A Fountain of Anguish Is Gone

Tigguo Cobauc

26/04/2024

Trepanation Recordings

Voilà un nom qui va réveiller tous les amateurs d’avant-garde et de grandiloquence instrumentale. TIGGUO COBAUC - qui tire son nom de celui très ancien de sa ville, Nottingham - est en effet l’un des chantres de ce que l’on appelle l’Enochian Black Metal, qui répond plus ou moins à la définition suivante :

« Langage des anges », l’énochien est une langue construite occulte ou angélique supposée, possédant son propre alphabet, découverte dans les carnets de note des occultistes et alchimistes anglais John Dee et Edward Kelley 

 

Lorsqu’on se réclame de cette mouvance, autant jouer une musique novatrice, sombre, passionnée par le passé et susceptible de remplir le cœur des archéologues Metal les plus chevronnés. Et justement, ce trio magique a largement les arguments pour convaincre un nouveau public de sa pertinence. Mais TIGGUO COBAUC est déjà connu d’une certaine frange de l’audience BM, puisque A Fountain of Anguish Is Gone est déjà son deuxième album. Trial by Combat (qui rappelait cette merveilleuse scène de Game of Thrones avec Peter Dinklage) avait posé les bases en 2022, et développait déjà des propos personnels, avec un large choix de thématiques, mais aussi une inspiration ouverte, empruntant au Heavy, au Death, au Dark et même au Metal symphonique. On y trouvait de l’EMPEROR mélangé à des restes de CELTIC FROST, le tout sous couvert d’une inspiration personnelle, et d’obsessions rituelles.

L’équation est donc simple. Réputation naissante + professionnalisme = monstre en devenir. Inutile de le cacher, A Fountain of Anguish Is Gone a eu un fort impact sur moi, de par sa science exacte des mélodies et son amertume qui suggère le passé avec beaucoup d’emphase. Emphase, c’est d’ailleurs le mot idoine pour décrire cette nouvelle œuvre aussi ambitieuse qu’efficace. Loin des obligations contractuelles de l’avant-garde, le quatuor (Reno Ramos - basse/chant, Luca Martello - guitare & Wayne Turton - claviers, avec en support depuis cette année Carl McParland - batterie) préfère la concision d’un Black moderne qui ne rechigne pas à rendre hommage aux plus grands. Mais loin de la fascination pour la scène nordique, suédoise ou américaine, les anglais préfèrent une approche centre européenne, quelque part entre la France et l’Allemagne.

On retrouve la rigueur d’outre-Rhin et cette façon de Wagnériser sa musique, mais aussi cette violence sourde et froide de notre beau pays, qui nous a permis d’intégrer le top 3 des pays les plus productifs en termes de Black Metal. Inutile donc de craindre des litanies sans queue ni tête, mais inutile aussi de vous attendre à un déluge d’arrangements pompeux sur instrumental classique.

Entre élitisme chic et puissance choc, TIGGUO COBAUC n’a pas choisi, et nous propose un voyage totalement fascinant. La confrontation permanente entre la lourdeur et la vélocité aboutit à un cocktail pour le moins détonant, et si les blasts se font rares, les passages Heavy nous enfoncent la tête dans le marigot du passé, avec une forte tendance à suggérer le Doom pour paraître encore plus empesé qu’on est.

Beaucoup d’intelligence donc, mais aussi une éthique propre, qui s‘articule autour de longs passages dévorants, que le grand BATHORY n’aurait pas reniés. Ainsi, « Eternal Quietus » n’est pas sans évoquer une collaboration imaginaire entre Quorthon et TRIPTYKON, avec son ambiance à la Monotheist trempée dans le fiel d’un Hammerheart.

Boucles orientales, franchise anglaise, le crossover est bouillant, et les titres développent tous une identité propre, chose appréciable dans un style qui prône souvent l’homogénéité plutôt que la diversité. En découle une écoute attentive, et une richesse qui ne fait que prendre de la valeur avec le temps. La majesté de ces riffs énormes et de cette rythmique imposante font que l’aventure prend des proportions épiques, tissant une fine toile entre la réalité et le fantasme, dans un demi-sommeil du juste qui rêve de ses propres ancêtres.

« Inner Disaster », encore une fois conséquent et gigantesque, traîne la patte pour mieux laisser les éclopés, les assoiffés, les esseulés et les parias rejoindre la marche, entre allusions à CELTIC FROST et passion pour un Dark Metal d’un noir profond. La voix de Reno Ramos, mixée en avant permet de s’accrocher à la narration comme une épidémie à son patient zéro, alors que la guitare de Luca Martello tergiverse entre les motifs, pour enchaîner un lick pachydermique et une mélodie en son presque clair.

Construit sur une progression logique de sept morceaux assez longs, A Fountain of Anguish Is Gone dément sa propre appellation en suggérant l’angoisse de son atmosphère pour le moins mortifère. S’il n’est pas le plus cru des groupes de BM, TIGGUO COBAUC n’est pas non plus le plus facile d’approche, tant ses idées s’imbriquent avec une fluidité, mais une violence rare. Il faut avoir l’oreille rompue à l’exercice du Black progressif statique, antinomie qui prend tout son sens sur cet album.

« Volt-Face » en est une parfaite illustration, avec encore une fois cette grandiloquence permanente qui se satisfait très bien d’un tempo lourd et processionnel. On avance en ayant le sentiment de faire du surplace, et pourtant, les mouvements sont bien réels, quoi qu’imperceptibles parfois. A tel point que certains sites préfèrent classer nos amis anglais dans la catégorie Sludge, ce qui est pour le moins incongru.

