Les parcs d’attractions c’est super rigolo. Des grands-huit, des manèges à sensation, des enfants qui rient et mangent des bonbons, une mécanique du divertissement si bien huilée que les accidents sont rares. Entendez par accident, des déceptions. On a rarement vu sortir des bambins avec l’air chafouin, déçus que leur hamburger/frites à vingt balles ait eu un goût de moisi ou que leur héros velu leur ait refusé le bisou promis. Cette industrie de l’amusement répond aux mêmes exigences que n’importe quel commerce, avec sa loi de rentabilité, ses codes de non-divulgation, et son respect du rêve, quitte à se cacher derrière les buissons pour pouvoir bouffer à la hâte un truc en carton sans aucun goût. Mais vous êtes-vous déjà demandé ce qui s’y passe une fois les lumières éteintes et les grilles fermées ? Prenons un exemple concret. Une fois enlevés les uniformes et retirés les costume de M. de B.N, de D., de la B au B. D. ou de la M. S., à quels plaisirs coupables s’adonnent les employés, frustrés d’avoir eu à sourire faussement toute la journée pour que le petit Jayson et la petit Jaynifer repartent avec des rêves plein la tête et de l’argent en moins sur le compte de papa ? Simple, ils attendent, tapis, reclus, que quelqu’un vienne les libérer de leur prison d’entertainment à tout prix, et que la nuit s’illumine d’accords plaqués, de Rock N’Roll plombé et de hurlements à faire remonter les boules de B. par les narines. Et c’est à ce moment-là que les D.A.D rentrent en jeu, sortant leurs guitares de leur flight-case, installant la batterie près du château de C., et branchant les micros sur la gégène pendant que les salariés font le guet pour ne pas se faire choper. Pensez-donc, ça fait trente ans que les zigues connaissent leur boulot et viennent animer presque gratos le quotidien de ces cirques du fun à cent balles, alors pas la peine de s’inquiéter, ils connaissent leur boulot. Tellement qu’ils affichent aujourd’hui un douzième poster d’employé du mois qui va rejoindre les onze autres. A Prayer for the Loud, j’achète, et pas seulement parce que je sais exactement ce qui m’attend.
D.A.D, c’est évidemment le véhicule des frangins Binzer, ces danois qui au départ se sentaient encore trop Country et Punk pour s’adonner aux joies d’un Rock dopé. Ils sont toujours là, accrochés à leur guitare, avec l’ami lunaire Stig Pedersen et sa basse fusée à deux cordes, et depuis 1998, Laust Sonne à la batterie. Soit un line-up quasiment inchangé depuis les plus grandes années, celles qui avaient intronisé des albums comme No Fuel Left For The Pilgrims ou Riskin’ it All au somment du firmament des cimes du Hard Rock décomplexé, mais méchamment addictif. Un peu à la manière du CULT qui passait d’un Deathrock à un peu Rock des seventies, les D.A.D ont troqué leur hoquet de bouseux danois contre une distorsion de bon aloi, pour partir à la conquête des fans d’amplification via des œuvres leur étant pleinement destinées. Et si le grand public les a un peu lâchés depuis les années 90, ça n’a pas empêché les fouteurs de merde de continuer leur carrière, plus localement peut-être, plus discrètement, mais avec la même passion. Ils sont toujours prophètes en leur pays, ont toujours cet humour un peu provoc’ qui leur colle à la peau (et les deux se rejoignent souvent, notamment lorsque Dic.nii.lan.daft.erd.ark, pied de nez phonétique à leur ancien bourreau de tribunal a atteint la seconde place des charts danois), et se montrent aussi pertinents et branleurs en 2019 qu’ils ne l’étaient déjà en 1986. Tiens, d’ailleurs, ce dernier né au titre si bien pesé, il tient presque la comparaison avec leurs meilleures blagues, offrant une méchante dose de Rock N’Roll aux fans qui en demandent tant, et qui en ont marre des déviances et autres travestissements de leur musique préféré. Avec les quatre danois, pas de surprise, le Hard Rock à la AC/DC, KIX et tous les autres sauteurs australs ou pas est toujours roi, et ce douzième pavé ne fait pas exception à la règle. Alors oui, l’intensité a baissé d’un cran, la voix de Jesper a vieilli, le rythme s’est un peu assoupli, mais les riffs sont toujours aussi épais et solides, et l’ensemble tient beaucoup plus debout que n’importe quelle pirouette nostalgique à la mode. Et ce pour une simple et bonne raison. La passion. Et la passion, on ne la trouve pas dans les manuels ou dans la poche d’un musicien de légende. Elle se cache dans les tripes et l’âme. Et justement le dernier D.A.D est un trip de lames.
