En ayant un peu laissé retomber le soufflé, est-il encore possible de juger le dernier METALLICA sans porter attention aux regards extérieurs ? Depuis des mois, le groupe a teasé la nouveauté avec force singles, distillés à intervalles réguliers pour mieux intriguer tout en essayant de rassurer. Mais une fois encore, l’opération a fait long feu, puisque les détracteurs semblent être la force vive la plus bruyante sur la toile, et s’expriment avec une véhémence qu’on leur connaît depuis la sortie catastrophique de St Anger, il y a vingt ans. Et d’ailleurs, à quoi bon pour un fanzine d’aborder le cas du plus grand groupe de Metal de tous les temps, en partant du principe que les haters détesteront et que les accros adouberont ? Le groupe, depuis des années, s’en carre des fanzines et autres webzines, mais accorde volontiers des encarts dans la presse respectable. Et sincèrement, qui s’intéresse à l’avis du Monde ou de France Info Culture ? Il eut été impensable dans les années 80 que NOTRE groupe se retrouve dans les pages de cette presse généraliste qui n’a montré aucune mansuétude envers nous et notre musique pendant de longues décennies, et qui aujourd’hui se gargarise sur des dossiers aussi lénifiants et up in time que « Qu’est-ce que le Metal ? », comme si nous avions besoin de leur expertise pour savoir qui nous sommes.
Qui nous sommes, c’est bien là la thématique choisie par James pour ce 72 Seasons dont le titre fait référence à ces dix-huit premières années d’une vie qui sont bien souvent les plus traumatiques et complexes. En bon parolier, James s’est encore basé sur sa propre expérience pour parler de traumas ouverts, d’addictions en monstres qui guettent dans le noir, et autres fantômes d’un passé pas si facile à assumer. L’homme a reconnu ses travers, s’est reconstruit, et à même profité de la pandémie pour s’offrir un peu de recul et de calme. Loin des galères et algarades mesquines de Some Kind of Monster, Hetfield le frontman a pu se taper une thérapie personnelle à base de souvenirs plus ou moins agréables, mais si symptomatiques d’un passé légendaire qu’on les prend pour argent comptant, et content.
Les quatre morceaux balancés avant l’heure ont quant à eux rencontré une indifférence polie, ou un enthousiasme relatif. Révélateurs d’une envie de regarder dans le rétro à la mode old-school actuelle, ils n’ont pas vraiment fait monter la pression, si ce n’est « 72 Seasons », title-track énergique au riff redondant qui a presque redonné espoir aux déçus de l’évolution, ceux qui chialent encore sur Master of Puppets et Ride the Lightning. Et si l’album prévient d’un sticker que 72 Seasons est un résumé de plus de quarante ans de METALLICA, il convient de prendre le gimmick tout sauf au pied de la lettre. Ou presque, puisque en effet, ce nouveau disque s’amuse beaucoup avec les codes de jeunesse pour assumer son statut de postulat de préretraités encore verts.
Le duo Hetfield-Ulrich fonctionne-t-il encore malgré les longues années ? Les deux frères ennemis luttent toujours pour asseoir leur leadership pourtant incontestable, et signent à quatre mains près de la moitié du métrage. Kirk et Robert ont tout de même eu le droit d’y mettre leur grain de sel, mais on se demande lequel tant les onze compositions sonnent toutes de la même manière. La faute à un réservoir de riffs mythiques épuisé depuis longtemps, et ne fournissant aujourd’hui que des ersatz plus ou moins habiles, comme si les METS se contentaient de survoler leur histoire avec une certaine complaisance. Nous avons tous remarqué cette envie de retrouver l’énergie des débuts et la sauvagerie tranquille de la NWOBHM, puisque « Lux Æterna » s’en paie une bonne tranche en mode DIAMOND HEAD/SWEET SAVAGE. Sans forcément se croire propulsé dans les années 80, reconnaissons à ce single un certain pouvoir de séduction qui caresse dans le sens du poil, poils qui deviennent plus rares sur la tête avec les années. Mais existe-t-il encore un intérêt quelconque à puiser dans ses vieilles réserves de quoi rester crédible dans le présent ? METALLICA a-t-il vraiment besoin de ressortir son CV à intervalles réguliers pour garder la confiance de sa fanbase, l’une des plus fidèles qui soit et qui doit toujours lutter contre des factions opposées, prêtes à mettre la bête à terre pour l’achever ?
Soyons concis, et ayons l’air de tout. Quels sont les qualités et les défauts d’un album qui en ce moment même, déclenche d’interminables joutes verbales sur les sites et forums, au point de devenir le topic le plus hot du moment ?
