C’est bien joli de se donner le nom d’un superhéros, mais ce tour de passe-passe ne vous transforme pas en tant que tel. Je peux moi aussi m’affubler du surnom d’un être d’exception, exiger des gens qu’ils s’adressent à moi en tant que Magneto ou Ant-Man, ça ne changera pas mes capacités pour autant. Je resterai le même quidam anonyme que l’on croise au supermarché faisant ses courses pour la semaine, sans autre originalité que le faible contenu de son porte-monnaie.

Mais admettons, et acceptons le clin d’œil.

Les DAREDEVIL sont russes, moscovites pour être plus précis, et s’agitent dans l’ombre depuis quelques années. Après une longue préparation parsemée de singles, d’EP’s et de démos, le quintet s’est enfin lancé en longue-durée via Оцепенение, qui n’avait de longue-durée que de nom. Trois ans plus tard, le combo revient par la moyenne porte, en ayant revu à la baisse ses prétentions. On passe de vingt-sept à vingt-deux minutes, sans vraiment changer l’inspiration. Mais cette inspiration multiple permet justement de passer un excellent moment, les moscovites évitant le jeu des petites cases réductrices. D’ailleurs, après écoute de leur deuxième effort, je suis toujours incapable de les situer sur une carte quelconque. 

Mais acceptons. Et puis la diversité se faisant rare, apprécions.

Arseny Gerasimenko  (guitare), Kirill Osipov (chant), Egor Volkov (basse), Alexander Aleksandrowitsch (batterie), et Igor Kukushkin (guitare) ont le look Metal avec leurs cheveux très longs, à tel point qu’on pourrait faussement les prendre pour des thrasheurs habiles. Il n’en est rien évidemment, et ce deuxième chapitre leur permet de brouiller un peu plus les pistes, entre Hard-Rock velu, Heavy dru, Alternatif cru, et Fusion retenue. Des ingrédients disparates donc, mais une belle unité de ton, pour un Рецидив efficace en diable, et truffé d’astuces externes empruntées au Post Punk, à la Cold Wave, au SoCal Punk et j’en passe.

Ragoût au goût étrange ?

Certes, c’est assez proche de la vérité, et un titre aussi fier qu’intrépide comme « Сверкает Сталь » est assez symptomatique de la démarche de biais des russes. Enorme basse brillante et claquante, riffs qui se multiplient comme des petits pains, chant collégial sur le refrain, pour un entrain du diable qui balaie du revers de la main toute attente précise en termes de sous-genre.

Enregistré sans perdre son naturel, Рецидив est un genre d’album enregistré dans des conditions live qui permet d’envisager le potentiel des musiciens sur scène, mais aussi l’impact de ces chansons à la limite parfois d’un psychédélisme Grunge (« На Грани », incroyablement addictif et plaisant). C’est donc joyeux, primesautier même, avec ce petit brin de fantaisie de l’est qui permet de s’en remettre à des critères externes pour alimenter le fantasme Metal. Mais sincèrement, il m’est impossible de coincer ces gars-là dans un carcan trop serré, leur inspiration les emmenant un peu partout avec un sens de la pertinence aigue.

DAREDEVIL n’est donc pas un superhéros, ou alors un superhéros de normalité, de ceux qui aident leur prochain sans en faire tout un foin, qui réconcilient les générations et les publics, et qui finissent par s’incruster dans le cœur de chacun comme ce voisin/ami/copain/relation/connaissance qu’il est réellement. Beaucoup de plaisir dans cette musique exubérante mais parlante, des envies d’ailleurs, un ancrage un peu flou, mais une énergie de fou, pour sept titres aussi dynamités qu’azimutés.

Même l’acoustique finale de « Луизиана » évoque les plaisirs passés des JANE’S ADDICTION. Digne de tourner sur un Lollapalooza des familles des années 90, avant que le festival itinérant ne devienne un cirque médiatique et commercial, DAREDEVIL taquine le Heavy pour le confronter à ses racines plus Rock, et ne rechigne pas à s’acoquiner avec les punks pour rassembler toutes les églises.

Metal alternatif, Alternatif métallique, Punk épais ou Rock décentré, qu’importe. DAREDEVIL est une entité d’exception du quotidien que l’on croise dans les escaliers en allant promener son chien.

Alors acceptons le clin d’œil.    

Titres de l’album:

01. Сломан

02. Ублюдок

03. 7 Ночей

04. Сверкает Сталь

05. На Грани

06. Никто Из Нас

07. Луизиана

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