A Farewell to Earthly Existence

Cadaverette

30/08/2019

Autoproduction

Perdre un proche est sans doute l’expérience la plus terrifiante qui soit. Cette expérience, lorsqu’elle dure sur le long terme, devient traumatisante, et s’accompagne de cris, de pleurs, de lourds silences, de rais d’espoir, d’abîmes de déception et de tristesse, d’épreuves hospitalières, d’une tension de chagrin, et puis finalement, d’une libération presque cathartique. C’est quelque chose d’unique dans son ressenti, mais qui fait de nous ce que nous sommes. Et c’est aussi le thème choisi par les CADAVERETTE pour illustrer leur second LP, pas le concept le plus simple qui soit à traiter, spécialement lorsqu’on évolue dans l’extrême et le mélange des genres. S’il vous plaît, ne vous arrêtez pas au nom un peu étrange de ce groupe, qui en français les rapprocherait d’un incongru Fantomette. Ces musiciens bizarres et uniques méritent mieux que des calembours linguistiques, puisque depuis leur création, ils s’échinent à produire une musique totalement inclassable, à la croisée des genres mais parfaitement délicieuse pour ceux conchiant la normalité ambiante. Présenté comme un ensemble Sludge et Hardcore sur la toile, CADAVERETTE est une entité pluriforme, un quatuor sans limites, et surtout, un réservoir de surprises permanent. Jamais à court d’une idée, les originaires de Portland nous ont déjà plus ou moins exposé leurs théories sur un premier longue-durée éponyme, publié à compte d’auteur en 2016. Depuis trois ans, nous étions donc sans nouvelles, mondialement évidemment, puisque le groupe se montre très actif localement. Et c’est donc avec plaisir que nous avons célébré leur retour en fanfare il y a quelques mois avec ce A Farewell to Earthly Existence, excitant dans les faits, mais plombé dans le fond. C’est un album qui parle de la perte, du deuil, de la colère qui souligne l’impuissance, et de la mort, pas franchement de quoi donner le sourire. Mais il semblerait que ces aspects sombres aient dopé la créativité du combo qui nous offre là l’un des albums les plus euphorisants d’une année 2019 pourtant chargée en émotion.

Danny, Reesa, Zach et Logan ne se posent pas de questions inutiles. A tel point qu’en glissant les fichiers dans votre playlist, vous risquez l’étonnement, l’hébétude, l’interrogation. Quelle est donc cette musique qui finalement, ne supporte aucune étiquette, aucun label, aucune restriction ? Les musiciens eux-mêmes ont du mal à baliser le terrain, et se cachent derrière la pluralité la plus confortable. Un lapidaire mais énigmatique « Doom/sludge/jazz/power violence/spazz metal!! » accompagne leur bio sur leur page Facebook, et si d’aventure vous jugiez ça incongru, vous avez parfaitement raison. Dans les faits, et avec un peu de culture underground, CADAVERETTE pourrait être la petite dernière d’une fratrie composée de Mike PATTON, DILLINGER ESCAPE PLAN, John ZORN, NEUROSIS, CLOSET WITCH, les BIKINI KILL et MASTODON. Parrainée par UNSANE et Bill LASWELL, elle a grandi avec des certitudes, dont celle que la musique soit s’adapter à l’humeur, et rester sincère. C’est pour cette raison que ce second chapitre de sa courte vie détonne autant dans le paysage actuel. Pas vraiment Punk mais pas vraiment Hardcore non plus, certainement pas Sludge, encore mois Doom, mais Noisy as hell, déconstruite, épidermique, naturelle et disons-le, spontanée, mais terriblement réfléchie. Il faut avoir de l’audace pour se coller « White Walls » dans les oreilles, et encore plus pour imaginer des murs d’hôpital blancs comme un linceul, dernière étape d’un cheminement de souffrance qui ne va pas tarder à trouver une issue inéluctable. Et il faudrait avoir du culot pour en comprendre la structure, et l’affilier à un courant. Car il y a de l’Alternatif là-dedans, du SONIC YOUTH, du Punk indie des nineties, du Metal, évidemment, mais déformé, adapté, contrait à s’exprimer par une simple distorsion et des soli sincères, mais peaufinés. Il y a de la mélodie, mais elle est torturée, il y a un chant féminin, mais au-delà des genres, plus une émotion qu’un cri. Et pourtant des cris il y en a, de la wah-wah aussi, beaucoup de violence, de l’épaisseur, comme si les KITTIE avaient fait un stage en compagnie de Lydia LUNCH dans une aile psychiatrique. Bizarre ? Oui, mais tellement cru qu’on accepte la brutalité.