Les défauts sont évidents, comme ils l’étaient il y a sept, quinze et vingt ans. Un certain systématisme dans la composition, de la complaisance, une production totalement anonyme qui fait même regretter le gros son de Bob Rock, de la redondance par kilos, et une pochette parmi l’une des plus laides de la carrière du groupe. En jaune et noir, ils exileront leur peur, sonneront à la porte des abeilles STRYPER pour réclamer des jouets cassés depuis longtemps. Ajoutez à ça cette fâcheuse tendance à prolonger des morceaux dont l’idée de base est déjà trop chiche pour un titre de cinq minutes, et un manque de culot qui le confine à l’escroquerie parfois. Mais les METS ont toujours été un petit peu retors, et nous avons tous accepté ce marché de dupes qui consiste à échanger notre patience contre leur bienséance.
En étant objectif, et honnête, ce qui est toujours difficile dans ce cas précis, on pourrait dire que 72 Seasons résume à merveille une portion de l’histoire du groupe, celle située entre And Justice et Hardwired. Les citations, parodies, décalages, digressions crèvent les tympans à la première écoute, et le quatuor ne fait même aucun effort pour les travestir avec plus de soin. J’en tiens pour exemple « If Darkness Had a Son », qui se farde façon « Eye Of The Beholder » invité à la fête de Hardwired, et qui use un riff que l’on connaît déjà par cœur sur une rythmique plombée qui est la trademark du groupe depuis le nouveau siècle.
Mais évidemment, on ne peut récuser les efforts consentis par James pour s’ouvrir une fois encore à son public, lui offrant la primeur de ses douleurs, lui qui entre 1982 et 1983 transpirait de peur sur scène, refusant d’assumer son statut de leader pour laisser l’impétueux Mustaine tenir les rênes avec morgue et assurance. Depuis cette époque, notre moustachu préféré est devenu le frontman le plus redoutable de l’écurie californienne, au point que tous les chefs de bandes autoproclamés le citent en référence. Il livre ici une prestation immaculée, et sa voix, loin du vieillissement à la Johnny Cash, refuse le voile des années pour sonner ferme et définitive. Et c’est peut-être là que le bât blesse justement, puisque l’instrumental roule sur du velours alors que les thèmes réclament du papier crépon chiffonné et abimé.
En regardant les satellites de plus près, on constate avec plaisir que la basse de Robert est plus proéminente que jamais, et qu’elle claque comme celle de ce bon Jason sur le Black Album. Et le musicien le plus sous-employé de l’histoire du Metal s’en contentera, comme de ses quelques crédits sur le disque. Trois fois cité comme co-compositeur, le gorille de la basse est en veine, et laisse sa trace sur les morceaux les plus efficaces, frappant ses cordes avec conviction et envie.
Kirk, quant à lui, fait ce qu’il peut avec ce qu’il a. On passera sous silence son increvable wah-wah qui nous les brise depuis trente ans, et on acceptera le solo de « Lux Æterna » sans vraiment rechigner. Rien de bien brillant ni de honteux, le joueur mérite la moyenne, toujours un peu fébrile en attaque, mais solide en défense.
Lars de son côté, retrouve la joie de Garage Inc, et multiplie les petits gimmicks rythmiques. Le batteur/homme d’affaire affable (et « jeune » propriétaire d’une usine de fabrication de vinyles) assure une frappe régulière, qui pourra lui donner du fil à retordre en live, la scène n’étant plus vraiment son terrain de chasse favori. Mais les idées que le danois formule sont efficaces, et dynamisent parfois des titres qui auraient pu sombrer dans le grotesque sans ses interventions. D’ailleurs, il n’est pas interdit de voir en ses partitions des clins d’œil poussés à ses expériences sur And Justice, lorsque les riffs de James syncopent à outrance. Mais encore une fois, tout ceci n’est qu’un avis personnel.
La redondance de l’ensemble, qui une fois encore n’a pas été bridée pour se montrer plus concis, lassera une bonne partie de l’auditoire, qui préfèrera garder ses morceaux préférés sous le coude ou privilégier une écoute en plusieurs étapes.
C’est de cette façon que j’ai abordé la montagne, après avoir enfilé sous oxygène l’intégralité de la grimpette. Mais avec soixante-dix-sept minutes en Load style, 72 Seasons est encore une fois trop long, trop répété, trop poussé, trop tiré, et finalement, trop dilué. Certes, ce côté synthétique est agréable sur la distance, et la fin de l’album est même son point le plus fort. Avec un final à la « The Outlaw Torn », le METALLICA nouveau n’est pas acide comme du beaujolais, et laisse même un goût très musqué dans les oreilles. Le trio Hetfield/Ulrich/Greg Fidelman a donc bien travaillé, et le son reste dense, fouillé, précis, mais peut fatiguer en cas d’immersion prolongée.
