Il est parfois amusant de constater que les chroniqueurs du monde entier sont spirituellement reliés. Alors que j’écoutais pour la seconde fois A Monument to the Dead des américains de COFFIN ROT, je savais déjà comment entamer ma chronique. Et en parcourant les avis laissés par des confrères sur la toile, je me suis aperçu qu’un homologue avait choisi la même approche que moi…Dommage, mais qu’à cela ne tienne, je garderai ma ligne de conduite et mon entame. En vous disant que cette bande de sauvages pratique un Death Metal à l’ancienne et qu’ils viennent de Portland, Oregon, j’en ai déjà dit suffisamment. En effet, la scène locale semble l’épicentre d’une vague de nostalgie qui n’en peut plus d’inonder nos côtes auditives, et ce premier LP ne semble avoir qu’une seule vocation. Asseoir la réputation d’une ville branchée sur les égouts, à l’image de Tampa, Stockholm dans les années 80/90, ou Venice dans un autre créneau. Vous savez donc immédiatement de quoi je veux parler, de ce son si profond, de cette ambiance putride, de cette optique résolument passéiste mais passionnée, et de cette troisième ou quatrième NWOADM (New Wave of American Death Metal). Et cette nouvelle vague semble avoir retenu les leçons des tempêtes suédoises de l’orée des nineties, puisque COFFIN ROT signe avec A Monument to the Dead le plus bel hommage aux modèles suédois de l’explosion des studios Sunlight. Fondé en 2017, ce collectif hirsute aux t-shirts qui en disent long (Hayden Johnson: chant, Tre Guertner: guitare, Brandon Martinez-Woodall: basse et Derek Johnson: batterie) a commencé sa carrière comme n’importe quel groupe lambda, avec force démos et autres formats partagés, osant le split avec MOLDER, Illinois, avant de jeter en pâture une compilation un peu branque constituée de leurs deux maquettes et de quelques titres live. C’est donc très logiquement qu’ils ont franchi l’étape suivante, celle du longue-durée, se voyant offrir le soutien de deux labels underground majeurs, Rotten Life Records aux USA, et Blood Harvest pour l’Europe.
Dans les faits, A Monument to the Dead n’est pas grand-chose de plus qu’une démarque habile des premiers jets scandinaves morbides. On sent à chaque riff l’importance des GRAVE, la prépondérance gelée du ENTOMBED période NIHILIST, mais on remarque aussi un traitement prenant en compte l’héritage national, avec cette lourdeur moite à la AUTOPSY, ainsi que quelques clins d’œil appuyés en direction de la Hollande des ASPHYX. Soit la quintessence de tout ce que le Death Metal a pu proposer de confiné, de glauque, de suintant, le tout emballé dans une production étonnamment claire et ronde. On peut en effet sentir toutes les impulsions dans une luxuriance de détails qui prennent à la gorge, la rythmique disposant d’une assise confortable pour égrener ses coups de sang et ses écrasements éléphantesques. Techniquement parlant, rien de bien neuf sous le soleil. Les morceaux semblent s’ingénier à s’extirper de la tombe d’un passé pas du tout révolu, proposant une somme conséquente d’idées cohérentes articulées autour d’un seul concept. Le rigorisme de la cruauté, l’exactitude de la barbarie, la préciosité de la violence, pour un manifeste de pureté qui n’est rien d’autre que l’apanage des plus grands. Des plus grand suiveurs bien sûr, encore faut-il avoir les qualités de ses ambitions lorsqu’on souhaite reproduire un son à l’identique. Ce talent, les originaires de Portland l’ont, et en font montre tout au long des trente-deux minutes de ce premier long, qui n’a de cesse d’humer l’air fétide d’un Death profondément ancré dans les traditions, mais qui trouve ici un éclairage blafard très personnel à défaut d’être inédit.
Factuellement, A Monument to the Dead est un monument de perfection. En fermant les yeux, il n’est pas difficile de croire que l’album a été enregistré il y a presque trente ans, et ressorti des cartons par je ne sais quel ingénieur du son un peu plus fouineur qu’il ne devrait. Car « Copremesis », le morceau d’entame, fait partie de ces mises en jambes qui ne prennent personne en traître et qui annoncent la couleur. Cette couleur passée, datée entre 1990 et 1992, avec intro grouillante découlant sur une explosion de riffs macabres, soudainement transcendés par une rythmique raisonnable qui explose soudainement en gerbes de blasts. La voix de Hayden Johnson est de celles qui marquent les esprits, légèrement étouffée, mais incroyablement sourde et mixée en arrière-plan, tandis que la guitare de Tre Guertner mouline ses litanies funèbres aux avant-postes. Soulignons d’ailleurs le travail du guitariste qui ne craint jamais d’être plus catchy que ses homologues, et qui confère à l’œuvre un groove indéniable. Il est épaulé en cette tâche par le boulot de Derek Johnson au kit, qui semble avoir assimilé tous les plans les plus symptomatiques du genre, pour les assaisonner à sa convenance. Accélérations, breaks fumant, écrasements qui tassent la colonne vertébrale, tout y passe, et avec un brio qui décontenance, pour une avancée en terre profane. Adeptes du respect des convenances, les COFFIN ROT repassent leur linceul pour qu’il brille dans la brume de leur inspiration macabre, tergiversent entre attaques éclair et puissantes (« Saw Blade Suicide », « Necrotized », des modèles de Death instinctif et épidermique), et longs développements en notice nécrologique lue avec attention (« Forced Self-Consumption », une belle synthèse des courants en vogue dans les années 89/93). Evidemment, pas de place aux faux-pas en à peine plus d’une demi-heure, mais même en format condensé les américains arrivent à convaincre, en variant les atmosphères et en proposant plus de riffs que n’importe lequel de leur concurrent.
Les esprits chafouins et autres esthètes de l’inédit crieront à la supercherie d’une photocopie laser certes parfaite, mais Ô combien stérile, alors que les amateurs les plus chevronnés reconnaîtront là le travail incroyable d’un quatuor de passionnés. Des passionnés qui aiment cavaler (« Mechanical Separation », plus gluant que ce riff, c’est un bout de cervelle sous la semelle), et dont le travail d’inhumation est mené avec application, comme le démontre le final/hymne « Coffin Rot » qui empeste l’embaumement trop tardif et les chairs nécrosées (et encore une fois, un riff plus groovy qu’une varlope qui transperce un thorax). Alors oui, Portland, Oregon. Nous sommes des centaines à avoir compris l’appellation, et à en utiliser les codes pour souligner la perfection. So what ?
Titres de l’album :
01. Copremesis
02. Saw Blade Suicide
03. Miasma of Barbarity
04. Forced Self-Consumption
05. Necrotized
06. Incubation of Madness
07. Mechanical Separation
08. Coffin Rot
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
19/11/2024, 21:57
J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
15/11/2024, 09:51
Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
14/11/2024, 09:20
J'imagine que c'est sans Alex Newport, donc, pour moi, zéro intérêt cette reformation.
11/11/2024, 16:15