Faute avouée à moitié pardonnée, et c’est donc en toute franchise que j’admets être totalement passé à côté du comeback inespéré des américains de SIREN en 2020. Cette faute aurait d’ailleurs pu être évitée puisque le groupe de Brandon en Floride était connu de mes services depuis les années 80, en grande partie à cause de l’album Financial Suicide, paru sur le mythique label allemand Aaarrg Records. Certes, j’en conviens, SIREN n’a jamais joué les premiers rôles, et sa présence dans cette célèbre écurie dirigée par Ralph Hubert était quelque peu éclipsée par les stars nationales comme MEKONG DELTA, LIVING DEATH, ou autres TARGET et HOLY MOSES. Le style assez bâtard du combo américain n’a certainement pas contribué à faire de lui un sérieux espoir de la scène, malgré une indéniable originalité.
Je n’emmétrai donc pas de jugement sur Back from the Dead, ce fameux album des réconciliations, et d’ailleurs, son titre en disait suffisamment long sur sa philosophie. Considérons le comme une remise en état indispensable pour affronter ce nouveau siècle, et attardons-nous plutôt sur A Mercenary’s Fate, à la pochette sublime et au contenu plus qu’intéressant.
A Mercenary’s Fate, album du présent, fait pourtant référence au passé, et plus précisément au premier single du groupe, sorti en 1984, « Metro-Mercenary ». Et au rayon de la nostalgie, nous pouvons aussi souligner que le quintet a retravaillé pour la première fois avec son vieil ami producteur Jim Morris, qui a offert à SIREN un mixage et un mastering au légendaire Morrisound Recording de Tampa en Floride, qui a accouché d’une grosse portée Death et Thrash à la grande époque. Le son est donc performant, rond, précis, l’approche pas si rétrograde que ça, même si le Heavy Metal épique de la première moitié des eighties se taille la part du lion.
Mais alors, que dire de ce mercenaire qui a l’air en fâcheuse posture sur la pochette de ce quatrième longue-durée ? Qu’il connaît son boulot, qu’il ne rate jamais sa cible, et qu’il ne gâche jamais une balle pour rien. Dans un registre de Heavy à tendance progressive, SIREN continue de creuser les sillons de son retour, et nous entraîne dans une histoire assez passionnante, qu’on pourrait penser imaginée conjointement par LIZZY BORDEN et RUSH.
J’exagère un peu les extrêmes pour provoquer votre curiosité, mais il est certain que le Heavy lyrique et le Progressif humble se tirent la bourre tout au long de ces cinquante-trois minutes. Et si les variations sur un même thème tiennent parfois de la redondance, si le chant si particulier de Doug Lee (ex-MEKONG DELTA, je le rappelle pour mémoire) peut irriter les allergiques aux intonations nasillardes, si la rythmique suit souvent le même pattern, on accepte quand même de suivre cette aventure, séduit par cette passion et cette franchise de ton.
Difficile dès lors de repérer un hit au milieu de tous ces titres, mais c’est justement l’homogénéité de cet album qui fait sa force. Loin de se disperser, le groupe se concentre sur son propos du début à la fin, se permet quelques arrangements ludiques (notamment sur le très efficace « A Mercenary’s Fate », title-track plein de noblesse, et truffé de chœurs, de soli séduisants et de boucles de basse concentriques), et n’accepte le legs Progressif qu’en termes d’évolution de construction et de subtiles prouesses techniques.
On tient alors un album solide de bout en bout, certes, légèrement monolithique, mais efficace en diable, et suffisamment crédible pour ne pas entacher la réputation du quintet. Un line-up qui peut se reposer sur les lauriers de quatre membres historiques de la formation, dont le guitariste Hal Dunn (1980-1983, 2016-présent), le batteur Ed Aborn (1981-1982, 1984-1986, 2016-présent), le chanteur Doug Lee donc (1982-1990, 2016-présent) et dans une moindre mesure, le bassiste Gregg Culbertson (1985-1987, 2018-présent). Le petit nouveau Todd Grubbs, présent depuis la reformation s’est parfaitement bien intégré, et de temps à autres, ce quatrième tome à un parfum KING DIAMOND assez prononcé, sans les errances lyriques de King Diamond et ses hurlements à percer le cœur des vampires.
Heavy Metal souvent à la limite du Power, et parfois même proche du Thrash (« One Man’s Fight »), travaillant ses ambiances et plaquant des riffs accrocheurs tirant sur le Hard-Rock plus consensuel (« Welcome to the Grave »), pour un second retour parmi les vivants. Et SIREN est plus vivant que jamais, même si la tonalité de ses compositions semble trop uniforme pour vraiment convaincre. Il faut attendre la fin de l’album et l’épilogue « Prologue to Redemption » pour que le décor change un peu, et que l’atmosphère devienne plus respirable.
Toutefois, A Mercenary’s Fate reste une œuvre solide et tout à fait crédible. Après tout, SIREN n’a jamais été une tête de série, et se contente avec modestie d’une seconde division très confortable. C’est parfois tout ce qu’on attend d’artistes lucides et conscients de leurs moyens.
Titres de l’album :
01. Soul Breaker
02. City of Lost Souls
03. Dead Eyes Lying in the Rain
04. Slaughterbots
05. Queen of Sin
06. A Mercenary’s Fate
07. One Man’s Fight
08. Revenge of the Bastards
09. I Am the Wolf
10. Welcome to the Grave
11. Prologue to Redemption
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