Dans les années 80, tout du moins à l’orée de notre apprentissage du Heavy Metal, nous n’avions cure (du moins pour la plupart d’entre nous) d’une quelconque forme d’originalité. Ce que nous souhaitions par-dessus tout, c’était entendre des guitares rugissantes, des rythmiques tonitruantes, un chant lyrique et puissant, et des compositions qui faisaient trembler nos murs, mais aussi ceux des voisins. Pour beaucoup, l’aventure a commencé avec SAXON, IRON MAIDEN, JUDAS PRIEST, AC/DC, des groupes qui appliquaient la même recette à chaque fois, mais qui nous touchaient systématiquement en plein cœur. Enfants des années 80, nous n’avions pas connu le ZEP, ni RAINBOW, pas forcément le WHITESNAKE blues, et nous n’avions pas grande fascination pour la génération précédente glorifiant des disques fatigués par la nouvelle mode, et déjà usés avant d’avoir été écoutés. Le parangon de cette méthode d’efficacité sur la singularité portait un nom, et avait lui-même usé ses cordes vocales dans deux groupes légendaires avant de s’envoler de son propre chef. Un petit brun à l’air pas commode, fasciné par le mysticisme des dragons et des chevaliers, et dont chaque disque sonnait comme une redite complète du précédent. Mais je ne vais ni mentir ni jouer les esthètes, j’ai moi aussi allègrement écouté les albums de ce petit troll frisotté. J’ai par exemple adoré Sacred Heart, avant de découvrir la magie grandiloquente de Holy Diver ou Last in Line. Plus âgé et plus exigeant, j’ai plongé mon cœur sacré dans les enregistrements de RAINBOW, et dévoré le Heaven and Hell du SABBATH. Et DIO, puisqu’il faut bien le nommer, fut le parangon d’un Heavy Metal lyrique et emphatique, de ceux qui vous fédèrent un jour jusqu’à la fin de votre existence. Et si le regretté chanteur devait adouber aujourd’hui un groupe se sevrant de ses enseignements, gageons qu’il abaisserait son épée sur les épaules des trois chevaliers de THE FERRYMEN.
Je semble réduire ici un concept à l’une de ses composantes, mais l’analogie n’est pas dénuée de fond pour autant. Car depuis 2017, l’assemblée THE FERRYMEN semble mettre un point d’honneur à retrouver les sensations éprouvées dans les années 80, lorsque le Heavy se devait d’être efficace et puissant, et non innovant. Cette association de bienfaiteurs n’a jamais cherché la petite bête, et se repose depuis deux albums sur des acquis solides, tout en proposant une musique racée. Bien sûr, le trio est beaucoup plus violent et condensé que ne l’a jamais été Ronnie James, mais il est impossible de ne pas voir en son lyrisme un démarcage sincère des théories chevaleresques autrefois prônées par le plus grand chanteur de Heavy Metal de tous les temps (dixit la légende du Grall, parfois vraie). Alors, pour les néophytes ne suivant pas l’actualité Frontiers de près, qui sont donc ces trois instrumentistes aux bagages lourds comme une enclume et au CV aussi chargé que le casier d’un édile corrompu ? Simple, Ronnie Romero au chant (RAINBOW, WALTER GIARDINO TEMPLE, ERIDAN (live), ex-ARIA INFERNO, ex-LORDS OF BLACK, ex-JOSE RUBIO'S NOVA ERA, ex-SANTELMO, ex-VOCES DEL ROCK), Magnus Karlsson à la guitare et à la basse (KISKE / SOMERVILLE, MAGNUS KARLSSON'S FREE FALL, PRIMAL FEAR, THE CODEX, PLANET ALLIANCE, ex-LAST TRIBE, ex-MIDNIGHT SUN, STARBREAKER, ex-ALLEN - LANDE, ex-BOB CATLEY, ex-SCHEEPERS) et Mike Terrana à la batterie (AVALANCH, EMPIRE, KREYSON, RAZORBACK, VISION DIVINE, ZILLION, ROLAND GRAPOW, ex-HANOVER, ex-ZILLION, BEAU NASTY, TABOO VOODOO, TERRANA, ex-ARTENSION, ex-AXEL RUDI PELL, ex-DOWNHELL, ex-EMIR HOT, ex-MASTERPLAN, ex-NOT FRAGILE, ex-RAGE, ex-SQUEALER, ex-TARJA, ex-TONY MACALPINE, ex-YNGWIE J. MALMSTEEN, ex-GAMMA RAY, et je résume…), soit la quintessence d’un Heavy Metal mondial qui n’admet pas plus de frontières que de dilution Fusion. De là à déclarer que leur travail s’adresse à des passéistes incapables de s’adapter à leur propre époque ? Mesquin, mais en partie vrai, puisque la musique de ce groupe cosmopolite s’adresse plus volontiers aux fans de Metal de tradition qu’à des adeptes de la recherche musicale.
