Perdre un proche est sans doute l’expérience la plus terrifiante qui soit. Cette expérience, lorsqu’elle dure sur le long terme, devient traumatisante, et s’accompagne de cris, de pleurs, de lourds silences, de rais d’espoir, d’abîmes de déception et de tristesse, d’épreuves hospitalières, d’une tension de chagrin, et puis finalement, d’une libération presque cathartique. C’est quelque chose d’unique dans son ressenti, mais qui fait de nous ce que nous sommes. Et c’est aussi le thème choisi par les CADAVERETTE pour illustrer leur second LP, pas le concept le plus simple qui soit à traiter, spécialement lorsqu’on évolue dans l’extrême et le mélange des genres. S’il vous plaît, ne vous arrêtez pas au nom un peu étrange de ce groupe, qui en français les rapprocherait d’un incongru Fantomette. Ces musiciens bizarres et uniques méritent mieux que des calembours linguistiques, puisque depuis leur création, ils s’échinent à produire une musique totalement inclassable, à la croisée des genres mais parfaitement délicieuse pour ceux conchiant la normalité ambiante. Présenté comme un ensemble Sludge et Hardcore sur la toile, CADAVERETTE est une entité pluriforme, un quatuor sans limites, et surtout, un réservoir de surprises permanent. Jamais à court d’une idée, les originaires de Portland nous ont déjà plus ou moins exposé leurs théories sur un premier longue-durée éponyme, publié à compte d’auteur en 2016. Depuis trois ans, nous étions donc sans nouvelles, mondialement évidemment, puisque le groupe se montre très actif localement. Et c’est donc avec plaisir que nous avons célébré leur retour en fanfare il y a quelques mois avec ce A Farewell to Earthly Existence, excitant dans les faits, mais plombé dans le fond. C’est un album qui parle de la perte, du deuil, de la colère qui souligne l’impuissance, et de la mort, pas franchement de quoi donner le sourire. Mais il semblerait que ces aspects sombres aient dopé la créativité du combo qui nous offre là l’un des albums les plus euphorisants d’une année 2019 pourtant chargée en émotion.
Danny, Reesa, Zach et Logan ne se posent pas de questions inutiles. A tel point qu’en glissant les fichiers dans votre playlist, vous risquez l’étonnement, l’hébétude, l’interrogation. Quelle est donc cette musique qui finalement, ne supporte aucune étiquette, aucun label, aucune restriction ? Les musiciens eux-mêmes ont du mal à baliser le terrain, et se cachent derrière la pluralité la plus confortable. Un lapidaire mais énigmatique « Doom/sludge/jazz/power violence/spazz metal!! » accompagne leur bio sur leur page Facebook, et si d’aventure vous jugiez ça incongru, vous avez parfaitement raison. Dans les faits, et avec un peu de culture underground, CADAVERETTE pourrait être la petite dernière d’une fratrie composée de Mike PATTON, DILLINGER ESCAPE PLAN, John ZORN, NEUROSIS, CLOSET WITCH, les BIKINI KILL et MASTODON. Parrainée par UNSANE et Bill LASWELL, elle a grandi avec des certitudes, dont celle que la musique soit s’adapter à l’humeur, et rester sincère. C’est pour cette raison que ce second chapitre de sa courte vie détonne autant dans le paysage actuel. Pas vraiment Punk mais pas vraiment Hardcore non plus, certainement pas Sludge, encore mois Doom, mais Noisy as hell, déconstruite, épidermique, naturelle et disons-le, spontanée, mais terriblement réfléchie. Il faut avoir de l’audace pour se coller « White Walls » dans les oreilles, et encore plus pour imaginer des murs d’hôpital blancs comme un linceul, dernière étape d’un cheminement de souffrance qui ne va pas tarder à trouver une issue inéluctable. Et il faudrait avoir du culot pour en comprendre la structure, et l’affilier à un courant. Car il y a de l’Alternatif là-dedans, du SONIC YOUTH, du Punk indie des nineties, du Metal, évidemment, mais déformé, adapté, contrait à s’exprimer par une simple distorsion et des soli sincères, mais peaufinés. Il y a de la mélodie, mais elle est torturée, il y a un chant féminin, mais au-delà des genres, plus une émotion qu’un cri. Et pourtant des cris il y en a, de la wah-wah aussi, beaucoup de violence, de l’épaisseur, comme si les KITTIE avaient fait un stage en compagnie de Lydia LUNCH dans une aile psychiatrique. Bizarre ? Oui, mais tellement cru qu’on accepte la brutalité.