Il y a fort à parier que vos chansons fétiches changeront pas mal dans les mois à suivre. J’ai moi-même réévalué « 72 Seasons », qui aujourd’hui fait partie de mes chapitres idéaux, tout comme « Screaming Suicide » et son texte qui mérite une attention particulière. D’autres au contraire m’ont laissé indifférent dès le départ, « Sleepwalk My Life Away » qui malgré une intro menaçante tombe vite dans les travers du METALLICA post-St Anger, ou « Crown of Barbed Wire », que même Reload n’aurait pas toléré.
A la rigueur, et avec un peu de partialité sournoise, on peut assimiler ce nouvel album à ce que pourrait régurgiter une IA nourrie pendant des mois aux albums du groupe, et qui recracherait une création certes caractéristique, mais terriblement anonyme. Les riffs sont pour la plupart standard, interchangeables, à peine mémorisables, et seule la cohésion globale laisse des traces dans la mémoire. Plus généraliste que Hardwired, 72 Seasons redécouvre le catalogue d’un des meilleurs groupes de tous les temps, pique de çà et là des éléments pour les mixer dans une centrifugeuse maison, et servir un cocktail dont les saveurs remontent le temps, mais sans en retrouver le piquant.
And Justice et Load. Les deux repères qui une fois fusionnés égrènent les soixante-douze saisons de ce jeune homme que METALLICA n’est plus depuis longtemps. And Justice For Load ? Pourquoi pas, « Chasing Light » semble d’accord, et moi aussi. Il y a pire comme références après tout pour fêter plus de quarante ans de carrière, et des albums qui aujourd’hui encore, font la nique aux petits loups qui sortent de leur tanière pour défier les anciens. Nostalgique juste ce qu’il faut, opportuniste en jouant la carte « patriarche indéboulonnable », relativement frais au regard de celui creusé de James, 72 Seasons est le disque que nous sommes en droit d’attendre de la part d’amis de quarante ans qui n’ont plus la force de surprendre mais qui continuent d’assurer le service après-vente.
Oublions donc cette très vilaine pochette, oublions les espoirs constamment déçus, mais souvenons-nous que METALLICA a beaucoup donné, et qu’il a le droit de nos jours de se reposer sur ses lauriers chèrement acquis. A une période où des médias comme France Info ou Le Monde ne voulaient rien dire pour eux, où ils achetaient des crans d’arrêt avant de se faire choper par les flics français, ou se baladaient aux puces de Clignancourt avant un concert dantesque et enflammé.
Le Metal ne nous remonte plus par le cul depuis longtemps, mais attendons avant de tirer la chasse. Par respect plus que par admiration peut-être, mais le résultat est de même. Puisque 72 Seasons ne suffisent pas pour faire d’un garçon un homme, ou d’un homme un vieillard.
Titres de l’album:
01. 72 Seasons
02. Shadows Follow
03. Screaming Suicide
04. Sleepwalk My Life Away
05. You Must Burn!
06. Lux Æterna
07. Crown of Barbed Wire
08. Chasing Light
9. If Darkness Had a Son
10. Too Far Gone?
11. Room of Mirrors
12. Inamorata
Le coup du "72 seasons est une version ChatGPT de METALLICA" est foutrement bien trouvé...
Excellente chronique, comme toujours.
Excellente chronique oui !
Album écouté une fois. J'aurai pas la patience pour le faire une seconde fois.
Après quelques écoutes j'ai l'impression que le désastre est évité. Ça partait mal au vu des morceaux sortis en avant première et auxquels je j'accrochais pas du tout. Mais, pour le moment, 3/4 morceaux sortent du lot. Je pense en premier à "You Must Burn" ( meilleur morceau de Metallica depuis des années ) mais aussi à Room of Mirrors, Shadows Follow, Too Far Gone, qui sont sympa à écouter.
J'ai aussi l'impression que l'album peut se révéler au fil des écoutes, une certaine cohérence ( redondance ?) s'en dégage. Si seulement ils pouvaient par moment aller à l'essentiel et faire plus court.
Ce n'est ni nul ni bon. Par contre, c'est très chiant.
La batterie simpliste et trop mise en avant dans le mix rend l'album insupportable pour moi !
Ils auraient du jeter l'éponge après le décès de Cliff. Aller, soyons sympas, après and Justice.
vraiment à chier ce truc !
Me suis fait avoir pour Load, Reload, Hardwired... j'y ai cru tellement de fois.
Metallica c'est un peu comme l'alcool : après avoir adoré, j'ai eu le plus grand mal à arrêter, à me dire que c'était vraiment pas bon pour moi. J'en reprenais toujours un petit peu en me disant que j'arrivais à gérer le truc. Tsss ! Tsss !
Mais non, là c'est composté, promis j'y toucherai plus.
C'est vraiment un produit qui vous fait du tort.
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21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
11/11/2024, 10:09