A Lifetime Spent on Dying

Harms

05/03/2021

Autoproduction

C’est cette sublime pochette au noir et blanc fascinant qui a attiré mon attention sur le premier LP des finlandais de HARMS. Ce visage paisible, cette sensation de bien-être, de connexion avec soi-même m’a donné envie d’en savoir plus, d’autant que le titre de l’album va à l’encontre de cette impression de départ. Une vie entière passée à mourir, voilà donc un postulat intéressant, qui certes contient une part de vérité. Après tout, à peine nés, nous entamons une marche inéluctable vers notre mort, marche lente, rapide, chaotique, linéaire, rythmée par des coups du sort, des évènements heureux, des déceptions, de la souffrance, des pertes insupportables et des rires tonitruants. Alors, consacrer un album à ce concept n’est pas incongru, spécialement à notre époque où chaque évènement semble être encore plus funeste que le précédent, et où tout le monde dramatise ses moindres petits bobos sur les réseaux sociaux.

Les réseaux sociaux justement sont une arme redoutable pour les nouveaux groupes, qui les utilisent comme outil de promotion gratuit. Ainsi, ces originaires de Lappeenranta s’y sont fait une bonne place, mais pas suffisamment pour que je remarque cet album le mois de sa sortie. C’est donc avec pas mal de retard que j’attaque l’analyse de ce A Lifetime Spent on Dying, mais le temps perdu n’a en rien gâché le plaisir de la découverte.

Faussement présentés par la bible The Metal Archives comme un énième combo Metalcore, les HARMS évolueraient plutôt dans un créneau de Hardcore légèrement Post sur les bords, mais méchamment sombre au milieu. Déjà auteurs d’une première démo il y a quelques années, les finlandais ont donc mis leur créativité à contribution, pour pondre neuf morceaux aussi cohérents que différents. Usant d’une trame classique d’opposition lourdeur/chaos, HARMS ne se distingue pas vraiment de la masse occupant son créneau par son originalité, mais plutôt par son énergie et sa volonté de créer des textures émotionnelles tangibles.

On se sent parfois proche d’un univers commun aux TENGIL et à NEUROSIS, le chant étant souvent proche d’une version juvénile de Scott Kelly, et la lourdeur de certains plans n’étant pas sans évoquer la fureur larvée des américains. Mais les nombreuses mélodies, les transitions coulées appartiennent décidément à la scène Post la plus éthique, ce qui nous donne un Blackened Post-Hardcore fameux en oreilles, et drivé par une colère incroyablement compressée.

« Dusk » donne d’ailleurs le ton dès le départ, avec ses notes de claviers amères et son riff principal déboulant de l’ombre des siècles. La pression et mise, mais le morceau évolue rapidement vers un mid-tempo plus léger, mais pas moins haineux pour autant. Sur une mise en scène classique, les finlandais brodent une intrigue personnelle, utilise des motifs harmoniques très Metal dans les tierces, mais posent les jalons d’un Hardcore en torrent de blasts dès que l’occasion leur est donnée. Formel, l’album dispose pourtant d’un charme certain, un charme certes sombre et parfois nauséeux, mais de ceux qui enivrent les sens en nous attirant vers l’obscurité de l’existence.

Et « Deeper into Darkness » le prouve d’ailleurs de son titre, mais aussi de son beat énorme et frappé à la blanche lourde de sens. La voix, dédoublée pour accentuer le malaise permet aux guitares de se livrer à un jeu de dupes inter-styles, provoquant le Hardcore de Brooklyn, le Doom de Birmingham, la NOLA de la Nouvelle-Orléans, pour un mélange certes lourd à l’âme, mais délicat. Les cinq musiciens ont d’ailleurs un don certain pour brouiller les pistes et se montrer catchy lorsque l’humeur le réclame, et placent des riffs qui rentrent dans le crâne comme des idées noires.

Morceaux courts mais lapidaires, contenant toujours une ou deux idées porteuses généreuses, emphase mise sur l’intensité et la versatilité, pour des breaks tombant comme des couperets ou des mauvaises nouvelles. « Black », très loin de la nostalgie de PEARL JAM jouerait plutôt le NYHC adapté vingt-et-unième siècle, tandis que « Finite » explore les confins de la pesanteur pour nous aspirer dans un vortex de ressentiment en Doom/ Sludge majeur.

