vient à penser à un équilibre dans la folie, un genre de bipolarité artistique qui peut irriter, mais qui finalement, provoque un excès de tendresse envers ces musiciens généreux et talentueux. Les mélodies sont toujours aussi présentes, veloutées, abruptes ou diluées, et ce space-opera de l’étrange dame le pion à toutes les tentatives osées de Devin Townsend, qui s’échine depuis longtemps à essayer d’écrire la musique du futur.
Mais la musique du futur, la vraie, est là. Et elle est ++++
Bestiaire étrange, voyage interstellaire qui secoue, ÖXXÖ XÖÖX crève une fois de plus tous les plafonds et défie les prévisions. Alors que la fanbase s’attendait à un album énorme, le trio lui offre un album gigantesque. Avec des incursions dans le Classique, sur les chemins du Progressif seventies, des montées en puissance caractéristiques du Metal extrême moderne, + joue l’intégration et la diversité, duo formidablement bien incarné par « Däë(8) », ballade dans les étoiles qui réchauffe le cœur et la combinaison.
Des combinaisons justement. Beaucoup de combinaisons. Le baroque n’Roll, le Death Metal joyeux, l’expérimental raisonnable, la prouesse vocale en deux registres, et une multitude de heurts rythmiques, des reprises incongrues, des virages négociés au dernier moment, et le souffle coupé. « Dïrïün(X) », sublime, évoque Anneke et Devin en duo, tandis que « Ämä(I) » pourrait être un hommage rendu à l’immense et regrettée Catherine Ribeiro lorsqu’elle vocalisait au sein d’ALPES.
Vraiment, j’aurais aimé pointer du doigt quelques erreurs, des répétitions malheureuses, mais las, je n’ai rien trouvé de probant. + est de ces albums en cathédrale qu’on visite une bonne centaine de fois sans en découvrir tous les secrets. Mais tiens, le groupe a une formule parfaite pour ça :
Il affronte la vérité, même si elle est dure et effrayante. C’est une rébellion motivée par l’amour de la liberté.
Dream in blue. C’est beau non ?
Titres de l’album:
01. Cündü(-)
02. Säntä(S)
03. Däë(8)
04. Dïrïün(X)
05. Ämä(I)
06. Ör(O)
07. Füch(C)
08. Krïs(T)
09. Düntö(+)
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Moshimosher + 1 pour ce qui est de mon album préféré et de la news qui n'est malheureusement pas si surprenante que ça au vu de la vie du gaillard...
21/10/2024, 20:58
RIP ! Iron Maiden restera mon album préféré du groupe et Killers le premier album que je me sois acheté (Ah ! Quelle pochette !)... Pas vraiment étonné par la nouvelle, mais, bon, elle n'en est pas moins triste pour autant...
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Bah oui allons LeMoustre...Il est évident que le propos d'Orphan est du quinzième degrés.
20/10/2024, 17:22
@LeMoustre: Concernant Orphan, je pense qu'il y a surtout du 2nd degré...Quant à FATIMA: le groupe sort un album sur Season of Mist en 2020, et découvre en 2024 que DESTRÖYER 666, c'est des méchants... Paye ton groupe de touristes. Allez, une petite (...)
18/10/2024, 22:29
Très 90s dans le son, même si j'aurai préféré un peu plus rond. J'aimerai bien les revoir live du coup.
18/10/2024, 19:15
@Humungus : oui, j'aurai pu mettre les Guignols de l'Info avec Mr Sylvestre dans le lot, quand il citait les gniakoués, etc...Malheureusement quand je lis des réactions comme du dénommé orphan je me dis qu'on est quand même pas sorti d'(...)
18/10/2024, 07:39