1248

Omegaeternum

24/11/2024

Ván Records

Encore et toujours. Mais que voulez-vous, pardonnez nos musiciens d’être aussi créatifs et prolifiques, ce dont nous n’avons surtout pas à rougir. Le Black Metal et la France sont liés par une corde aussi solide qu’un tank, et il est inutile de remonter jusqu’aux années 90 pour en avoir la preuve. Depuis le nouveau siècle, les groupes ont commencé à pulluler partout dans notre beau pays, faisant preuve d’ingéniosité, d’ambitions et de culot. Admettons alors que notre scène est l’une des meilleurs au monde. C’est aussi simple que ça, et ça évite des céphalées à force de comparaisons hasardeuses et de chauvinisme aigu.

Nouvelle entrée dans le vieux grimoire, OMEGAETERNUM. Une entrée conséquente qui se dispense de présentation, son œuvre parlant d’elle-même. D’autant que ce premier album n’est pas qu’un premier album. Il est aussi la première partie d’un long triptyque qui va s’étaler sur des années, mais qui a déjà coûté quelques décennies à ses auteurs. Sorghal (guitare/chant/synthés/samples), Öberkommander666 (basse), Arawn (guitare) et Sistre (batterie) nous offrent donc ce monumental 1248, qui de son titre nous fait vaguement penser à 1349. Mais rien à voir avec la bête suédoise immonde, puisque le Metal de ce quatuor est résolument accès sur une confrontation permanente entre mélodie et chaos. Et un sacré chaos.

1248, pourquoi ?

C’est simple et parfaitement décrit sur la toile :

En 1248, le mont Granier, qui domine la cluse de Chambéry et culmine à 1933 m d'altitude, s'est écroulé. Un glissement des marnes de la base du mont, consécutif à la chute d'une partie de la falaise calcaire, est à l'origine de cette catastrophe. Des coulées de boue ont transporté des blocs calcaires de plusieurs centaines de m3 sur des distances supérieures à 8 km, jusqu’à la cluse de Chambéry et la plaine de l’Isère. Cette catastrophe, relatée par des chroniqueurs européens du 13ème siècle, a connu un grand retentissement par-delà les frontières. Selon le dominicain Etienne de Bourbon, « La nuit même, avant qu’il fût minuit (…), une montagne qui n’avait pas moins d’une lieue de long et de large, se déplaça et tomba (…) ensevelissant et écrasant environ seize villages et un grand nombre de paroisses avec leurs habitants (…) ». D’après ces anciens écrits, 4000 à 6000 personnes auraient trouvé la mort, ensevelies… Aujourd’hui, on admet la disparition d’un millier de victimes et de cinq paroisses. 

C’est donc une catastrophe naturelle de grande ampleur causant des milliers de victimes qui sert de point de départ à ce premier volet, dépassant déjà largement l’heure de jeu. Et pour cause, puisque OMEGAETERNUM a vu les choses en grand. Trois compositions titillant le quart d’heure, une trilogie centrale, et des idées à la pelle. Assez proche de ce que DISSECTION aurait pu produire de plus grandiose, 1248 est un chantier titanesque qui traduit musicalement cette catastrophe du treizième siècle, à grand renfort de riffs acides, d’harmonies délavées et de breaks Ambient. On est immédiatement happé par cette passion mystique et par ses circonvolutions fantastiques, laissant un espace conséquent aux longues digressions amères, reposant sur un principe simple et hypnotique de thèmes se répétant en boucle.

En trois morceaux dont une intro, OMEGAETERNUM a abattu le plus gros du boulot. Captiver l’auditeur, le plonger dans son monde et l’intéresser à son concept. Et aussi difficile soit la retranscription musicale de faits réels, le quatuor tisse un canevas incroyablement fin et résistant à la fois, parfaitement décrit par le long et tortueux « The Devious Deceiver ». Avec ses quatorze minutes, ce premier gros morceau entre de plain-pied dans la catastrophe meurtrière, dont il développe l’argumentaire avec une violence sourde et des accès de constatation d’impuissance.