Est-ce pour autant qu’on est en droit de les ranger dans la petite case de la nostalgie à tout prix ? Non, car aussi consensuelle et rétrograde soit leur approche, leurs morceaux ont cette noblesse des grands compositeurs des années 80, mais aussi la solidité hors norme des forgerons des années 90. Impossible à l’écoute de ce deuxième LP de ne pas se dire que le Metal à l’allemande a encore de beaux jours devant lui, à condition qu’il accepte les modulations mélodiques plus typiquement anglaises. Et dans le fond et la forme, A New Evil pourrait être la transposition personnelle des vues de RAINBOW, traduites dans un langage plus dur, mais tout aussi fédérateur. A l’écoute de ces onze nouveaux morceaux, on pense bien sûr à PRIMAL FEAR, mais aussi à Jorn LANDE, tout en acceptant que les soli de Magnus Karlsson doivent beaucoup à l’école de dépassement de vitesse créée par l’impétueux Malmsteen il y a bientôt quarante ans. Et avec un cador de la trempe de Terrana au kit (le batteur qu’il vous faut si la crédibilité Heavy vous importe plus qu’autre chose), et un chanteur flamboyant de l’envergure de Ronnie Romero, le mariage RAINBOW, DIO, PRIMAL FEAR, JUDAS PRIEST fonctionne à plein régime. Plus poussé que l’éponyme début, A New Evil plonge les mains dans le cambouis et le regard dans le rétro, et nous inonde d’hymnes que les eighties auraient acclamés des deux bras cloutés, sans pour autant tomber dans la vulgarité et le populisme d’un Metal trop vulgaire. Les plans et tactiques sont exposés clairement dès le virevoltant « Don't Stand In My Way », hybride d’un HELLOWEEN durci et d’un RUNNING WILD expurgé de ses scories, et « Bring Me Home » d’exposer la facette la plus emphatique et progressive d‘un trio qui a les capacités de ses ambitions. Difficile dans ce cas précis de ne pas penser au DIO le plus envoutant, avec ce mid-tempo lourd et appuyé d’une basse empesée, et cette voix qui appuie chaque fin de syllabe comme si le texte émanait d’une ancienne chanson de geste. Mais aussi classique puisse être ce second album, il n’en garde pas moins le port altier et la noblesse des plus grandes œuvres du Heavy Metal traditionnel. Et c’est tout ce qu’on lui demande.
Pas vraiment de surprise, puisque tous les morceaux restent attachés à des valeurs connues. Et que l’accroche soit syncopée et mélodique (« No Matter How Hard We Fall », qui rappelle légèrement BONFIRE), ou plus sensible et harmonieuse (« Heartbeat », une ballade qui fait du bien au milieu de ce déversement de violence), tout sonne juste, pro, carré, un peu trop parfois, mais c’est toujours le cas lorsque des musiciens au background si chargé se remettent aux affaires ensemble. Un bon moyen pour la jeune génération de retrouver l’impulsion originelle, celle qui nous a un jour transformés de simples adolescents en défenseurs d’une cause juste.
Titres de l’album :
01. Don't Stand In My Way
02. Bring Me Home
03. A New Evil
04. The Night People Rise
05. Save Your Prayers
06. Heartbeat
07. Your Own Hero
08. No Matter How Hard We Fall
09. My Dearest Fear
10. You Against The World
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