Tout ceci pourra paraître délicieusement anecdotique aux non-initiés, puisque du Brésil Thrash, la mémoire collective n'aura retenu que quelques noms fameux. Mais dites-vous que pour un SEPULTURA, que pour un OVERDOSE et un DORSAL ATLANTICA, la scène locale hébergeait dans ses asiles Thrash personnels une myriade de groupes moins exposés, mais tout aussi cultes, voire, plus importants d'un simple point de vue créatif. Mais entre les problèmes d'exportation, les labels pas toujours très investis dans la promotion, et la difficulté de s'extirper d'une masse grouillante de combos tous accrochés comme des morpions au genre, les plus grands et efficaces héros n'ont pas toujours été ceux que l'on a crus. Ainsi, les MX restent aujourd'hui pour beaucoup une énigme, pour d'autres un simple entrefilet dans les colonnes de l'histoire, alors qu'ils incarnèrent pendant quelques années la relève d'une scène brésilienne qui commençait à manquer d'air à l'ombre de la forêt SEPULTURA. Car les MX ont toujours adopté cette posture du loser impénitent, se montrant un peu tard pour vraiment faire partie du trio de tête, et dont la musique un peu standard et en retard n'avait pas vraiment de quoi faire frémir les headbangers du monde entier, déjà passés à autre chose. Sauf qu'en deux ans, les originaires de Santo André, São Paulo se sont payé le luxe de sortir deux des LPs les plus intéressants de la fin des 80's, passés dans l'oubli de la culture collective pour cause de trop grande discrétion. Mais les fans Thrash les plus hardcore n'ont bien évidemment jamais oublié les échos troublants de Simoniacal (pour toujours leur meilleur album) et de Metal Slavery (plus propre et carré, mais moins sauvage), et si la suite des évènements s'est faite encore plus discrète, ça n'a pas empêché les lusophones de battre leur pavillon jusqu'en 2000, avant de sombrer dans l'indifférence générale après un ultime longue-durée, le plutôt très bon The Last File.
Revenus d'entre les morts douze ans plus tard pour remettre le couvert, les brésiliens nous offrirent en guise de comeback Re-lapse, pouvant s'appuyer sur la quasi-totalité du line-up d'origine, et se montrant toujours aussi affûtés. Et après quatre ans de silence et un live paru à la hâte, ils nous en reviennent encore plus remontés qu'une comtoise suisse avec cet imparable A Circus Called Brazil, dont la pochette nous offre le comeback du fameux Simon, le pape défroqué qui ornait leurs premiers méfaits. D'ailleurs, en parlant de ces derniers/premiers, on peut résolument affirmer qu'ils trouvent encore un écho en 2018 dans nos cœurs via cette nouvelle réalisation qui en reprend peu ou prou les mêmes principes. Un Thrash traditionnel, féroce et véloce mais suffisamment élaboré pour ne pas sonner trop raw et bestial, et assez éloigné des turpitudes habituelles de la scène nationale. Certes, le développé/couché est classique dans les faits, mais les quatre musiciens sont toujours largement assez costauds pour nous donner quelques leçons de furie Metal, technique qu'ils maîtrisent toujours aussi bien. Toujours mené par le trio originel Décio Frignani (guitare, depuis 1985), Morto (chant, basse, guitare, depuis 1985 aussi) et Alexandre da Cunha (batterie, lui aussi depuis le début), et épaulé par les services d'Alexandre Gonsalves Dumbo (basse), MX continue donc son travail de sape underground, et pourrait s'il le voulait incarner une sorte de chef de file venu du sud, statut qu'il mériterait amplement au vu de la qualité toujours exponentielle de ses albums essentiels.
Si le fond de l'air n'a jamais vraiment changé, le Thrash des brésiliens s'inspirant toujours plus volontiers des mœurs en vogue dans la Bay Area des 80's passées, et de la rigueur en place dans l'Allemagne des mêmes années que du barouf produit par leurs propres contemporains, on note quand même une mise en place de plus en plus précise, et un art toujours plus consommé pour caser les plans les plus biseautés aux endroits adaptés. Dans la plus droite lignée de leur LP post comeback, A Circus Called Brazil peaufine encore plus l'optique au point de transformer le quatuor en sosie presque parfait des ACCUSER, ce que le morceau d'ouverture « Fleeing Terror » prouve de ses accents rauques et de sa rythmique lapidaire. Soli mélodiques et ciselés, accélérations brutales mais maîtrisées, et phrasé de chant diabolique, pour un bilan en forme de carte postale du Brésil loin d'être aussi enchanteresse que les dépliants touristiques. La violence ici est palpable, mais modulée pour ne pas effrayer les plus sensibles, ceux-là même qui s'accrochent encore à la mesure musicale des plus grands héros fatals. Alors, les riffs s'enchaînent, toujours plus catchy et épais, effilés comme des lames de rasoirs, et amplifiés par une production parfaite qui a su trouver l'équilibre entre gravité d'une rythmique affolée et médiums de guitares aiguisées. Certes, aucune originalité à attendre d'un groupe qui a su trouver sa place depuis fort longtemps, mais une efficience de plus en plus prononcée, mise en exergue par une logique de composition qui privilégie la fluidité au chaos à peine agencé. Pas de quoi craindre des débordements symptomatiques d'un pays qui a toujours penché du côté de la bousculade échevelée, mais de quoi apprécier des modulations très intelligentes, et des progressions toujours plus pertinentes.
