Intituler un album 2020 en 2020 relève d’une inconscience totale, d’une ironie fatale, ou bien d’un désir de mettre la musique et l’actualité du monde en corrélation. Quelle que soit l’attitude du duo ZOMBI, je me dois de reconnaître que ce choix audacieux est le bon, et que leur nouvel album semble en effet incarner la bande-son parfaite d’une année qui nous aura laissés sur le flanc, alors même qu’elle n’en est qu’à son mi-parcours. Qu’attendre du reste de 2020 d’ailleurs ? Un nouveau fléau à l’échelle mondiale, une catastrophe naturelle ou économique, un nouveau virus encore plus létal, ou toute autre manifestation qui ne fera qu’assombrir notre avenir ? Et qu’attendre de 2020 d’un autre côté, album entièrement instrumental comme seul ZOMBI sait en pondre, à la lisière d’une Synth Wave musclée et d’un Rock progressif souple et synthétique ? Depuis cinq ans et la sortie de Shape Shift, nous étions sans nouvelles des américains, alors sous l’égide protectrice de Relapse. Tout le monde se demandait ce que devenait le duo le plus créatif du progressif intimiste et rythmique, alors même que cette année a laissé sur le carreau de nombreux espoirs, et fait émerger une multitude d’interrogations. Y-a-t-il un avenir pour la musique vivante alors que les concerts et autres festivals ont tous ou presque été annulés ou repoussés aux calendes grecques ? Il serait dommage que le live soit au tapis pour le compte, car je sens que les originaires de Pittsburgh ont encore largement de quoi assumer sur scène, et proposer des concerts majestueux. Après tout, les deux musiciens n’ont pas tourné en compagnie de DILLINGER ESCAPE PLAN, THE FUCKING CHAMPS, GUAPO, ISIS, TRANS AM, MASERATI, Don CABALLERO et de GOBLIN parce qu’ils ont de bonnes têtes, et leur musique dérivative inspirée des grandes références de GENESIS, VANGELIS, TANGERINE DREAM, VAN HALEN, et PINK FLOYD, ou de l’Italo-Disco a encore beaucoup de choses à dire si j’en crois ce 2020 qui pourrait bien représenter le pinacle de leur démarche culotée, mais justifiée et mélodique.
Steve Moore (synthétiseurs, guitares, basse) et A.E. Paterra (batterie) n’ont pas vraiment changé de philosophie en cinq ans, et leur musique se révèle toujours aussi riche et surprenante, puissante et planante, comme une playlist aléatoire animant la piste d’une boîte de nuit à la faune interlope, mélange de fans d’Euro-Dance et de FLOWER KINGS. On danse sur ces morceaux qui finalement n’appartiennent à aucune catégorie, on en siffle les mélodies, on s’agite sous les soubresauts d’une rythmique fluide et mouvante, et on apprécie l’équilibre entre synthétisme et électricité, un peu comme si les LIQUID TENSION EXPERIMENT, CARPENTER BRUT, RUSH et GOBLIN se décidaient à écrire ensemble la BO du prochain Nolan, fable intersidérale en quête d’un sens humaniste profondément caché. On pense aussi à l’Italie des gialli, à l’Amérique de l’indépendance cinématographique qui ne crache pas sur un brin de populisme, et d’ailleurs, les ZOMBI se sont déjà essayés à l’exercice de la mise en musique filmique, avec deux BO à leur actif, celle de Home Sick, et celle du plus discutable horror-flick Murder-Set-Pieces. Aujourd’hui, ils semblent continuer dans cette voie sans le vouloir (ou peut-être que si finalement) en illustrant musicalement cette satanée année 2020, commencée dans la routine la plus totale, continuée sous les auspices d’un confinement anxiogène, et délivrant aujourd’hui un message ambigu : rien n’est fini, mais il convient de faire comme si pour que ça n’arrive pas. Alors les masques sur la bouche et le nez, les dénonciations, la vénération du personnel médical, la distanciation sociale, tout ça avait donc des airs de film sci-fi des années 70, avec ses anticipations noires et pessimistes, et sa fin de la race humaine programmée depuis longtemps. 2020 illustre tous ces points, et d’autres aussi, mais montre le visage d’un groupe qui n’a jamais semblé aussi à l’aise avec son optique. On retrouve toujours cette tendance au métissage entre Rock et musique synthétique, comme si dans les années 70 LED ZEP et CAN avaient cohabité dans la même pièce en trouvant matière à collaborer. Evidemment, l’album des américains n’a rien à voir avec un mélange entre ces deux groupes, mais elle en évoque le possible croisement, au détour de cette volonté de prouver que les synthés ont parfaitement leur place dans le Rock le plus sombre et évolutif. La preuve en est donnée par le fantastique et envoutant « XYZT », qui de son titre rappelant RUSH nous entraine sur la piste d’un Rock spatial et pourtant terriblement concret rythmiquement, même si quelques crans au-dessous de l’entame survitaminée de « Breakthrough & Conquer ».
S’en revenir après cinq ans et poser un morceau pareil sur la table est un signe de confiance absolue. Après quelques notes de synthé très ludiques, la machine s’emballe, accepte la puissance décoiffante d’un up-tempo qui vrille les idées, pour une virée dans les arcanes d’un passé/présent qui laisse encore le choix, mais surtout, des peurs. Alors autant aller vite vers un futur qu’on ne connaît pas encore, mais qui promet d’être âpre à la bataille, et qui ne se laissera pas amadouer par nos mines dépitées. Cette musique, hors du temps justement, qui sonne comme l’incarnation parfaite d’une poursuite de bagnole dans un épisode de Miami Vice, ou une entrée idoine dans la BO de Baby Driver, propose une réactualisation de Satriani en mode gamer, et clôt les débats avant même qu’ils ne soient ouverts. De l’autre côté du spectre, « Earthscraper » montre le visage le plus étrange de la formation, avec sa lourdeur à peine allégée par des nappes de clavier éthérées, et comme d’habitude, ZOMBI n’hésite pas à garder le cap pendant quatre ou cinq minutes sans changer son thème de départ ni la vitesse à laquelle il le traite. Il y a donc de tout sur ce disque, et l’imaginer découpé comme le déroulement de l’année qu’il incarne serait une tentation irrésistible. Alors on scrute la seconde moitié de l’effort, on note l’oppression et la pesanteur de « Family Man », qui se répercute en version plus tétanisante sur « Mountain Ranges » et ses à-coups rythmiques qui déstabilisent les sens, on prend acte de la distorsion étrange et déviante de « First Flower », mais on accuse réception de la douceur de cet épilogue qui remet enfin la mélodie pure au centre des préoccupations (« Thoughtforms »).
La question reste : cet album traite-t-il vraiment de 2020, ou bien n’est-il qu’une simple borne dans un parcours déjà chargé ? On aimerait, en tant que chroniqueur que la métaphore ne soit pas un fantasme de clavier, mais si tel n’est pas le cas, doit-on considérer que les deux musiciens se sont occupé du temps déjà passé (de janvier à juillet), ou bien de l’année in extenso ? Si tel est le cas, les mois qui nous attendent risquent d’être encore moins euphoriques que les premiers…Mais plus simplement, en tant que nouvel album d’un duo unique, 2020 est la plus belle façon de rompre le silence avant d’y retourner….
Titres de l’album:
01. Breakthrough & Conquer
02. Earthscraper
03. No Damage
04. XYZT
05. Fifth Point of the Pentangle
06. Family Man
07. Mountain Ranges
08. First Flower
09. Thoughtforms
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