À L'Origine Du Monde

Monoatomic God

28/06/2023

Autoproduction

Entre la nouvelle « The Egg » d’Andy Weir, « Le Mythe de Sisyphe » de Camus, et les sciences naturelles, ce premier album des strasbourgeois de MONOATOMIC GOD se propose d’explorer les sentiments contradictoires, entre admiration et désespoir, au moment de se confronter aux abysses. Thème intéressant s’il en est, mais qui exigeait un contrepoint musical solide et inspiré. Nous n’avions jusqu’à lors qu’un simple EP pour juger des qualités de ce groupe du Grand-Est, aujourd’hui, la base de données est plus riche. Avec À L'Origine Du Monde, le quatuor se livre comme jamais dans un désir de métissage des genres.

Ce métissage fond avec ambition Doom, Stoner, Desert Rock et Heavy Metal dans un grand creuset, pour obtenir une coulée précieuse qui sera certainement moulée avec amour. Laetitia Convertini (chant), Albert Leroy (guitare), Olivier Belli (basse) et François Debras (batterie) sculptent donc le son avec beaucoup de précision, mais aussi un naturel assez confondant, rejetant la lutte des genres pour mettre en avant le leur, plus libre, plus malléable, plus aventureux et donc plus chargé en émotions. 

Six longs morceaux, mais pas tant que ça. Alors que le créneau est souvent surchargé de compositions interminables, de références passables et de copiés/collés rapidement identifiables, À L'Origine Du Monde prône la liberté, l’affranchissement des règles, et ose une musique riche, fertile, à cent lieues des figures imposées en jams sans fin et autres délires lysergiques pénibles à l’oreille.

Enregistré, mixé et masterisé par Shtrak! Production, ce premier chapitre de la saga MONOATOMIC GOD dispose d’un son rond et clair, précis, qui permet d’apprécier tous les détails et les fioritures sans avoir à tendre l’oreille au point de se la décoller. Ainsi, « Margins of the Superstructure » déploie la carte du voyage, entre arpèges cristallins, riffs gras et rythme pachydermique, pointant vers les étoiles tout en gardant encore les pieds sur terre. La voix de Laetitia frappe immédiatement : un peu traînante, subtilement lyrique, légèrement acidulée, à la manière d’une Grace Slick plus obsédée par le sens de la vie que par les paradis lysergiques. Ensuite, c’est la cohésion d’ensemble qui s’impose, dans une digression remarquable située entre les coups de boutoir des MELVINS et les mélodies amères d’ALICE IN CHAINS.

Un univers très personnel donc, qui refuse de s’arrêter à la frontière du Metal pour pouvoir explorer les recoins des nineties, tout en recentrant les débats sur les seventies, époque magique où tout était possible, permis, et apprécié. Un pont tendu entre les époques donc, pour laisser passer des mélodies riches mais un peu passées et jaunies, et une mise en place parfaite, qui témoigne d’un collectif soudé.

Si la séduction marche à plein régime dès les premiers instants, il faut quand même attendre « Metazoa » pour craquer sans retenue. Plus long segment de l’album, judicieusement placé au centre, il laisse se pâmer les amoureux de la nuit, ceux qui déambulent à la recherche du sens de la vie et de l’amour, au rythme d’un mid tempo lourd et d’une guitare insistante, et presque hypnotique. Les nombreuses cassures sont autant d’aventures vécues dans les rues, et les volutes vocales de Laetitia se posent en narratrices extérieures qui connaissent pourtant la chanson. La sensation est délicieuse, comme un disque Folk revenant à la vie, mais qui aurait gardé jalousement ses secrets sur plusieurs décennies.

Pour faire passer la pilule et appâter les plus nerveux, le quatuor a pris soin d’intercaler des compositions plus instinctives et immédiates, comme ce tendu « Funeral Orbiter », sec et souple, et propulsé par un riff malin dans la grande tradition du Southern Metal des CORROSION OF CONFORMITY ou DOWN. De la variété donc, quelques samples pour meubler les intros et mettre l’emphase sur l’ambiance, des idées pertinentes, mais surtout, aucune place laissée à l’errance, chaque détail ayant sa raison d’être et chaque plan étant indispensable.

Si la forme est d’usage et semblera familière aux amateurs du genre, le fond est plus complexe et travaillé. Loin de la copie malhabile d’œuvres déjà existantes, À L'Origine Du Monde oppose sa propre version à celle des anciens. Et de fait, « A Graveside Story » se rappelle évidemment du SAB, mais aussi des 7 WEEKS ou de cette vague Post-Grunge qui nous avait engloutis à la fin des années 2000.

Et puisqu’il était indispensable de refermer ce premier volet en affichant de solides ambitions, « À l'Origine du Monde » impose enfin la lourdeur, le malaise, et le Doom coutumier, pour un au-revoir qui laisse augurer une rencontre avec le groupe dans des conditions live.

Solide effort collectif, À L'Origine Du Monde ne demande aucun effort pour être apprécié, mais réclame des écoutes répétées pour se livrer. Ce qui n’est pas un problème, les chansons supportant très bien les prises multiples, et la cohésion tenant la route sur de longues semaines. De quoi voyager serein vers les étoiles, entre admiration d’un univers infini et désespoir d’une terre à l’agonie.

   

         

Titres de l’album:

01. Margins of the Superstructure

02. Effroyable Sphere

03. Metazoa

04. Funeral Orbiter

05. A Graveside Story

06. À l'Origine du Monde


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par mortne2001 le 07/07/2023 à 16:47
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