Non, TIGGUO COBAUC est purement Black, dans sa dominante la plus sombre. On pourrait même y voir une forme très sourde de Doom/Death, lorsque « Engaged Putridity » retentit comme un dernier avertissement. Ou avant-dernier, puisque « Deliverance » incarne la porte de sortie, qui étrangement, est aussi celle d’entrée.

Beaucoup de points communs avec le Thomas Fischer du vingt-et-unième siècle, pour un album imposant, à l’enceinte inviolable. Oppression, mystique, insistance, invocations, le tout ressemble à une formule magique énoncée quelque part dans un désert, destinée à ramener à la vie un dieu ancien dont les intentions ne sont pas des plus louables.

Et le noir. Toujours le noir. De nuit comme de jour. A Fountain of Anguish Is Gone est plus qu’un album, c’est une éclipse éternelle.        

       

Titres de l’album : 

01. Craving For Slay

02. The Darkest Emperor

03. Eternal Quietus

04. Inner Disaster

05. Volt-Face

06. Engaged Putridity

07. Deliverance


Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 10/07/2024 à 17:15
90 %    130

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Obscene Extreme 2024

Mold_Putrefaction 29/08/2024

Live Report

Discography 1983-2006

mortne2001 18/08/2024

La cave

Ratos de Porão + All Borders Kill

RBD 22/07/2024

Live Report

HELLFEST 2024 / Clisson

Jus de cadavre 15/07/2024

Live Report

Escuela Grind + BMB

RBD 08/07/2024

Live Report

The Mandrake Project Live 2024

Simony 05/07/2024

Live Report

Hatebreed + Crowbar

RBD 18/06/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
pierre-2

https://www.youtube.com/watch?v=3SKX76h68EA&ab_channel=AgoniaRecords

07/09/2024, 20:44

pierre-2

Quelle banalité, c'est vraiment du pilotage automatique et peu/pas inspiré.

07/09/2024, 20:42

Saddam Mustaine

Bah honnêtement c'est plutôt une réussite.De toute façon pas difficile que de faire mieux que le dernier voir les derniers, j'ai lâché après le troisième 

07/09/2024, 17:07

Buck Dancer

Les deux morceaux en écoute sont plutôt bon et, surtout, le retour du growl, pinaise !!! Événement métal de l'année 2024 , devant Gojira aux JO ! ( Bon, j'espère que ce sera pas seulement sur un morceau....)

07/09/2024, 10:39

Saul D

Ratos De Porao c'est plutôt brésilien qu'italien, mais cela aurait pu...

06/09/2024, 13:45

Saul D

je retiens le final du groupe mexicain C.A.R.N.E. ( cli d'oeil à Depraved des débuts?) :-)

06/09/2024, 13:32

Ivan Grozny

Un groupe qui a beaucoup compté pour moi à une époque, une bien triste nouvelle en effet !

05/09/2024, 01:56

Ivan Grozny

@RBD : ce n'était pas ici comme beaucoup d'anciens ? ;-)

05/09/2024, 01:44

Simony

Groupe dont je continue encore de découvrir la riche discographie, mais il y a beaucoup, beaucoup d'excellents albums pour moi ! Grosse perte...

04/09/2024, 20:24

Moshimosher

Triste nouvelle ! Grand groupe qu'Abigor (même si j'ai surtout écouté la première partie de la discographie du groupe) ! J'espère au moins que sa mort lui aura apporté ce qu'il recherchait... RIP

04/09/2024, 20:00

RBD

Très bon podcast en effet, je ne me souviens plus comment je l'ai découvert. Je n'ai pas toujours les mêmes points de vue que les principaux intervenants sur tels groupes et tels albums classiques, dans la mesure où nous n'avons pas exactement les mê(...)

04/09/2024, 15:07

Gargan

Merde ! Tous les premiers disques sont excellents, notamment grâce à ses riffs tellement différents des autres groupes. J'avais perdu l'intérêt pour le groupe après "channeling" et suis retombé dedans avec les deniers efforts, tou(...)

04/09/2024, 07:55

Fétide Vön Decåyed

J'adore le nom du musicien   

04/09/2024, 06:46

RBD

J'ai quelques camarades qui y sont allés mais je n'ai pas encore eu de récit complet, merci ! En tout cas je sais qu'eux aussi ne sont pas fans des performances non musicales du festival ni des déguisements, vous vous entendriez. Je ne sais pas comm(...)

03/09/2024, 11:13

Raton

Ratos De Porao sont brésiliens et non italiens.

03/09/2024, 07:29

Ivan Grozny

Très bon podcast Le secret des dieux, découvert grâce à Vs-Greg d'ailleurs :)

03/09/2024, 01:14

Ivan Grozny

@LeMoustre Il s'agit de James Brown notamment https://www.truemetal.it/heavy-metal-news/triumph-of-death-interview-tom-g-warrior-1136131

03/09/2024, 01:13

Ivan Grozny

Super boulot ce dossier, merci . Dommage que le format du site en rende la lecture un peu pénible. Concernant Into the pandemonium (très bon album me concernant) "Je défie quiconque de me trouver une poignée d’autres albums aussi aventureux sortis approximat(...)

03/09/2024, 01:12

Ivan Grozny

Merci pour le report. On sent bien l'exaspération face au public dans certaines situations :). Le concert d'Autopsy devait être dément !

03/09/2024, 00:59

Steelvore666

Vus récemment au Barbeuk Metal Fest, c'était bien sympa.

02/09/2024, 15:55