Pour sûr, ceux qui les connaissent depuis le début et qui ne les ont jamais lâchés, le facteur surprise n’apportera pas de colis avec signature. Moi-même qui ai vaguement accordé crédit à leurs productions récentes (d’une oreille distante, soyons honnête), j’y ai retrouvé tout ce que j’ai toujours aimé dans leur musique. Cette façon de jouer no bullshit, de lâcher des riffs qu’on sifflote en les découvrant pourtant pour la première fois, de construire des Rock songs comme des Pop songs, avec des mélodies prenantes et mémorisables, de plaquer des soli simples mais efficaces, et d’emballer le tout dans un minimum de gimmicks et d’arrangements. Evidemment, pas de hit de la trempe de « Sleeping My Day Away », pas de grosse révélation sur le chemin de Copenhague, mais du plaisir, toujours un maximum de plaisir, et ce, dès « Burning Star », et sa guitare entre éclairs lumineux eighties et grondements sombres légèrement grungy. C’est du binaire carré, qui virevolte moins, mais qui joue plus la nuance. Un peu de picking, des accords qui planent, quelques notes bluesy dans un ciel cramoisi, plus d’émotion liée à l’âge qui avance (« A Prayer For The Loud »), des chœurs en arrière-plan qui donnent le la, et roule ma poule. Mais cette rage qu’on sent lorsque les amplis crachent leur jeunesse, cette rugosité inimitable dans le gosier de Jesper, cette manière d’emmerder le temps qui passe en adoptant des poses d’adolescence, et cette foi indéfectible dans un Rock qui accepte ses origines, qu’elles soient Boogie, Punky, Country ou je ne sais quoi (« Nothing Ever Changes », non, rien ne change et c’est tant mieux, et ça n’est pas le QUO ou Suzy Quatro qui vont les contredire), c’est toujours magique, et plus sensoriel qu’habituel. Car finalement, il n’y a rien de si habituel que ça à jouer un Hard Rock expurgé de toute connotation un peu trop marquée, et il n’y a aucun mal à se tourner vers son passé pour accepter son présent. On appelle ça la raison et la maturité, quoique ces quatre-là resteront à jamais les branleurs qu’on a connu.
Tout est bon sur ce A Prayer for the Loud, pas forcément si loud qu’il ne le promet. L’empreinte est délicatement fifties avec ce surplus d’excès des eighties, et sans replonger dans leurs triomphes passés, les danois font plus que l’effleurer, lorsqu’ils regardent le ciel comme un blues rocker regarde son tour bus (« The Sky Is Made Of Blues »), ou qu’ils s’acceptent tels qu’ils sont sur fond de binaire rempli de bon air (« The Real Me », que les BACKYARD BABIES pourraient leur piquer après minuit). Entre virilité et émotion, entre puissance et nuance, les quatre hurluberlus mettent en avant leurs fêlures, osent des ballades qui sentent bon la confession (« A Drug For The Heart »), mais n’oublient pas d’accélérer le tempo comme un MOTORHEAD de bistrot (« Musical Chairs », un jeu de chaises musicales qui laisse tout le monde debout). Alors, concédons un formalisme qui finalement, rassure et fait du bien (« Happy Days In Hell »), et laissons les plaisirs commerciaux à ceux qui reprennent le train (en marche). Car une fois la nuit tombée, une fois les touristes évaporés, il règne comme une atmosphère de fête mortelle sur les attractions vides des parcs de la tristesse capitaliste. Une fête dont les prémices furent connus alors même qu’en France, M., Q. ou R. n’étaient encore que des initiales incompréhensibles, et qui aujourd’hui continue de plus belle, au Danemark comme ailleurs. Riskin' It All ? Peut-être pas, mais Feastin’ It All sûrement…
Titres de l'album :
01. Burning Star
02. A Prayer For The Loud
03. Nothing Ever Changes
04. The Sky Is Made Of Blues
05. The Real Me
06. No Doubt About It
07. A Drug For The Heart
08. Musical Chairs
09. Time Is A Train
10. Happy Days In Hell
11. If The World Just
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