Il en faut du culot - ou de l’inconscience - pour baptiser son album 2020, l’une des années les plus terribles pour l’industrie du spectacle qui agonise dans l’indifférence du peuple et des pouvoirs publics. Tournées annulées, évènements reportés de façon erratique, intermittents désespérés, musiciens et artistes au point mort, salles de concerts qui mettent la clé de sol sous la porte…Alors, qu’a-t-il bien pu se passer dans la tête de BON JOVI pour qu’il choisisse ce nom pour revenir sur le devant de la scène, lui qui justement a dû décaler la sortie de son album de mai à octobre pour cause de marasme COVID ? Et bien justement, le BON JOVI de 2020 a choisi de montrer un autre visage, et d’arrêter de raconter des histoires simples comme ses modèles Springsteen et Mellencamp, et de se poser en observateur critique de l’actualité, ce qui ne lui ressemble guère. Un choix osé après presque quarante ans de carrière qui va fatalement propulser son œuvre sous l’œil acerbe des critiques dit « respectables », et qui l’obligeait de facto à signer un disque d’excellente qualité sous peine de se faire étriller. D’autant que depuis très longtemps, le beau Jon ne peut plus compter sur sa belle gueule pour séduire les adolescentes, ni sur son répertoire pour faire frémir les rockeurs américains, se plaçant depuis longtemps sous l’égide des règles du Classic-Rock n’étant plus diffusé que sur certaines radios vintage. D’ailleurs, son faciès sur la pochette semble usé, presque résigné, et les lunettes noires peinent à cacher les années passées, et déguisent avec plus ou moins d’habileté le héros des charts des années 80, celui qu’un simple clin d’œil suffisait à faire tomber les groupies à genoux. Aujourd’hui, Jon a les cheveux gris, assume son âge, mais malheureusement, tout ceci n’excuse pas vraiment la musique qu’il essaie de composer et qui a un arrière-goût de Pop pour maison de retraite, EHPAD dans lequel il risque de finir s’il continue sur cette voie en impasse.
Depuis This House Is Not For Sale, nous n’avions plus de nouvelles de notre pote du New-Jersey, jusqu’au début de cette année 2020 lorsqu’il nous a servi tiède un « Limitless » qui n’avait pas grand-chose en commun avec les hits explosifs du passé. En choisissant d’inscrire son album dans un présent peu reluisant, BON JOVI, et son auteur Jon ont pris le risque de voir leur album daté le lendemain de sa sortie, un peu à l’image du Some Time in New-York City de John Lennon, qui se voulait le témoin maladroit de son époque. Et là où John échouait en se vautrant dans des textes radicaux chics grossiers, Jon se gamelle à cause d’une musique totalement insipide, complètement mollassonne, qui donne le sentiment que le compositeur ne s’est pas foulé au moment de poser des notes sur ses mots. Je n’ai rien contre une chanson qui décrit la mort de ce pauvre George Floyd, mais si c’est pour en faire un saladier de mélasse comme « American Reckoning », autant le laisser reposer en paix et dans la dignité, sans l’accabler de cette mélodie lénifiante et de cette ambiance d’enterrement Americana de troisième zone. Mais à l’image de « Limitless », qui en tant qu’ouverture se devait de nous exploser au visage, 2020 ressemble à un album fatigué d’un héros fatigué, dépassé par son époque et sa propre légende, et qui peine à rester au niveau du pourtant moyen This House Is Not For Sale. Bien évidemment, personne n’attend plus de BON JOVI qu’il fasse frémir des milliers de fans entassés dans un stade, comme personne n’attend plus qu’il compose des hits de la trempe de « You Give Love a Bad Name » ou « Keep the Faith ». Mais ça n’est pas pour autant que le fan lambda doit supporter cette atmosphère confinée, ces chansons qui font penser à du Stephan Eicher sous Xanax (« Story Of Love »), et ces rares allusions au passé où la guitare de Phil X peut enfin résonner, mais immédiatement atténuée par des chœurs dignes d’un groupe de Pop-Rock reformé après trente ans de silence forcé dû à des problèmes de prostate (« Beautiful Drug »).
Comprenez bien que je n’éprouve aucune joie à déverser ma bile sur l’un des artistes que j’aime le plus dans ce business impitoyable. En tant que fan du bonhomme depuis son premier éponyme, j’ai assisté à sa glissade vers le monde des adultes avec beaucoup de complaisance au début, puis une immense amertume ensuite. A tel point que sa plus grande réussite ces dernières années a été de compiler des inédits pour les emballer sous la forme d’un des albums les plus excitants de sa discographie (Burning Bridges, ce qu’il nous a proposé de plus solide depuis ses années de gloire, ce qui en dit long sur ses choix…). Et quand on pense que le groupe (Tico Torres, David Bryan, John Shanks, Hugh McDonald and Phil X) a dû laisser Jon choisir ces dix morceaux sur les vingt-trois posés en forme de démo, on reste songeur quant au discernement de Jon sur la portée des chansons qu’il est encore capable de jouer et de chanter. Sa voix est certes intacte, posée, plus calme et raisonnable qu’avant, mais à l’image de son physique, elle peine à faire oublier la platitude de ces chansons qui ne sont ni émouvantes ni stimulantes, juste désespérément plates, comme une production jouée à l’aveugle derrière une console. Et les déceptions s’enchaînent, même si quelques chapitres surnagent de ci de là, et encore, pour des raisons subjectives et comparés au reste qui ne vaut même pas une passable moyenne. Ainsi, « Lower The Flag » nous attendrit de son harmonie un peu amère et de ses chœurs bien placés, alors que « Brothers In Arms » et son énergie Power-Pop nous permet de retrouver le BON JOVI sautillant et heureux d’être encore là.
Alors, ok, les thèmes sont d’importance, mais sans doute auraient-ils mérité un traitement moins mollasson. Jon parle de sa famille et du fait d’être parent, du massacre à Dayton en 2019, des migrants et de leur triste sort dans les eaux internationales, des soldats atteints d’un stress post traumatique, et pour la première fois de sa vie, se pose en journaliste politique musical, rôle qui visiblement ne lui sied guère. Je ne jugerai pas l’impact des textes qui sont soumis à la passion et l’objectivité de chacun, mais il aurait pu avoir la politesse de souligner ses mots par des notes et des arrangements moins ancrés dans un sentimentalisme de bas étage. De fait, 2020 ressemble à une très mauvaise collection de balades pour faire pleurer dans les chaumières et voir à quel point les américains sont sensibles à leur propre histoire et tragédies. Affublé d’un son totalement aseptisé et d’un mixage passe-partout, ce nouveau-né semble prématuré et manquant de force malgré sa naissance repoussée, et nous renvoie vers les travers les plus évidents de ces artistes qui peinent à vieillir sans faire vieillir leur musique. Il n’est pas interdit de brosser un portrait de son époque en plein marasme avec des chansons porteuses d’espoir, et c’est ici l’inverse qui se produit. On se dit que tout est foutu, et qu’il vaut mieux renoncer, baisser les bras et laisser le destin faire son office. Moins qu’un album, 2020 est une oraison, une dernière messe qui enterre l’un des héros de l’hédonisme américain des années 80, qui n’a pas su négocier le virage vers son troisième acte. Un disque à ranger, comme son année de sortie, dans l’album photo des plus mauvais souvenirs de notre vie.
Titres de l’album:
01. Limitless
02. Do What You Can
03. American Reckoning
04. Beautiful Drug
05. Story of Love
06. Let It Rain
07. Lower the Flag
08. Blood in the Water
09. Brothers in Arms
10. Unbroken
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