On aurait beau jeu de considérer le Thrash allemand comme l’exutoire ultime d’une brutalité débridée sans queue ni tête, dont les émanations sonores se plaisent à reproduire les bruitages d’une sidérurgie nationale tournant à plein régime. S’il est certain que la première moitié des années 80 confortait ce jugement au travers des exactions des séminaux SODOM, KREATOR, DEATHROW et consorts, la donne a depuis changé, et on trouve même trace de ce radicalisme dans la pseudo-nuance américaine, qui a depuis adopté les postures d’outre Rhin, histoire de s’accorder un nouveau souffle. A contrario, les acteurs les plus présents de la scène allemande ont au contraire nuancé leur propos, et offert des approches plus modulées, mais toujours aussi violentes et persuasives dans le fond. Un nouvel exemple nous en est donné par les EMPIRESFALL, qui avec leur second album viennent d’accoucher d’un constat définitif sur la violence contemporaine, par le biais le plus franc qui soit. On les connaissait déjà par l’entremise de leur premier longue-durée, ce Riot qui ne faisait pas grand cas de son formalisme, mais les hambourgeois nous démontrent aujourd’hui qu’ils n’ont pas l’intention de calmer le jeu. Pour être honnête, et en tant que Thrash addict revendiqué, je me dois d’affirmer que ce A Piece to the Blind, sans bousculer l’ordre établi de références définies est un modèle du genre, et un petit chef d’œuvre en soit, considérant la déferlante passée de combos rompus à l’exercice de la nostalgie, et la pauvreté ambiante nous faisant traquer le moindre produit estampillé « pur Thrash ». L’époque est à la parcimonie, et la découverte d’un album aussi furieux que complet est toujours une excellente surprise, même si le dit album joue lui aussi la carte de l’épure, s’arrêtant pile au timing d’un Reign In Blood, pourtant jugé en son temps un poil trop court.
Mais lorsqu’on sait placer en temps et en heure les bons arguments, inutile de radoter ou gloser. Et en huit morceaux, le quatuor (Franky - guitare/chant, Mad - guitare, Dennis - basse, et Nico - batterie) qui n’a pas changé depuis les origines s’obstine à courir dans la bonne direction, ne négligeant pas les quelques finesses inhérentes à tout produit compétitif, sans pour autant moduler sa colère qui s’articule autour de rythmiques appuyées et de riffs concernés. On sent bien évidemment des influences inévitables, celles de DEATHROW dont le quartet se rapproche en plus d’une occasion, mais aussi celle de PANIC, l’ombre d’EXODUS lorsque le tempo fléchit, la paternité des RECIPIENTS OF DEATH mâtinée d’une éducation à la RIGOR MORTIS, conférant un doux parfum de folie à l’ensemble, mais le tout est joué avec une telle énergie qu’on en vient à faire abstraction de tous les parallèles. Rarement album se sera montré aussi convaincant dans sa furie en course en avant, et chaque morceau, bien que construit sur un moule précis déverse son torrent de haine sans se soucier d’une quelconque variété de ton. Ici, c’est l’option « bloc » qui prime, celle qui animait l’esprit des travaux les plus définitifs de la scène européenne des 80’s, qui trouve un écho remarquable dans cette manifestation de furie totalement sous contrôle. On retrouve les tempi épileptiques de Raging Steel, la folie rythmique mouvante de Terrible Certainty, mais aussi une touche plus contemporaine, magnifiée par une production réaliste signée par Jörg Uken (SUICIDAL ANGELS, ANVIL, SINISTER, GOD DETHRONED), qui a su tirer le meilleur parti de cette énergie de tous les diables. Et croyez-moi, les diablotins du jour ne sont pas du genre à jouer les petits malins.
En occultant l’intro délicatement mélodique et très influencée par TESTAMENT « The Descendant », un peu cheveu sur la soupe et certainement destinée à nous prendre par surprise, Piece to the Blind est une boucherie fatale non dénuée d’intelligence, qui alterne avec bonheur les tempi pour ne pas trop nous offusquer et risquer un classement anecdotique au rayon « nostalgie épidermique ». Ainsi, si « Betrayers » joue l’ambivalence d’un Heavy Thrash vraiment corsé et dynamité par un up tempo échevelé, c’est pour mieux nous persuader du caractère frondeur d’une paire de guitaristes qui n’ont pas les riffs dans leurs poches. Véritable hymne en puissance, ce morceau nous bascule dans le passé, à l’époque où EXODUS commençait à durcir le ton pour mieux imposer le fond, et nous convainc de sa puissance sans forcer, mais en adaptant les standards modulés des CHANNEL ZERO dans un contexte purement PANIC. On reste bluffé par tant d’assurance et de métier, mais on n’a pas vraiment le temps de réaliser, puisque le lapidaire « In Decay », nous fauche de sa vélocité, sublimée par des attaques de guitares aussi franches qu’un « fuck you » asséné par un Mille Petrozza déchaîné. C’est brutal, extrêmement rapide, et ça aplanit la folie initiale des VIKING pour la transformer en vocable compréhensible par les plus pointilleux de la précision rythmique. « Blood From The Sky » ne change pas son bazooka d’épaule, malgré quelques digressions plus fines que d’ordinaire. Et c’est dans cette clairvoyance d’arrangements qu’on reconnaît les meilleurs compositeurs, ceux qui n’ont pas peur de juxtaposer l’indécence d’une cruauté rythmique à la douceur de mélodies cryptiques. Tout s’enchaîne avec une fluidité foudroyante, et les minutes passent, nous laissant hagards de tant de facilité, jusqu’à ce que « Wasteland » joue le jeu d’un MOTORHEAD plongé dans les affres de la SWOATM (Second Wave of American Thrash Metal), et que « Enemy Of Mine » ne repousse encore un peu plus les limites de la dualité, en nous offrant l’une des progressions les plus poussées en moins de deux minutes tassées.
Ambivalence dans la violence, et ambitions en fanions, EMPIRESFALL n’a retenu de l’extrême que sa quintessence, et accumule les moments de bravoure pour signer l’un des LP les plus définitifs de cette entame d’année, sans vraiment chercher à s’éloigner des canons les plus établis du genre. On reste subjugué par cet investissement qui jamais ne se dément, et le headbanging si recherché atteint ici une apogée, la puissance semblant couler de tous les sillons de cet album vraiment enragé. Aussi symptomatique de la vague allemande d’époque que de l’esthétisme ricain en vogue, Piece to the Blind est une tonne de briques qu’on se mange en pleine face, et qui nous laisse au sol, grimaçant de douleur et de plaisir. Un manifeste qui rend le Heavy so thrashy et qui thrashe le Heavy, pour une combinaison fatale. Alors certes, vingt-huit minutes, c’est court, très court. Mais lorsqu’on a tout dit, et brillamment exposé, inutile de s’éterniser. C’est un peu la leçon à tirer d’un album aussi précieux qu’irrévérencieux.
Titres de l'album:
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
19/11/2024, 21:57
J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
15/11/2024, 09:51
Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
14/11/2024, 09:20
J'imagine que c'est sans Alex Newport, donc, pour moi, zéro intérêt cette reformation.
11/11/2024, 16:15
NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
11/11/2024, 10:09