Il en va de la musique comme de la nourriture. Vous avez du sous-vide, sans goût et réchauffé au micro-ondes, de la malbouffe commandée au guichet et emportée dans un sac en kraft, mais vous pouvez aussi faire ça maison, ou déguster dans un restaurant étoilé. Tout dépend de ce que vous cherchez, et tout dépend aussi de votre budget. Je n’ai rien contre un sandwich avalé à la hâte sur un banc de pierre, mais pardonnez-moi de lui préférer un plat qui a mijoté pendant des heures pour mieux révéler ses saveurs. Les disques répondent à la même logique. Il y a ceux qu’on écoute sur un baladeur de fortune, un smartphone, et qui répondent à des besoins de consommation de masse, et d’autres, plus complexes, plus riches, qui nécessitent une immersion totale, et donc une conscience des sens très aiguisée.
Nous avons besoin de l’un et de l’autre. Car nous manquons parfois de temps à notre époque qui vante les mérites de la rapidité. Du tout-fait d’avance. Du cellophané déchiré d’un ongle qui s’avale et qui se digère presque en même temps. Mais, certains persistent et signent des œuvres pleines et déliées, qui exigent de longues heures posées dans un fauteuil confortable, ou consacrées à une marche nocturne dans les rues d’une grande ville éteinte.
Le premier album de SEPTARIA est assurément un travail de titan, qui ne s’appréhende pas comme un signe de la main fugace. Originaires du Vaucluse, ces quatre très jeunes musiciens frappent un grand coup avec ce premier album qui définit déjà les contours de leur univers…en constante expansion. Hugo Thevenot (guitare, chant), Baptiste Trébuchon (basse, saxophone), Maxime Ayasse (guitare, chant) et Hugo Leydet (batterie, harpe) s’affirment déjà comme les très grands de demain, en évoluant dans un sous-genre pourtant difficile et exigeant. Le Post Metal est certes épanouissant lorsqu’on en manie les codes avec aisance, mais il reste un sacré piège difficile à négocier, qui vous plonge dans un bourbier ou qui vous fait côtoyer les étoiles.
Les étoiles ?
A*. Sagittarius A*. Trou noir du centre galactique de la Voie Lactée. Objet céleste si compact que l'intensité de son champ gravitationnel empêche toute forme de matière ou de rayonnement.
Paradoxal choix de thématique puisque la musique jouée par SEPTARIA (dite « Pierre du Dragon » qui aide à canaliser les émotions) est très lumineuse et contrastée. Tout l’inverse d’un trou noir donc, pour une allusion directe au zodiaque, ses signes et ses constellations, et un regard porté sur l’univers dont on ne devinera jamais les limites, même en y consacrant une centaine de vies. Au-delà de toute cette symbolique, A* reste une pièce musicale au premier degré, une sorte d’opéra galactique qui défie toute gravitation et toute atmosphère pour répandre ses cendres sur une orbite instable. Basé sur un principe simple d’alternance des ambiances, ce premier long est évidemment bluffant de maitrise, d’émotion, de puissance et de raison. Il pourrait être le fruit de la réflexion d’un groupe déjà bien installé, mais il n’est pourtant que le résultat d’une osmose entre quatre musiciens branchés sur la même longueur d’ondes. Qui capte parfois des signaux venus de l’espace, ou des suites aléatoires de stations de nombres émettant quelque part en Russie.
Y-a-t-il une vie ailleurs ? L’herbe y est-elle plus verte ? Peut-on espérer trouver asile sur une autre planète habitable, ou sommes-nous coincés par notre propre destin ? Les réponses à ces questions se trouvent peut-être sur cet album qui défie le temps et le déforme à loisir, entre riffs impériaux et moments de quiétude apaisants. En embrassant les dogmes les bras grands ouverts, SEPTARIA démontre en plus d’une heure qu’il a non seulement compris le genre, mais qu’il est susceptible de le faire évoluer. En montrant des signes ambitieux de désir Progressif sans lâcher l’agressivité du Metal le plus chaud, SEPTARIA se pose d’ores et déjà comme un adversaire crédible aux champions HYPNO5E, ALCEST, TENGIL, CULT OF LUNA, NEUROSIS, MASTODON, et une poignée d’autres peut-être moins évidents. Mais le combat n’est pas la motivation principale et le groupe refuse la confrontation.
Et pour cause. Il a déjà son monde, son vocabulaire, et n’a donc pas besoin de lutter contre le statisme (éventuel) d’autrui.
Inutile de jouer au plus malin, les composantes de ce premier jet sont nombreuses, les possibilités ouvertes, et les enchaînements qui paraissent naturels complexes. Avec des attitudes qui rappellent le TOOL des premières années, et des allusions à THE OCEAN et WE LOST THE SEA, A* jongle avec les références, et pose de temps à autres une ligne vocale éthérée, comme dans un rêve Shoegaze se transformant petit à petit en cauchemar Post Hardcore.
De là, vous comprendrez facilement qu’une analyse linéaire serait une insulte au bloc que forme cet album. S’il est évidemment conseillé de l’écouter en entier et dans l’ordre proposé pour en saisir toutes les subtilités, il est aussi possible d’en extraire des morceaux pour tremper votre âme dans ces cieux ombragés. « Sagittarius » peut faire office de test à échelle réduite pour mesurer votre passion et votre résistance à cette énergie concentrée qui n’explose jamais vraiment. Avec une succession d’idées complémentaires, le quatuor juxtapose la distorsion aux cocottes en son clair, les grognements bestiaux aux constatations épurées, et rejoint le cercle fermé des innovateurs, dont CYNIC fut l’un des plus grands.
Le terme Post Metal étant un fourre-tout assez pratique pour ranger les artistes qui ne se réclament d’aucune étagère, SEPTARIA mérite amplement de rester près de votre platine pour infuser ses odeurs et vous enfumer de ses sons. « Being » est par exemple le segment idéal pour introduire vos connaissances à ce monde de travers, qui place le ciel à ras de terre et la terre dans le grand vide de l’univers. Encore une fois, la bousculade des thèmes est sous contrôle, même si certains réflexes semblent conditionnés et donc incontrôlables. Mais en dix minutes, le groupe du Vaucluse place des percussions tribales, une basse à la HAWKWIND, un drone digne des tablas indiens, et une progression globale suivant les pas de KING CRIMSON.
Je pense en avoir raconté suffisamment pour vous donner envie de tenter l’aventure. Elle est redoutablement bien écrite, aérée, bien ponctuée, et laisse augurer de lendemains plus positifs. SEPTARIA n’est pas là pour vous lire votre horoscope, mais bien pour élargir votre champ de perception. Avant que l’espèce humaine ne disparaisse dans son propre trou noir.
No pun intended.
Titres de l’album:
01. Psithurism
02. Moment Présent
03. Centaure
04. Psyché
05. Abyss
06. Sagittarius
07. Astar
08. Persephone
09. Being
10. Nocturne
11. Embers
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