L’art du psychédélisme consiste à regarder le monde à l’envers pour se remettre les idées à l’endroit. Mais avant d’en arriver là, il faut se farcir quelques buvards, avoir l’esprit connecté sur le cosmos, et être un peu barge sur les bords. Certains ne sont jamais revenus de ce voyage, et flottent toujours dans l’espace à la recherche d’une planète hospitalière. Un jeu dangereux ma foi, qui peut aisément être remplacé par des activités tout aussi folles, mais moins fatales pour la santé psychique et physique.
Le Metal japonais par exemple. Enfin le Metal, façon de parler.
Depuis les années 70, la scène japonaise s’est emparé de l’originalité pour la faire sienne. Quand on pense aux watts du soleil levant, on imagine une jolie poupée style geisha feulant des bluettes traditionnelles pour la télé nationale, ou à l’inverse une bande de tarés beuglant comme des damnés sans se soucier de l’effet produit sur l’organisme des spectateurs. Mais entre les deux, existe une nébuleuse dans laquelle sinuent des myriades d’artistes, qui se réclament de l’avant-garde sans en accepter les contraintes du n’importe quoi tout fait main.
Et les STRUGGLING HARSH IMMORTALS s’inscrivent dans cette lignée de groupes qui ont un jour refusé les limites de genre pour inventer le leur.
ZENI GEVA, CROW, G.I.S.M., DOOM, j’en passe et des plus barrés, un héritage lourd à porter et à faire fructifier. Mais faites confiance à cette bande de malades qui envisagent le Hardcore comme un genre flexible, susceptible d’adopter toutes les formes. STRUGGLING HARSH IMMORTALS est un orchestre foufou mené par l’artiste multimédia Katsunori "Cherry" Nishida, animateur de colo chez ZOUO et DANSE MACABRE. Un déséquilibré qui prend son pied à triturer les sons pour leur conférer plus d’expression, loin de la facilité radicale de nombre de groupes plus classiques. Seul, l’homme est imprévisible. Mais entouré de pingouins de sa catégorie, il devient irrésistible. Et l’histrion a su s’entourer de pointures nationales, ayant agité leur instrument au sein de NASHI, OUTO, MOBS, THE RUDE BOYS, GEWALT et RISE FROM THE DEAD.
Du beau monde non ? Oui, et maintenant, vous êtes prêt pour la grande annonce.
STRUGGLING HARSH IMMORTALS voit pour la première fois ses efforts promus dans le monde entier. Avec un premier album en forme de compilation de deux EP’s uniquement disponible au Japon et en Australie, et un premier « véritable » album sorti en vinyle par Relapse (en cinq déclinaisons s’il vous plaît), le rayonnement du combo restait très limité, et circonscrit à quelques pays, ou quelques formats. Sentient Ruin est donc très fier d’être le premier label proposant les deux albums en tape et CD, dans le monde entier. Et la nouvelle est plus que bonne. Elle est excitante.
Voilà donc la plus parfaite occasion d’acquérir deux des albums les plus affolants de ces dix dernières années en matière de Hardcore secoué.
Deux albums qui permettent d’avoir une vue d’ensemble sur l’œuvre des japonais, qui ont visiblement digéré bien des influences internationales. Et avec sept ans d’écart entre les deux, les différences sont évidemment notables, bien que la base n’ait pas vraiment changé. Il est donc facile d’appréhender le travail par le plus gros bout, et de s’offrir plus d’une heure d’originalité Hardcore pour le prix de deux CDs. 死 est donc le premier sur la liste, et résulte du collage de Struggling Harsh Immortals et Lucifer Rising, les deux premiers formats courts du groupe. Pas de grosse différence entre les deux EP/single, une belle osmose et déjà un gout prononcé pour la théâtralité violente d’un Hardcore métallique joué à la mode Industriel des années 80/90.
Les titres forts ne manquent pas, et les arrangements signent la diversion avec une plume assurée. Il est difficile de comparer STRUGGLING HARSH IMMORTALS avec d’autres orchestres du cru, tant le collectif japonais s’éloigne des standards en vogue, même ceux nés au Japon. Des traces de Rock n’Roll bien sale, beaucoup de souplesse dans les thèmes, le tout solidifié par des inflexions à la KILLING JOKE, soit tout pour plaire aux amateurs de sensations étranges.
4 死 Death va encore plus loin dans l’hommage et prête allégeance à Youth et Jaz Coleman, tout en enjolivant l’avant-gardisme du groupe culte de sons tournoyants et d’une humeur plutôt badine. Première vraie création longue-durée, ce deuxième LP est d’une haute teneur en énergie, avec toujours en arrière-plan ces sons qui virevoltent et piquent comme des moustiques/kamikazes en été. Beaucoup de dissonances, une tendance à métalliser le son, pour une incarnation personnelle et incomparable. Il faut évidemment passer outre le chant très spécial et monocorde de Katsunori "Cherry" Nishida, mais sa voix bizarre a le don de dynamiter des instrumentaux parfois très conventionnels (« Casualty Vampire »), et de conférer à ces deux albums une aura maléfique et chamanique.
Passionnant de bout en bout et incroyablement diversifié, 4 死 Death appuie un peu plus sur le côté Indus old-school, et nous sert encore bouillantes des traînées d’acide (« Hell Bounded Heart »). C’est chaud, c’est unique en son genre, mais c’est aussi dansant, entraînant, accrocheur et bavant.
L’agressivité est impressionnante, même si les allusions au mouvement Surf des années 50 y trouvent leur place (« Theme 2 »). Quelques accolades à la légende Earache des eighties, pour un résultat largement au-dessus de la mêlée, qui honore la tradition nipponne en termes de Hardcore métallique.
Sacré double cadeau que nous fait Sentient Ruin, plus habitué au chaos et aux cassettes au rayonnement très limité. De quoi se faire de nouveaux amis, doués, culottés, et sans remords.
Titres de l’album 死:
01. Theme
02. Green Horse
03. Rejection
04. Empty Inside
05. Lucifer Rising
06. Suicide Solution
07. New World Order
08. Enter The Hell
09. Suicide Solution (Dub Mix)
Titres de l’album 4 死 Death:
01. Blood Lust
02. Terminus
03. Casualty Vampire
04. Hell Bounded Heart
05. Theme 2
06. In The Mouth of Madness
07. Existenz
08. Doesn't Mean That Much
09. Genocidal Organ
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