1 album, 2 morceaux, 39 minutes de musique, un nom de groupe formé des initiales de 5 pseudos, 4 longue-durée, un titre, 26, tels sont les chiffres de la chronique du jour. Pas de quoi impressionner les plus rompus à l’exercice de l’avant-garde et de l’expérimental, mais de quoi faire comprendre au plus grand dénominateur commun qu’il va s’aventurer en terre inconnue…Et celle foulée par les ukrainiens de KZOHH est du genre aride, une terre qui use les chevilles, qui fatigue les muscles, mais qui permet de transcender un imaginaire assez peu stimulé en ces périodes de facilité vintage et d’errances communes. Car la musique proposée par ce quintette (Khorus - basse, Zhoth - chant, Odalv - batterie, Helg - guitares et Hyozt - guitares, claviers et samples) n’est pas facile d’accès, ne s’apprivoise pas en quelques écoutes, et demande des efforts d’appréhension et de compréhension pour en saisir toute la richesse et la fausse complexité. Car en dépit de la durée pouvant paraître rebutante des deux pièces constituant l’ossature de ce nouvel effort, les idées proposées sont logiquement agencées, et l’évolution globale de la mise en place n’a rien d’erratique ou d’absconse. Si beaucoup à la lecture de ce préambule pourront craindre un nouvel exercice de style en free-lance, débordant d’un cadre strictement musical pour errer dans les limbes de l’acrobatie expérimentale, je tiens à les rassurer d’emblée. Thématiquement, 26 est d’importance, puisqu’il aborde sous couvert de coordonnées géographiques deux épisodes tragiques du vingtième siècle, qu’il traite d’une façon artistique pleine et aérée. On retrouve sur ce quatrième LP tout ce qui a fait la particularité de ce groupe unique, formé de musiciens d’horizons variés, ayant ou sévissant dans d’autres concepts comme NOKTURNAL MORTUM, KHORS ou ASTROFAES, aux idéologies parfois douteuses…Mais pas question ici de NSBM, juste d’histoire, et celles racontées par « 51°23'20N,30°6'38E » et « 61°45'17N,59°27'46E » sont aussi fascinantes que leur narration musicale n’est riche et imprévisible.
« 51°23'20N,30°6'38E », c’est le point précis où en ce jour funeste du 26 avril 1986, le réacteur principal de la centrale de Tchernobyl a commencé à fuir, aboutissant à la catastrophe humaine et écologique que nous avons connue. Inutile de rappeler les détails d’une apocalypse pas vraiment programmée, puisqu’elle ne sert que de point d’ancrage à un développé mêlant les mélodies du Post Metal et le rigorisme de l’Ambient et de l’Industriel. Durant plus de vingt-et-une minutes, les ukrainiens montrent divers visages, singeant les FRONTLINE ASSEMBLY, le MAYHEM de Grand Declaration of War, MINISTRY, mais aussi la vague Post qui sévit harmoniquement depuis plusieurs années. Un subtil mélange de puissance, de samples, de breaks évolutifs, distillé dans un creuset d’harmonies un peu amères en appelant au BM le plus théâtral, et nous permettant de visualiser figurativement les évènements apocalyptiques de cet épisode meurtrier de l’histoire de l’est. Enregistré, produit et mixé dans divers studios ukrainiens (capté live aux Hold Records de Kharkiv, claviers et samples fixés aux OldHyozthome Studio, Uzhgorod, chant couché sur bandes aux Beast Sound Studios d’Uzhgorod, mixage et mastering effectués dans les mêmes murs), 26 est aussi sombre qu’il n’est lumineux, aussi porteur d’espoir qu’il n’est sombre, et si l’emphase mise sur le final de ce premier chapitre nous entraîne sur la piste d’un Doom mélancolique, voire d’un Post Doom traumatique, la patte métallique n’en reste pas moins assez peu prononcée, le morceau fonctionnant peu ou prou comme un film pour les oreilles, mélangeant l’instrumentation avec la narration, pour mieux recréer l’ambiance mortifère ayant plané sur l’Europe à cette époque.
De son côté, « 61°45'17N,59°27'46E » nous ramène du côté de l'Oural, plus précisément au mont Cholatčachl, lieu emblématique témoin d’une légende qui aujourd’hui encore, a de quoi glacer les sangs. Le 26 février 1959, neuf randonneurs menés par Igor Dyatlov (qui a donné son nom au col à postériori) furent retrouvés morts dans des conditions pour le moins obscures. Il semblerait après enquête menée en temps et en heure que les hommes aient déchiré leur tente de l’intérieur, pour courir comme des dératés dans la neige sans chaussures, avant de se faire rattraper par la température ambiante avoisinant les -30 degrés. Après autopsie, il s’est avéré que deux des victimes avaient subi des traumatismes crâniens, que certains avaient des côtes cassées, et que l’un d’entre eux avait la langue arrachée. De plus, un niveau de radioactivité assez élevé avait été décelé sur leurs corps et vêtements, ce qui ne faisait qu’ajouter au mystère de leur mort…Fait divers parfaitement horrifique, ce triste épisode de l’histoire a donc permis aux KZOHH de développer un aspect plus abrasif, et de se concentrer sur des motifs bien plus typiques d’un BM à tendance Ambient. C’est donc le morceau qui séduira les plus directs d’entre vous, bien que les dix-sept minutes lui étant consacrées fassent de la place à des arrangements une fois de plus très efficients, et transformant cette longue épopée en reportage musical assez effrayant dans la forme, et perturbant dans le fond. Avec un chant qui cette fois-ci se focalise plus sur la gravité inhérente à l’extrême, et des samples s’accordant parfaitement de nappes de claviers éthérées, l’art des ukrainiens prend une dimension presque mystique, et transforme l’écoute de cet album en voyage initiatique aux confins de la douleur et de la terreur, juxtaposant sans cesse des mélodies de synthé très pures et des riffs compacts et durs, n’hésitant jamais à avoir recours aux artifices parlés de bandes qui s’incorporent à merveille à une structure globale très dynamique. Vocaliste qui rentre dans la peau des personnages au destin funeste, respirations, halètements, accalmies soudaines évoquant à merveille le froid glacial d’une nuit tragique, pour une sorte de Post Black progressif abandonnant ses oripeaux Indus pour mieux se concentrer sur une forme très aboutie de cinématographique musicale.
Difficile de comparer le travail des ukrainiens à des œuvres antérieures, tant 26 s’obstine à dessiner les contours de son propre monde sans faire appel à des références déjà existantes. Mais en tant que faux concept album ayant pioché dans l’histoire passée de quoi alimenter son imaginaire présent, ce quatrième longue-durée des KZOHH est un OVNI dans la production actuelle, beaucoup plus encline à laisser passer la banalité pour de la normalité. Une normalité que ce quintette fuit comme la peste (un thème qu’ils ont aussi couvert), sans sombrer dans la dérive usuelle d’une avant-garde un peu trop complaisante. Ici, chaque idée se valide d’elle-même, et l’ensemble est aussi solide qu’une montagne qu’on gravit sans se douter que son sommet sera aussi notre tombe.
Titres de l'album:
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