A Farewell to Earthly Existence n’est pas facile d’accès, mais la mort non plus. Il fallait trouver la bonne approche pour formaliser ce traumatisme, et les CADAVERETTE n’ont pas hésité. Ils ont adopté le bruit, embrassé le chaos, mais sont restés naturels. A ce titre, ne vous fiez pas à « Catcall » pour jauger du potentiel de l’œuvre. Ce morceau d’ouverture, le plus long, laisse planer un chant plaintif par-dessus un instrumental digne des intros de NEUROSIS. On pourrait penser faussement à CHELSEA WOLFE, mais la piste n’est pas la bonne, car les racines des américains sont plus anciennes. Le son trop analogique nous renvoie aux années 80 Hardcore, les cris soudains au Post-Hardcore underground, et la moiteur ambiante aux SWANS des débuts. C’est lourd, éprouvant, mais pas Sludge pour autant, juste vrai, authentique, et flippant. « Kali », beaucoup plus chaotique, prépare à l’enfer à venir. A la limite du Mathcore mais sans la vulgarité de la précision mathématique, ce morceau est sans conteste l’un des plus immédiats de l’ensemble, comme un hurlement qui s’échappe enfin des poumons après des semaines de frustration. Basse jazzy, stridences, dissonances, et toujours ce chant qui joue son rôle qui n’en est pas un. Cette chanteuse ne fait pas semblant et colle la chair de poule, elle s’adapte si bien à la bande instrumentale que l’ensemble prend des proportions gigantesques sur le terrifiant « Bleed Silence », sorte de Free Hardcore glaçant aux chœurs intrusifs. La rythmique, hautement instable et changeante oblige les guitares à sortir leurs tripes de cordes, avant que « Last Breath » ne nous assomme de sa discordance. Les plans, au lieu de se démultiplier comme auparavant, se répercutent, se répètent, dans un mantra/traumatisme qui illustre bien ce dernier combat. La respiration devient irrégulière, puis ralentit, puis s’arrête.

Et une fois l’inévitable accepté, ne reste plus qu’à couvrir d’un drap blanc de pudeur l’immense vide creusé dans la vie de ceux qui restent. « Trapped in White », au lieu de prôner la mélancolie, souligne le stress post-traumatique. Noisy Jazz, Noisy Core, ce que vous voulez, mais…du bruit et de la fureur. BLACK FLAG, CANDIRIA, mais autre chose. Et si perdre un proche est sans doute l’expérience la plus terrifiante qui soit, écouter A Farewell to Earthly Existence n’en est pas si loin. C’est là toute la force d’un album unique. Mieux, d’une épreuve.                               


Titres de l’album :

                          01. Catcall

                          02. Kali

                          03. The Admission

                          04. White Walls

                          05. Bleed Silence

                          06. Last Breath

                          07. Trapped in White

Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 09/05/2020 à 14:26
90 %    1138

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Sélection Metalnews 2024 !

Jus de cadavre 01/01/2025

Interview

Voyage au centre de la scène : MONOLITHE

Jus de cadavre 15/12/2024

Vidéos

Corentin Charbonnier : l'anthropologue du Metal

mortne2001 09/12/2024

Interview

CARCARIASS + Guests

Simony 06/12/2024

Live Report

FALLING IN REVERSE + HOLLYWOOD UNDEAD

Chief Rebel Angel 06/12/2024

Live Report

Lezard'Os Metal Fest 2024

Simony 02/12/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : STILLE VOLK

Jus de cadavre 01/12/2024

Vidéos

Sang Froid + Malefixio

RBD 29/11/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Capsf1team

J'étais passé à côté de celle-ci... On remarque parfois des sous-entendus dans les chros de l'auteur qui le classerais politiquement du côté de la bordelisation de l'assemblée nationale. Là ça y va sans déto(...)

14/01/2025, 17:49

Incroyable album

Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)

14/01/2025, 09:27

pascal

Une chronique avec une intro bien raciste, bravo!!

14/01/2025, 09:08

Hans Fraischer

Ce serait mieux de se limiter à la chronique de disque plutôt que d'étaler au grand jour sa faiblesse e sa méconnaissance de la politique. Merci. 

13/01/2025, 18:04

Gargan

Euh... c'est sérieux l'intro ?    

13/01/2025, 09:32

Humungus

Qui a dit que l'on n'était jamais content ?!

13/01/2025, 08:36

Humungus

Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.

13/01/2025, 08:36

Capsf1team

Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête. 

13/01/2025, 07:59

Simony

Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)

12/01/2025, 17:38

Humungus

Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)

12/01/2025, 14:27

Benstard

Litany la claque a l'époque. Ce son de grosse caisse du futur.

11/01/2025, 13:35

Buck Dancer

Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.

11/01/2025, 12:16

Capsf1team

Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)

10/01/2025, 09:12

RBD

J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)

09/01/2025, 19:49

Jus de cadavre

"Achetez ce disque. Certes, pas forcément par le biais de son concepteur sous peine d’attendre indéfiniment une rondelle qui n’arrivera jamais et vous enfilera bien la vôtre."

09/01/2025, 19:36

Jus de cadavre

"Achetez ce disque. Certes, pas forcément par le biais de son concepteur sous peine d’attendre indéfiniment une rondelle qui n’arrivera jamais et vous enfilera bien la vôtre."

09/01/2025, 19:36

Jus de cadavre

J'ajoute dans mon top une toute fraiche découverte Death Metal de 2024 : PNEUMA HAGION avec leur album "From Beyond" sorti en aout.Pour les fans de Dead Congregration / Morbid Angel ruez vous là dessus !!!

09/01/2025, 08:53

LeMoustre

Y'a la sorcière du marais sur la pochette.Hâte d'écouter cette nouvelle galette. Du tout bon si on en croit le titre en écoute 

08/01/2025, 17:47

LeMoustre

Y'a la sorcière du marais sur la pochette.Hâte d'écouter cette nouvelle galette. Du tout bon si on en croit le titre en écoute 

08/01/2025, 17:47

Orphan

Confondre Neil Peart et Neil Pen...

08/01/2025, 11:17