A Farewell to Earthly Existence n’est pas facile d’accès, mais la mort non plus. Il fallait trouver la bonne approche pour formaliser ce traumatisme, et les CADAVERETTE n’ont pas hésité. Ils ont adopté le bruit, embrassé le chaos, mais sont restés naturels. A ce titre, ne vous fiez pas à « Catcall » pour jauger du potentiel de l’œuvre. Ce morceau d’ouverture, le plus long, laisse planer un chant plaintif par-dessus un instrumental digne des intros de NEUROSIS. On pourrait penser faussement à CHELSEA WOLFE, mais la piste n’est pas la bonne, car les racines des américains sont plus anciennes. Le son trop analogique nous renvoie aux années 80 Hardcore, les cris soudains au Post-Hardcore underground, et la moiteur ambiante aux SWANS des débuts. C’est lourd, éprouvant, mais pas Sludge pour autant, juste vrai, authentique, et flippant. « Kali », beaucoup plus chaotique, prépare à l’enfer à venir. A la limite du Mathcore mais sans la vulgarité de la précision mathématique, ce morceau est sans conteste l’un des plus immédiats de l’ensemble, comme un hurlement qui s’échappe enfin des poumons après des semaines de frustration. Basse jazzy, stridences, dissonances, et toujours ce chant qui joue son rôle qui n’en est pas un. Cette chanteuse ne fait pas semblant et colle la chair de poule, elle s’adapte si bien à la bande instrumentale que l’ensemble prend des proportions gigantesques sur le terrifiant « Bleed Silence », sorte de Free Hardcore glaçant aux chœurs intrusifs. La rythmique, hautement instable et changeante oblige les guitares à sortir leurs tripes de cordes, avant que « Last Breath » ne nous assomme de sa discordance. Les plans, au lieu de se démultiplier comme auparavant, se répercutent, se répètent, dans un mantra/traumatisme qui illustre bien ce dernier combat. La respiration devient irrégulière, puis ralentit, puis s’arrête.
Et une fois l’inévitable accepté, ne reste plus qu’à couvrir d’un drap blanc de pudeur l’immense vide creusé dans la vie de ceux qui restent. « Trapped in White », au lieu de prôner la mélancolie, souligne le stress post-traumatique. Noisy Jazz, Noisy Core, ce que vous voulez, mais…du bruit et de la fureur. BLACK FLAG, CANDIRIA, mais autre chose. Et si perdre un proche est sans doute l’expérience la plus terrifiante qui soit, écouter A Farewell to Earthly Existence n’en est pas si loin. C’est là toute la force d’un album unique. Mieux, d’une épreuve.
Titres de l’album :
01. Catcall
02. Kali
03. The Admission
04. White Walls
05. Bleed Silence
06. Last Breath
07. Trapped in White
Un report ? Je crois que j’y reviendrai l’an prochain mais deux jours afin de mieux profiter. J’en connais qui ont du moins apprécier le camping avec l’orage du dernier soir
16/05/2025, 06:52
Avec Massacra legacy, ça commence nettement à avoir plus de gueule ! Reste à voir la suite des annonces. Mais je crois que je vais plus préférer le Westill le mois suivant au même endroit cette année, déjà Elder et Wytch Hazel de confi(...)
13/05/2025, 07:48
Mea culpa....J'avais pas vu la news en première page - j'ai été directement te répondre.
12/05/2025, 14:33
S'il est du même acabit que le The Cthulhian Pulse: Call From The Dead City sorti en 2020, Mountains of Madness risque d'être un allday listening pour moi.J'ai hâte, bordel !
12/05/2025, 13:44
J'étais passé totalement à côté de cette petite pépite de Death Suédois!Vieux moutard que jamais!Puteraeon glisse de belles ambiances lovecraftiennes sur cet album et les arrangements apportent un plus à l'ensemble.
12/05/2025, 13:42
Necro est sympa, avec de bons passages groovy et d'autres où le groupe envoie du bois.Pas sûr de l'écouter durablement, d'autant plus que le prochain Puteraeon sort le 30 avril prochain.
12/05/2025, 13:40
Sentiment mitigé pour ma part Le chant de Johan Lindqvist n'atteint pas un pouïème de ce qu(...)
12/05/2025, 13:38
Au vu de la dernière vidéo-ITW en date du gonze sur ce site, pour ce qui est de "feu sacré", il a toujours l'air de l'avoir le mec.Je pars donc confiant.
08/05/2025, 09:17
@ MobidOM :oui, pas faux pour la "captation d'héritage" ! :-/ En même temps, s'il a encore le feu sacré et propose un truc pas trop moisi... De toute façon la critique sera sans pitié si le truc ne tient pas la(...)
07/05/2025, 11:52
Ah ce fameux BRUTAL TOUR avec Loudblast / MASSACRA / No Return et Crusher en 95 ! LA PUTAIN de bonne époque
07/05/2025, 11:04
@ Oliv : Montpellier étant une ville et une agglomération plus petite que Lyon, il n'y a véritablement de la place que pour deux petites salles orientées Rock-Metal-Punk-etc, à ce qui me semble après vingt-cinq ans d'observation. Au-delà,(...)
06/05/2025, 20:29
"Death To All", à chaque fois que je les ai vu ils avaient un line-up tout à fait légitime (dont une fois tous les musiciens qui ont joué sur "Human", à part Chuck bien sûr)Et puis la phrase "Chris Palengat pr(...)
06/05/2025, 20:28
Je ne vois pas beaucoup l'intérêt, et je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas attendu les trente ans de l'album l'an prochain. Ces dernières semaines je me retape les premiers, et ça reste un bonheur.
06/05/2025, 19:29
Vénérant ces albums et n'ayant jamais vu la vraie incarnation de Massacra, hors de question de louper ça (si ça passe à portée de paluche, pas à Pétaouchnok). Un peu comme un "Death To All"...
06/05/2025, 17:11