Se targuer d’un avant-gardisme de surface est à peu près donné à tout le monde. Il suffit de produire une musique absconse, aux contours flous, de partir dans toutes les directions en invoquant une pseudo liberté de ton, ou d’enregistrer tout ce qui vous passe par la tête en cherchant à postériori un semblant de cohérence pour lier le tout. Mais jouer une véritable musique avant-gardiste et expérimentale demande un maximum de talent, ce qui cette fois-ci, n’est pas l’apanage du premier venu. Les exemples abondent dans le sens d’une production ouverte et nonsensique, et chaque semaine charrie son lot de groupes vouant un culte au grand n’importe quoi, sous couvert de tentatives culottés. Mais ne nous leurrons-pas, et sachons séparer la graisse de l’ivresse, et reconnaître les musiciens les plus inventifs pour ne pas vulgariser le concept et le réduire à une somme d’informations disparate. Le Black Metal est un terreau fertile aux imposteurs de tous poils, qui osent nous refourguer des plans encore tièdes subtilement agencés pour faire passer l’escroquerie pour de la folie. La véritable folie, est d’enregistrer une musique riche et dense, en refusant inconsciemment de l’ancrer dans une mouvance particulière, non par choix, mais de fait. Et sous cet aspect-là, la faune locale australe fait partie des écoles les plus prolixes en matière de groupes réfutant la normalité pour se concentrer sur l’excentricité la plus avouable et appréciable, et il n’est pas exagéré d’affirmer que le projet ARKHETH fait partie de ses plus dignes représentants, pouvant même s’accorder le statut de major de promo. Formé en 2001 en tant que combo à part entière, et alors convaincu de la pertinence d’un BM symphonique aux légères accointances progressives, le projet a doucement glissé vers la solitude d’un one-man-band, laissant son leader Tyraenos seul aux commandes depuis quelques années.
Et alors que c’est sous la forme d’un trio (Tyraenos - batterie/claviers/chant, Muurqe - basse et Skolthorn - guitare/claviers), qu’ARKHETH nous avait laissé en proie avec son second LP IX & I: The Quintessence of Algaresh il y a huit ans maintenant, quelques fans apeurés commençaient à se demander si leur créature préférée allait ré émerger des bas-fonds pour s’adonner à son expression favorite, qui risquait finalement de prendre une forme inédite. Nous avons aujourd’hui la réponse, prodiguée par les bons soins de l’écurie Transcending Obscurity, qui en distribuant 12 Winter Moons Comes the Witches Brew a tenté un énorme pari, celui de replacer sous les feux ardents de l’actualité l’un des concepts les plus passionnants qui soit. Et le pari n’était pas gagné d’avance, tant on se demandait si une fois seul aux commandes, Tyraenos parviendrait à maintenir le niveau de qualité auquel il nous avait habitués. Cette interrogation légitime se retrouve aujourd’hui obsolète, puisque ce nouvel effort tient la dragée haute à ses aînés, et à une bonne partie de la production actuelle. En huit années, les choses ont changé, mais pas tant que ça, puisqu’on retrouve tous les ingrédients faisant d’ARKHETH une entité unique, à la lisière d’une multitude de styles différents, mais à la puissance inique et au développé si lâchement drapé dans un linceul de certitudes qu’il devient de plus en plus difficile de le mettre en terre. La transformation/mutation s’est donc opérée en douceur, et les cinq longs morceaux de cette nouvelle offrande dépassent en qualité toutes nos expectatives, à tel point qu’on se demande s’il est toujours légitime de ranger le projet du côté du Black Metal.