Un peu TESTAMENT dans l'esprit, un peu MEGADETH dans l'orfèvrerie, les MX ne changent donc pas leur périple pour y ajouter des étapes déplacées, mais foncent droit devant, à une bonne cadence. Et autant dire qu'ils sont toujours excellents dans leur approche, mélangeant savamment les passages en mid et les fulgurances de BPM en transe, pour nous offrir parfois quelques pauses bien méritées, mais pas inutiles pour autant. Ainsi « Mission » s'évertue à reproduire le sens de l'emphase si cher à l'esprit des suisses de CHANNEL ZERO, tandis que « Marching Over Lies » se plaît à unir dans un même élan la complexité des HOLY MOSES et la franchise des ASSASSIN, sans singer l'un ou l'autre. Chœurs travaillés qui nous replongent dans les affres de la Ruhr, sans pour autant renier l'ADN sud-américain si sincèrement chafouin, concession aboutissant à un joli mélange entre radicalisme et formalisme, pour un album qui ne cache aucun point faible sous des artifices d'arrangement ou de production. Les morceaux s'enchaînent sans faiblir, et l’inspiration respire, donnant parfois lieu à des épiphanies de déconstruction, à l'instar de ce terrassant « Apocalypse Watch » qui cumule les instants de bravoure et les déclarations d'amour. Thèmes idoines, brisures, reprises d'un schéma initial pour une valse sans hésitation brodant autour d'un riff étonnamment redondant, et si vous ajoutez à ça un travail rythmique époustouflant de rigueur et d'exubérance, un sens du staccato qui le confine à la démence, vous obtenez des chapitres tous élaborés avec science et un climat global aussi délétère qu'intransigeant.
L'apogée trouve son climax dans l'éponyme final, qui nous déroule un tapis rouge sang de mélodies, et qui valide en quatre minutes à peine tout le bien que l'on peut penser d'une formation qui n'a jamais cédé. Certes, il est encore difficile de dire si A Circus Called Brazil est le meilleur album des brésiliens, et la description la plus fidèle d'un pays modèle, mais après moins de quarante minutes d'attention, il mérite au moins le statut d'album vintage du mois, ce qui n'est guère étonnant au vu du pedigree des musiciens impliqués. Nous sommes donc loin de l'anecdote ou du détail de l'histoire Thrash, puisque les MX en 2018 se montrent toujours d'actualité, et donnent une bonne leçon à cette horde de suiveurs beaucoup moins chevronnés.
Titres de l'album :
1. Fleeing Terror
2. Murders
3. Mission
4. Lucky
5. Cure and Disease
6. Toy Soldier
7. Keep Yourself Alive
8. Marching Over Lies
9. Apocalypse Watch
10. A Circus Called Brazil
Avec Massacra legacy, ça commence nettement à avoir plus de gueule ! Reste à voir la suite des annonces. Mais je crois que je vais plus préférer le Westill le mois suivant au même endroit cette année, déjà Elder et Wytch Hazel de confi(...)
13/05/2025, 07:48
Mea culpa....J'avais pas vu la news en première page - j'ai été directement te répondre.
12/05/2025, 14:33
S'il est du même acabit que le The Cthulhian Pulse: Call From The Dead City sorti en 2020, Mountains of Madness risque d'être un allday listening pour moi.J'ai hâte, bordel !
12/05/2025, 13:44
J'étais passé totalement à côté de cette petite pépite de Death Suédois!Vieux moutard que jamais!Puteraeon glisse de belles ambiances lovecraftiennes sur cet album et les arrangements apportent un plus à l'ensemble.
12/05/2025, 13:42
Necro est sympa, avec de bons passages groovy et d'autres où le groupe envoie du bois.Pas sûr de l'écouter durablement, d'autant plus que le prochain Puteraeon sort le 30 avril prochain.
12/05/2025, 13:40
Sentiment mitigé pour ma part Le chant de Johan Lindqvist n'atteint pas un pouïème de ce qu(...)
12/05/2025, 13:38
Au vu de la dernière vidéo-ITW en date du gonze sur ce site, pour ce qui est de "feu sacré", il a toujours l'air de l'avoir le mec.Je pars donc confiant.
08/05/2025, 09:17
@ MobidOM :oui, pas faux pour la "captation d'héritage" ! :-/ En même temps, s'il a encore le feu sacré et propose un truc pas trop moisi... De toute façon la critique sera sans pitié si le truc ne tient pas la(...)
07/05/2025, 11:52
Ah ce fameux BRUTAL TOUR avec Loudblast / MASSACRA / No Return et Crusher en 95 ! LA PUTAIN de bonne époque
07/05/2025, 11:04
@ Oliv : Montpellier étant une ville et une agglomération plus petite que Lyon, il n'y a véritablement de la place que pour deux petites salles orientées Rock-Metal-Punk-etc, à ce qui me semble après vingt-cinq ans d'observation. Au-delà,(...)
06/05/2025, 20:29
"Death To All", à chaque fois que je les ai vu ils avaient un line-up tout à fait légitime (dont une fois tous les musiciens qui ont joué sur "Human", à part Chuck bien sûr)Et puis la phrase "Chris Palengat pr(...)
06/05/2025, 20:28
Je ne vois pas beaucoup l'intérêt, et je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas attendu les trente ans de l'album l'an prochain. Ces dernières semaines je me retape les premiers, et ça reste un bonheur.
06/05/2025, 19:29
Vénérant ces albums et n'ayant jamais vu la vraie incarnation de Massacra, hors de question de louper ça (si ça passe à portée de paluche, pas à Pétaouchnok). Un peu comme un "Death To All"...
06/05/2025, 17:11
Ils sont juste trop faux-cul pour assumer le statut de tribute band, voilà tout.
06/05/2025, 16:15