Vous l’aurez donc compris, les HARMS n’ont pas choisi ce titre par hasard, et nous racontent une courte vie de souffrances, de regrets, de doutes, de douleurs intérieures et d’agressions extérieures, comme si ce trajet entre le berceau et la tombe n’était qu’un chemin de croix, ou une longue route avant le repos. Entre ces boucles mélodiques concentriques typiques du Post-Hardcore classique, cette alternance de violence qui se matérialise selon les besoins, cet interlude Ambient glauque et grandiloquent qu’est « Towards the Sixth End » (encore une fois, merci à NEUROSIS et ses traumas), ces passages soudainement fluides et totalement Metal (« The Sixth End »), HARMS propose de la douleur, c’est irréfutable, mais aussi de bonnes raisons de s’enthousiasmer pour sa musique.

Il faut évidemment préférer son Hardcore lent et douloureux, mais entre les pulsions de « Aurora » et ses cordes émergeant du brouillard pour annoncer une quiétude inattendue, et le final orgiaque et compressé de « Ventures in Sorrow », A Lifetime Spent on Dying s’incarne en candidat sérieux pour les tops de fin d’année, version Hardcore évidemment.

Un disque en noire passion, une musique sous pression, pour une lucidité nécessaire pour affronter le quotidien. Je conviens que tout ça peut être douloureux, mais la vie ne l’est-elle pas ?

                                                                                                                                                                                                

Titres de l’album:

01. Dusk

02. Deeper into Darkness

03. Black

04. Finite

05. Towards the Sixth End

06. The Sixth End

07. Inherit a Void

08. Aurora

09. Ventures in Sorrow


Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 16/07/2022 à 17:31
80 %    577

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Winter Rising Fest 2024

Simony 20/11/2024

Live Report

Mars Red Sky + Robot Orchestra

mortne2001 17/11/2024

Live Report

Benighted + Anesys

mortne2001 02/11/2024

Live Report

Dool + Hangman's Chair

RBD 25/10/2024

Live Report

Rendez-vous

RBD 21/10/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Simony

Oui j'ai mes commentaires qui se mettent en double des fois....   

21/11/2024, 09:20

Orphan

"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)

21/11/2024, 08:46

Jus de cadavre

Est-ce qu'ils seront au Anthems Of Steel 2025 ? Pardon Simo   

20/11/2024, 22:29

Simony

Et ils seront au Anthems Of Steel 2025 !

20/11/2024, 17:30

Simony

Et ils seront au Anthems Of Steel 2025 !

20/11/2024, 17:30

Saul D

La relève de Manowar ( vu le look sur la photo)?

20/11/2024, 14:08

Tourista

Quand on se souvient du petit son des années 80...  Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique.   C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure. 

19/11/2024, 21:57

Jus de cadavre

Album jouissif ! Le pied du début à la fin !

15/11/2024, 17:19

MorbidOM

J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)

15/11/2024, 09:51

MorbidOM

@Gargan : ils n'ont pas pu jouer l'année dernière 

15/11/2024, 08:01

Gargan

Oh purée les « clins d’œil » au Hellfest et à Glaciation  

15/11/2024, 07:18

Gargan

Encore Magma!

14/11/2024, 20:20

Tourista

Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément.  (...)

14/11/2024, 09:20

Humungus

Ca c'est de la pochette !

13/11/2024, 09:18

Tourista

Ben voyons. Le mec qui planque des jetons sous la table !

12/11/2024, 17:51

Gargan

QUADRICOLOR 

12/11/2024, 13:23

Humungus

Pas mieux.3 lettres : ÂME.

12/11/2024, 11:14

Tourista

5 lettres : MAUVE. 

12/11/2024, 06:50

Buck Dancer

J'imagine que c'est sans Alex Newport, donc, pour moi, zéro intérêt cette reformation.

11/11/2024, 16:15

Humungus

NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)

11/11/2024, 10:09