Il fait pourtant partie de sa galaxie, et les vocaux toujours aussi abrasifs et respectueux de Quorthon de Tyraenos en attestent. Mais si en surface, l’allégeance est toujours tenace, en profondeur les courants menacent de faire dériver le concept vers des eaux moins tourmentées, et pas seulement à cause de ce saxo omniprésent. Certes, et j’en conviens sans forcer, le coup des cuivres insérés ne date pas d’hier, mais la formulation prise par les options de 12 Winter Moons Comes the Witches Brew en font une instrumentation à part entière, souvent incongrue, mais parfois largement détendue, lorsque le cadre s’y prête. Ce qui est le cas du très long et évolutif « Dark Energy Equilibrium », qui du haut de ses douze minutes évoque tout autant la scène Cold Wave/Post Punk des eighties que son opposée extrême de la même époque. Mélodies développées pour nappes de vocaux rachitiques et exhortés, apparente douceur de ton s’articulant autour d’un mid tempo presque sensuel, pour une démonstration d’adaptation essentielle et cruciale, qui évoque même les FIELDS OF THE NEPHILIM ou les SISTERS OF MERCY. S’il n’y avait ces incarnations vocales fielleuses, il serait même impossible de juxtaposer ce morceau à une quelconque affiliation Black, puisque même le riff de guitare au lointain se satisfait très bien d’une modération fort peu à propos. Il est toujours possible d’y voir une forme très aboutie de Post Black, mais la délicatesse des arpèges combinée à une violence larvée émergeant à intervalles réguliers suggère plus une déviation des théories de la période Viking de BATHORY, tout autant que la volonté de séduction d’un DISSECTION moins nihiliste que d’ordinaire. Les interludes veloutés laissant un saxo dégoulinant de romantisme s’exprimer aèrent le tout, et sont loin d’incrustations en chausse-pied forcées, et ce morceau aussi convaincu que progressif représente à lui seul (ou presque, comme nous le verrons) l’inspiration nouvelle d’un musicien ayant décidé de faire tomber toutes les barrières.
J’utilisais « presque » à dessein, puisque chaque titre de ce troisième album à sa personnalité affirmée, et qu’il est difficile de voir une métonymie globale dans chaque segment indépendant. Ils représentent tous une facette d’un visage global, tantôt souriant, tantôt grimaçant, et souvent inquiétant, ce qu’annonce très bien dans le reflet du miroir l’introductif « Trismegistus » qui navigue à vue sur les flots balayés du Black le plus tourmenté. Mais une fois le second récif passé, et tombé dans le piège tendu par « Where Nameless Ghouls Weep », la traversée se veut plus complexe, et nous désigne un cap différent de ce qu’on aurait pu imaginer. Se traînant le long d’un beat massif et pesant, un chant à la limite de l’invocation somme ses ordres sur le pont, et nous évoque une union étrange entre le CELTIC FROST le plus obscur et le DEATHSPELL OMEGA le moins tergiversé, dans une longue litanie se réclamant tout autant des dogmes minimalistes initiaux du BM nordique, que ceux d’un Heavy Metal de biais, pas vraiment à l’aise de ce riff acide. Mais comme chaque chapitre est constitué de plusieurs saynètes assemblées, les modulations nous perdent le long d’une inspiration plurielle, cédant quelques pouces de terrain à un chant dramatique et habité, et des arrangements synthétiques aussi troublants que dissonants. Et si « The Fool Who Persists in His Folly » semble virer vers des rivages obscurs, il reprend la barre fermement en main pour dessiner le spectre d’un Black psychédélique échappé de seventies anticipées, se prenant même les pieds dans un jeu de cordes opératiques. Quant au long final aussi emphatique que minimaliste de « A Place Under The Sun », c’est par le biais de mélodies sourdes qu’il nous laisse face à nous-mêmes, lâchant une fois encore du lest à la majestuosité d’un tempo pilonné, pour mieux nous enlacer d’un saxo nostalgique et d’un synthé léthargique. On reste alors sur la rive, les yeux embrumés, pas vraiment sûr de la façon dont on va pouvoir raconter ce qu’on a expérimenté, mais le cœur serré d’avoir pu partager un peu de l’imaginaire d’un musicien aussi passionné.
De là, je préfère immédiatement effacer les mots « avant-garde » et « expérimental » du tableau que je dois nettoyer. Car la musique d’ARKHETH tient plus du ressenti que de l’analytique, et se veut plus émotionnelle que circonstancielle. 12 Winter Moons Comes the Witches Brew est un tableau peint avec attention, dont chaque nuance, chaque touche est importante et cruciale, et qui offre le spectacle d’une multitude de détails riches dont la globalité peine à cacher l’individualité. Une œuvre rare, un trip aux confins de l’émancipation, mais surtout, beaucoup plus qu’un simple Black Metal en équilibre entre ses désirs.
Titres de l'album:
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