A Universe From Nothing

Freddy And The Phantom's

24/04/2020

Mighty Music

Dans les années 50, on aimait bien baptiser son groupe du nom d’un leader et de ses accompagnants. Buddy Holly & The Crickets, Cliff Richards & The Shadows, histoire de montrer au public qui était la véritable star de l’affaire. Les années 60 ont vu retomber cette tendance, et les musiciens se sont regroupés autour du mythique « The », qui symbolisait pour eux la notion de groupe. Mais la mode étant cyclique, il fallait se douter qu’un jour cette sympathique figure iconique du héros allait revenir, avec son cortège de sonorités passées, mais pas forcément datées. Et c’est ainsi qu’émergea de Copenhague le sauveur Frederik "Freddy" Schnoor, accompagné de ses fantômes, qui n’ont pas grand-chose à voir avec nos FANTOMES frenchies des 60’s. Plus que l’on croit peut-être, pas en termes d’influence directe, mais bien de passion, celle d’un Rock joué roots, sans fioritures inutiles, sans arrangements autres que ceux des instruments joués sur scène. FREDDY AND THE PHANTOM'S est donc un pur produit de son époque nostalgique, et Mighty Music n’est que trop heureux d’en assurer le soutien. Pour cause, un cinquième album qui célèbre une carrière déjà largement remarquée hors de ses frontières, un long chemin à suivre les pas des aînés, et une certaine tradition nordique pour les sons qui réchauffent même lors des hivers les plus rudes. Cinq albums dont, soit une discographie enviable, avec des chapitres fameux, dont Decline Of The West fut le dernier, en 2017, jusqu’à ce que ce A Universe From Nothing débarque dans les bacs, avec évidemment une sémillante version vinyle pour séduire les esthètes. Cinquième LP donc, mais loin d’être anecdotique, puisque témoignage vivant d’un nouveau virage assumé par la bande, qui non seulement renouvelle son approche musicale, mais aussi son optique littéraire. Loin des passions vintage pour la fumette, l’occulte, les livres de références (Lovecraft, Poe), les studios historiques (la Hammer), les danois ont préféré cette fois-ci s’intéresser de près au monde qui les entoure et qui périclite à vitesse grand V. C’est ainsi que leurs sources ont changé, et leur son aussi.

Concept album pour les FREDDY AND THE PHANTOM'S ? Oui, mais pas n’importe lequel. En proposant un mash-up de mots issus des écrits de Dante et sa Divine Comédie, de Stephen Hawking et sa Brève Histoire du Temps, le tout accompagné d’un constat alarmant sur l’état de notre planète, le groupe s’investit, lutte à sa façon, et change légèrement son axe de vision. Jusqu’à lors, le quatuor (Frederik "Freddy" Schnoor: guitare/chant, Rune René Hansen: batterie/chœurs, Anders Haahr: orgue/claviers/mellotron, et Mads Wilken : basse) était plutôt concerné par les effets du Blues sur le Rock le plus torride, il n’hésite plus à présent à insérer des sonorités Folk, Acid Rock à sa musique, pour se rapprocher de ses convictions. D’ailleurs, Schnoor n’hésite pas à déclarer :

« Pour élaborer cet album, nous n’avons pas hésité à utiliser un champ lexical différent, regardant en avant et en arrière pour trouver notre inspiration. De Bach à BLACK SABBATH, DIO, MASTODON, les RIVAL SONS, pour n’en nommer que quelques-uns, nous indiquaient tous la direction à suivre. Nous avons réalisé que nous avions réussi à trouver notre son, et comme nous n’essayions plus de sonner exactement comme une décennie en particulier, nous sommes devenus hors du temps ».

