Depuis la sortie d’In The Name Of Suffering des EYEHATEGOD, le panorama ricain de l’oppression musicale a un tantinet changé. Auparavant, mis à part quelques tentatives Doom somme toute assez formelles, la lourdeur s’exprimait au travers d’un Hardcore bien méchant, ou d’un Death tranchant. Mais les originaires de la Nouvelle-Orléans ont repoussé les limites de la laideur musicale, au point d’en offrir un reflet distordu et hideux, mais proche d’une réalité et d’un quotidien faisant plus souffrir que n’importe quelle rage de dents. C’était en 1990, sur notre obscur label national Intellectual Convulsion, et depuis, rien n’a jamais vraiment été pareil, même si l’intensité de vilénie de ce premier jet ne fut que très rarement égalée. Pourtant, les musiciens ont essayé, appuyant sur les plaies, exagérant le grotesque d’une oppression systématique, au point de parfois friser les limites du ridicule, à force de vouloir le rendre normatif. Donc, le Sludge prit enfin la suite des évènements en main de pessimisme, sans vraiment nous obliger à regarder la vérité en face. Cette vérité, les WORRY en ont fait un dogme, mais surtout, une musique.
Une musique maladive mais cathartique, qui si elle n’emprunte pas forcément la route déviante tracée par les aînés susnommés, la croise de temps à autres, au détour de parties de chant véhémentes, d’un riff éléphantesque lâchée sur la victime en train d’expier, ou d’un break plus long qu’à l’ordinaire, diluant ses effluves pachydermiques dans un air vicié. Difficile de comparer ce travail à des œuvres précédentes, puisque les renseignements concernant les WORRY ne sont pas légion sur la toile. Nous disposons tout au plus d’une page Facebook, et d’un Bandcamp pas forcément à jour, qui nous offre en guise de nouveauté le single « Marrow », que l’on trouve en second de couverture traumatique de ce A Celebration Of Suffering.
La célébration de la souffrance. Mais laquelle ? Celle d’un Sludge tirant sur un Doom renforcé ? Il y a longtemps que ces exactions ne font plus peur ni mal, mais admettons que les natifs de Colorado Springs en manient les codes avec une aisance indéniable, se permettant même des allusions aux Post Hardcore le plus malsain pour colorer leur EP de teintes encore plus noircies. En quelques titres, ils font montre d’un indéniable potentiel, qui permet à cette petite demi-heure impartie de passer comme un cauchemar éveillé, qui laisse des traces, mais permet de guérir sans forcément passer des heures sur son lit d’hôpital. Bien sûr, la lourdeur est omniprésente, évidemment, la brutalité se sent dans la malséance, mais les quelques mélodies acoustiques disséminées de çà et là en disent long sur les capacités de musiciens qui tiennent quand même à garder une certaine emprise harmonique sur le bruit le plus brut. Leur musique n’en est pas, et se révèle intelligemment agencée, et articulée autour de morceaux qui ne se contentent pas de répéter les sempiternelles ordalies nous forçant à la plongée obligatoire dans les eaux bouillantes du traumatisme humain.
En gros, comme en détail, ces sept morceaux sont lourds, parfois très, mais suffisamment proches d’un Hardcore teigneux pour ne pas basculer du côté Doom vers lequel ils risquent de tomber. On sent même des inflexions purement Metal dans certaines mélodies de guitare, à l’instar de celles qui enjolivent le ténébreux « There Is No End », qui au choix, peut se prendre comme une ode à la vie ou comme une acceptation du concept en tant que mort éternelle dont on ne s’extirpe jamais. Arpèges délicats et sobres, variations, modulations, pour de soudaines accélérations de médiator qui mettraient les NEUROSIS d’accord, eux qui de leur Post-Hardcore ont tant fait pour la cause Sludge. Ce qui n’empêche nullement ce quatuor (Christian, Dan
Jeremy et Greg) de bien enfoncer leurs doigts dans la prise puis dans les plaies, via un initial « Harm », qui effectivement ne se contente pas d’allusions à la douleur, mais la provoque d’un riff énorme et rouillé, qui cède enfin sous la pression du silence d’un break presque apaisé. On ne doute alors pas de leurs intentions, qui sont d’adapter la force compacte du Sludge dans un contexte moins étriqué, objectif qu’ils atteignent sans forcer, et qui laisse présager d’une suite fascinante en version plus longue-durée.
Et en mettant de côté l’intermède acoustique et pur « Regret », qui semble en éprouver sans vraiment les définir, A Celebration Of Suffering se pose en bloc indicible qui nous compresse les sens, les écrasant de regrets, mais sans remords, et « A Legacy of Regret » de combiner les aspérités viriles du Sludge sur un tapis sonore aux harmonies Doom, le tout constamment agressé de stridences, de couches vocales véhémentes, et d’une basse ronflante. Archétype de l’art consommé des américains pour distordre l’harmonie de coups de boutoirs rythmique, ce morceau se pose en synthèse d’une démarche pas si claire, qui nous bouscule, et nous confine à l’orée d’un monde ou la beauté et la laideur cohabitent dans une même douleur, se tapant la bourre sans discontinuer pour tenter de mettre en avant leurs traits les plus caractéristiques. Un son emprunté qui privilégie la crudité sans négliger la nuance, une profondeur en écho qui pourtant refuse la diffusion en matifiant l’impact, et un final en provocation, « Achieving Dirt », qui répète, martèle le message, module le rythme, pour finir par épouser les contours d’un Doomcore vraiment cathartique, faisant le point de liaison entre la scène actuelle, et ces fameux prémices sudistes que l’Amérique nous envoya fut un temps pour nous prévenir des débordements à venir.
Pas vraiment novateur dans le fond ou la forme, A Celebration Of Suffering est tout de même suffisamment varié pour intéresser les fans d’un Sludge tendu et les aficionados d’un Doom repu. Il représente sans doute plus une étape qu’un achèvement, mais en l’état, présente largement assez de qualités pour satisfaire les deux camps. Espérons que les WORRY développent cette dualité à l’avenir pour nous offrir un album complet qui pourra peut-être symboliser un avancement patent. En attendant, « souffrir par eux n’est pas souffrir ». Et puis, on peut toujours trouver un certain plaisir dans la souffrance. Ou en son nom, c’est selon.
Titres de l'album:
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