Avec les techniques d’enregistrement modernes et l’équipement utilisé, il est de plus en plus difficile de savoir en écoutant un album s’il a été enregistré par un orchestre symphonique ou par un musicien seul dans la cave de sa mère avec un clavier et un ordinateur. Fut un temps ou une œuvre était obligatoirement enregistrée par un collectif, les moyens ne permettant pas à un musicien solitaire d’obtenir un résultat probant, à part PRINCE, capable de se débrouiller tout seul comme un grand. Mais en 2020, lorsqu’on écoute un LP comme A Beautiful Chaos, on est tenté de se dire qu’il résulte d’un processus de groupe en studio, tant toute l’instrumentation est solide. Sauf que Pim, Pam Poum, Riri, Fifi et Loulou, CLINE'S MIND est tout sauf un groupe, et bien le projet solo d’un musicien aussi prolifique que Zappa dans les années 70 et 80. Fondé en 2004, le concept fut initié par Tom Cline, qui la même année en profita pour pondre sa première et unique œuvre des années 2000, Evil Within. Et alors qu’on pensait le « groupe » fermement huilé sur les rails, l’homme décida d’entreprendre autre chose, et de mettre la jeune carrière de son concept entre parenthèses. Et c’est treize ans plus tard que Tom ressuscita CLINE'S MIND, certainement hébété de sa propre créativité, puisqu’en trois années seulement, le guitariste nous a gratifiés de pas moins de six longue-durée, dont deux en 2019 et déjà deux en 2020. Où s’arrêtera-t-il ? On se pose la question, et sans avoir posé mes plus si délicates oreilles sur ses livraisons précédentes, je peux toutefois affirmer que ce septième LP perso est des plus agréables à écouter, et qu’il fait preuve d’un flair certain dans l’art du crossover appuyé.
Comme vous l’avez compris, mister Cline est du genre polyvalent, puisqu’il se charge de tous les instruments et de la voix sur ce terrassant A Beautiful Chaos. Excellent guitariste, l’homme est aussi très bon bassiste, programmateur précis, et chanteur convaincant au timbre versatile, ce qui renforce cette dualité d’osmose dans la solitude qui nous laisse à penser que le musicien fait partie d’un collectif, ce qui n’est évidemment pas le cas. Mais dès « A Nightmare You Can't Escape », on est frappé par la cohérence de la musique, qui sonne comme celle proposée par un groupe aux nombreuses années d’activité, et l’originaire de Cold Brook, New York se permet même de proposer un travail plus convaincant et persuasif que bien des groupes révérés, renvoyant même quelques cadors du Thrash dans les cordes de leur complaisance. Surprenant d’audace, le musicien autodiscipliné assure, mais signe aussi des morceaux vraiment puissants, toujours à la lisière des genres, avec des fondations Speed/Thrash profondes, sur lesquelles viennent se greffer des étages Melodeath, Metalcore, j’en passe et des plus anecdotiques. Certes, presque une heure de musique après avoir déjà proposé la même chose plus en amont de cette même année est peut-être un peu trop, mais sincèrement, on ne sent pas le temps passer, d’autant que le tempo cavale souvent bon train et que les riffs charcutent bien proprement. De là, EXODUS, AT THE GATES, et toute autre référence utile seront bien évidemment listées par les spécialistes, et si le tout ne manque pas de puissance, il n’en fait pas montre pour autant d’une originalité flagrante. Mais pour un boulot abattu en solitaire, A Beautiful Chaos est impressionnant, et certains morceaux sonnent comme la boucherie qu’ils sont, à l’image de l’impitoyable mais précis et ciselé « Torment of Despair ».
Sans aucune autre ambition que de se faire plaisir tout en nous offrant une musique solide, CLINE'S MIND lâche un pavé dans la mare, et prouve qu’un homme seul peut faire aussi bien qu’un quatuor ou quintet signé sur un gros label indépendant. Certes, il convient de le reconnaître aussi, les pistes se suivent parfois et se ressemblent beaucoup, mais avec des durées raisonnables, il est tout à fait possible de ramener l’album à un timing plus humble en l’épurant de ses compositions les plus prévisibles. Mais en associant la brutalité du Death et la fluidité du Thrash (l’homme s’y entend pour négocier ses breaks et enchaînements), Tom Cline se montre au monde sous un jour très flatteur, rappelant souvent la vague suédoise des années 90 (« A Beautiful Chaos »), tout en faisant parfois quelques clins d’œil au groove Metal des MACHIEN HEAD et PANTERA. Et en optant parfois pour un tempo plus appuyé, soutenu par des effets de voix variables, A Beautiful Chaos multiplie les ambiances juste ce qu’il faut pour ne pas glisser sur la pente de la linéarité (« Standing Still »), mais inutile de tenter de résister au charisme musical du bonhomme et de ne pas lui concéder une discipline de fer. Loin de moi l’idée de disséquer tout l’album pour vous mâcher le boulot, mais vous noterez quand même quelques prétentions artistiques plus soutenues sur « The Temptress » qui développe une jolie intro au clavier, gentiment naïve, la réactualisation d’un ancien titre déjà présent sur One Nation Under Hell en 2019, et une reprise finale du chef d’œuvre de MAIDEN « Hallowed Be Thy Name », déjà transfigurée par les vilains CRADLE OF FILTH, et qui se voit ici reproduite quasiment à l’identique, à tel point qu’on a parfois le sentiment que Tom Cline a repris l’instrumental d’origine pour y poser ses voix. D’ailleurs son interprétation pèche un peu, et sa gorge reste bloquée à la porte des aigus, ce qui fait que cette cover n’est pas franchement une plus-value.
En conclusion, j’adresserai tous mes vœux de bonheur à Tom, qui nous offre là un album solide à défaut d’être indispensable, et je ne peux m’empêcher de lui envier son talent d’instrumentiste et de compositeur. Comme quoi, pas la peine de s’ennuyer avec d’autres musiciens quand on est capable de tout faire seul. Ce qui évite tout compromis.
Titres de l’album:
01. A Nightmare You Can't Escape
02. Voice of Reason
03. Paralyzed (ft. Alex Fuhr)
04. Torment of Despair
05. A Beautiful Chaos
06. Standing Still
07. Beyond My Reach
08. The Surrounding Darkness
09. The Temptress
10. World of Decay
11. The Ship of the Dead (Re-Release)
12. Hallowed Be Thy Name (Iron Maiden Cover)
Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...
20/02/2025, 19:08
J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...
20/02/2025, 18:52
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30