S’il n’a pas totalement tort, il convient quand même après écoute de moduler quelque peu l’enthousiasme du chanteur. Certes, le rayonnement du groupe est différent, son spectre plus vaste, mais il est impossible de ne pas penser aux seventies, une fois encore, en écoutant les chansons de A Universe From Nothing. Enregistré aux Medley Studios de Copenhague et produit par Ken Rock et le groupe, ce cinquième LP rompt en effet avec la routine bien installé qui permet à chaque entrée de la discographie du quatuor d’être logique et attendue. On y trouve des influences plus larges, et surtout, un son qui s’émancipe quelque peu du Doom Blues que les danois affectionnent tant, puisque des divagations Space Rock sont parvenues à laisser une trace dans la composition. On pense donc au SAB’ évidemment, mais aussi à HAWKWIND, parfois à GRAVEYARD, de temps à autres à la relève Rock des trios Indie estampillés 2K, mais surtout, à un groupe qui a une fois pour toute accepté son talent dans toute sa diversité.

Première crainte eu égard au format : la durée excessive qu’atteignent parfois les concept-albums. Les musiciens, souvent trop inspirés par leur génie s’en remettent à des digressions interminables qu’ils jugent pourtant pertinentes, ce qui n’est absolument pas le cas de cet album. Avec ses trente-huit minutes pour onze morceaux, il a gardé la concision du passé en ligne de mire, et les chansons se montrent aussi fertiles qu’efficaces. Autre interrogation, l’adaptation à cette nouvelle direction, qui aurait pu montrer les danois sous un jour plus ou moins gauche. De ce côté-là, la performance est bluffante tant ils ont phagocyté toutes les influences nécessaires à l’élaboration de l’œuvre. A Universe From Nothing brosse donc le tableau de musiciens totalement à l’aise avec leur répertoire, ce que l’on sent dès l’ouverture de « First Blood Universe ». Et si la transition est remarquable, elle n’en est pas moins suffisamment douce pour ne pas trop choquer. Ainsi, ce premier morceau, sous couvert d’un Classic Rock souple et dansant, joue la carte des ROYAL REPUBLIC perdus dans des seventies d’orgue Hammond, sans cet esprit potache substitué ici à une ouverture sur le grand public. Enregistré pour la première fois dans des conditions complètement live, avec juste les voix posées a postériori, ce LP respire l’envie, la volonté de proposer quelque chose de différent, sans renier les racines. Ces racines sont toujours là et supportent les jeunes branches, et nous les sentons sous nos pieds agiles lorsque retentit « River Of Hate », suintant de Rock classique joué sans esbroufe. Difficile de viser la perfection ou même de la nommer, pourtant, l’édifice est sans faille. Les effluves bluesy sont bien cachés sous des couches de psychédélisme lucide, avec du boogie pataud joué mode shuffle (« Lilith’s Nightmare »), mais on comprend que le groupe avait besoin d’explorer d’autres pistes en tombant sur « Andromeda pt. 2 », qui évoque la scène Folk des années 70. Champêtre et nostalgique ? Non, juste un insert hautement mélodique et gracile qui vient aérer l’ensemble…

Pas de bavardage inutile, et un recyclage qui n’hésite pas à mélancoliser le Blues Doom pour le rendre plus fragile, et en adéquation avec le thème (« Loners On The Run », sublimes harmonies qui réconcilient GRAVEYARD et BLACK SABBATH). Alors, que le Rock soit acide et dansant (« Hunger », avec ses chœurs évanescents), ou brut et restitué tel quel (« Inferno »), le résultat est toujours au-dessus de toutes les espérances, et l’équilibre parfait. Une nouvelle étape dans le parcours de FREDDY AND THE PHANTOM'S qui laisse songeur quant à un futur potentiel, aussi brillant que celui de l’humanité est sombre. Et certainement l’effort le plus collectif du groupe. A nous d’en faire maintenant pour ne pas disparaître avant un sixième album fatalement indispensable.                

                                    

Titres de l’album :

                          01. First Blood Universe

                          02. River Of Hate

                          03. Lilith’s Nightmare

                          04. Bermuda Blues

                          05. Andromeda

                          06. Andromeda pt. 2

                          07. Loners On The Run

                          08. The 11th Guest

                          09. Hunger

                          10. Freedom Is A Prison

                          11. Inferno

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par mortne2001 le 24/04/2020 à 18:10
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