Mais comme je le précisais en amont, 1248 est une œuvre de longue haleine. Son tableau central digne des peintures de la renaissance contribue à en faire un cheminement logique mais éprouvant, comme seules les tentatives les plus ambitieuses peuvent en tracer. Les deux guitares, plus volontiers focalisées sur des riffs mélodiques de biais accentuent le malaise et la terreur ressentie lors de l’évènement. Le spectre de MARDUK vient donc planer au-dessus de ce mont, pour en charrier les pierres avec célérité. Mais OMEGAETERNUM se dispense très bien de comparaisons même flatteuses, et se tient droit, le regard tourné vers le passé pour en commenter l’un des épisodes les plus tragiques.

Formidablement bien emballé par un Ludovic Tournier au sommet de sa forme, 1248 est un livre ouvert aux nombreuses pages et chapitres, que l’on dévore des croquis et esquisses plein la tête. Subtilement allusif à tous les sous-genres liés au Black Metal, ce premier long qui l’est vraiment utilise tous les codes, de ces chœurs grégoriens jusqu’à ces harmoniques empoisonnées, en passant par les éternels vocaux raclés et les blasts enflammés. Les musiciens ont vraiment brillé, et donné tout ce qu’ils avaient pour donner corps à cette vision d’apocalypse qui se digère comme une messe en hommage aux défunts.

« My Inner Decline », suintant de méchanceté et de cruauté est une fois encore une réussite totale, qui propulse l’album à des hauteurs enviables. On sent presque les pierres tomber sur les paroisses, on entend au loin les cris des villageois, et on respire cette fumée calcaire qui s’incruste dans les poumons. La sensation de suffocation et d’horreur est palpable, la violence en soulignant le caractère aussi extraordinaire qu’inéluctable.

« In Outerverse Slumber » n’a plus qu’à jouer son rôle de cliffhanger, maintenant les options prises et l’ambivalence d’un BM aussi âpre qu’accessible. Laissons le temps au temps, et savourons déjà cette première victoire. Mais OMEGAETERNUM ne s’est pas facilité la tâche en atteignant un tel niveau de qualité dès le premier essai. Il revient aux musiciens de se dépasser pour nous dévoiler une suite qui se doit d’être au minimum exceptionnelle.

Mais j’ai toute confiance en leur talent et en leurs choix.                                                                                                                                                                                                              

Titres de l’album:

01. Ye Incantation

02. The Endless Quietus

03. The Devious Deceiver

04. 1248 The Symbols Swallower

05. The Silent Tears Of The Stone Giant

06. Echoes From The Depths

07. My Inner Decline

08. In Outerverse Slumber


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par mortne2001 le 23/01/2025 à 17:04
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DPD

J'en ai juste marre des nostalgiques à la con qui sont incapables de tourner la page. Tu aurait une reformation avec tout les membres de ton groupe que tu aimais ado en fauteuil roulant que tu aurais un public pour dépenser 500 balle le ticket. Oui c'est à charge..

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Les masques tombent. Je vois. Ton post n'a donc aucune crédibilité vu que c'est à charge. On se demande donc bien quel est son intérêt ici. Un mystère de plus. Comme si moi j'allais poster sous un groupe ou sous un style dont je me balec. Br(...)

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Tu as des mecs qui déboursent une fortune pour aller voir les vieillards de Black Sabbath jouer péniblement, à un moment il faut tourner la page désoler, pareil pour Maiden et compagnie.

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Oh mais si ça ne tenait qu'à moi tout ce qui est heavy ou thrash speed et compagnie c'est poubelle. On a poussé le metal plus en avant, ces reculs nostalgique d'adulescent c'est pas pour moi.

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@Mortne tu avais vu Kotzen au Crossroad en juin dernier ?

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Bon ça me parle déjà plus que leurs dernières sorties, on retrouve un peu d'adhérence dans les guitares, à voir !

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La différence de style n'est pas surprenante, ils n'ont jamais refait le même album. Mais ça rend mou, fatigué, sans inspiration... et décevant après une si longue attente. Espérons que le reste soit meilleur.

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