Absolute Elsewhere

Blood Incantation

04/10/2024

Century Media

Attendu comme le proverbial loup blanc, Absolute Elsewhere franchit un cap supplémentaire dans la carrière des américains de BLOOD INCANTATION. Le petit monde de l’extrême avait été méchamment soufflé par la sortie de Hidden History of the Human Race, qui avait bénéficié d’une critique dithyrambique dans ces colonnes, et ce même petit monde va aujourd’hui être balayé par la puissance dévastatrice d’un ouragan qui lui aussi vise les cotes floridiennes.

BLOOD INCANTATION, au-delà de ce lettrage serré digne d’un orchestre Brutal Death ou d’une banda Black Metal, est l’incarnation même de ce représente le Death progressif depuis les sommets de DEATH, PESTILENCE, CYNIC ou MORBID ANGEL. Une sorte d’absolu, un Eden maléfique peuplé de créatures malfaisantes, dans lequel les pommes sont toutes véreuses. Ce ver dans le fruit séduit les plus débauchés des esthètes portés sur la technique pure, et ces mêmes débauchés seront gâtés par la livraison des résidents du Colorado qui porte à ébullition toutes les recettes déjà expliquées et détaillées sur les deux chapitres précédents.

Scindé en deux parties bien distinctes, Absolute Elsewhere est un ailleurs sans repère, temporel ou spatial, un labyrinthe géant aux couloirs qui se resserrent, et plus précisément, un détour cosmique délirant, quelque part entre la science-fiction des seventies et les abominations actuelles. La violence, omniprésente, est débridée, mais sait faire place à des instants de grâce pure parfaitement contractualisés par ces envolées oniriques qui évoquent un PINK FLOYD remonté des enfers par la main de PESTILENCE.

En fait, le quatuor (Paul Riedl - guitare/chant, Morris Kolontyrsky - guitare, Jeff Barrett - basse et Isaac Faulk - batterie) se glisse dans la peau d’un NOCTURNUS retourné dans les années 70 grâce à une machine à remonter le temps. Un NOCTURNUS qui suit les traces de Roger Waters, mais aussi de CAN, de GONG, planant au-dessus d’un décor apocalyptique tel un cochon gonflable qui rumine loin de sa soue. L’équilibre si fragile entre les éléments cosmiques et les attaques virulentes et ici parfait et millimétré, si bien que le voyage passe d’un satellite à l’autre, d’une lune à l’autre, pour finalement atterrir sur une planète étrange, aux reliefs prononcés, et à la flore aussi dangereuse que colorée.

Evidemment, ceci pose problème une fois encore. Les amateurs de Death plus formel se sentiront encore trahis par ces segments atmosphériques très présents, tandis que les plus fragiles ne supporteront pas ces emballements morbides qui dépassent leur champ de compréhension. Mais BLOOD INCANTATION n’a jamais rien fait comme tout le monde, et au contraire d’OPETH qui a clairement accepté sa schizophrénie et qui la contrôle, le quatuor refuse encore de laisser ses deux personnalités s’exprimer en solo, pour mieux jouer sur le contraste bipolaire d’une musique aussi violente qu’apaisée et mélodique.

Absolute Elsewhere fonctionne donc à plusieurs niveaux. Ce troisième né ressemble à s’y méprendre à un voyage astral, entamé apaisé sur un lit, et qui nous entraîne dans un survol de l’humanité à une date inconnue. Ce voyage est évidemment semé d’embûches, d’images atroces et de sensations désagréables, mais aussi de périodes de quiétude, et d’inspiration cosmique. Sans vouloir tomber dans les travers hippies des années 70, cette réalité alternative se dessine au gré des humeurs musicales, qui intègrent des flûtes, des chœurs désincarnés, des percussions tribales et des incantations chamaniques.

Le meilleur exemple en est sans doute l’épilogue « The Message [Tablet III] », avec un Moïse new-age découvrant les tables de loi divines, et les partageant avec le reste de l’humanité. Des eaux écartées, des miracles accomplis, et surtout, l’envie d’aller plus loin que tous les autres, pour en revenir avec plus de questions que de réponses. Equivalent partiel du 2001 de ce cher Stanley K, Absolute Elsewhere se dévore comme un bouquin de Moorcock, moins défoncé qu’à l’ordinaire.

Six morceaux pour deux thématiques distinctes, mais traitées de la même façon. Déjà adepte des longues suites, BLOOD INCANTATION pousse le bouchon le plus loin possible, s’évade parmi les galaxies inconnues, et nous envoie des signaux radio qu’on ne capte que par intermittence. Ces messages sont parfois harmonieux et rassurants, mais la plupart du temps effrayants et inquiétants. Révélation d’une civilisation plus avancée que la nôtre, ce disque s’interroge sur ce que pourrait être notre avenir en cas de mort prononcée de notre belle planète, et offre des alternatives plus ou moins valides.

Mais qui laissent présager de temps très difficiles.

J’entends déjà les détracteurs s’en donner à cœur joie, le quatuor ayant attiré autant de fans que de critiques dans son sillage. Repompe par ci, prétention pleine de fatuité par-là, le débat est encore ouvert, comme les plaies à panser. Je ne saurais trouver les arguments pour convaincre les antis, puisque cette chronique ne leur est pas adressée. Elle concerne ceux que cette musique touche de plein fouet de son originalité et de sa qualité. Avec une production parfaitement adaptée au propos (les claviers de Nicklas Malmqvist de HÄLLAS semblent apparaître et disparaître à loisir), une multitude de riffs et d’idées parfaitement imbriqués, Absolute Elsewhere déambule dans l’espace comme une espèce cherchant une nouvelle terre d’asile.

BLOOD INCANTATION est sans nul doute l’enfant chéri surdoué de sa génération. Un groupe capable de vous faire valser d’une réalité à un fantasme sans perdre de sa clarté ou de sa pertinence. Space opéra cruel et fascinant, ce troisième album est pour le moment l’apogée d’une formule complexe qui une fois retranscrite apparaît limpide. Aucune barrière, aucune contrainte, aucune appartenance de genre.

Soyez prêt à partir vers un ailleurs que personne ne peut vraiment décrire avant de l’avoir vu. Mais soyez aussi certain que vous n’en reviendrez peut-être pas. Et finalement, est-ce une si mauvaise chose que ça ?        

 

Titres de l’album :                                              

01. The Stargate [Tablet I]

02. The Stargate [Tablet II]

03. The Stargate [Tablet III]

04. The Message [Tablet I]

05. The Message [Tablet II]

06. The Message [Tablet III]


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par mortne2001 le 11/10/2024 à 19:25
95 %    338

Commentaires (4) | Ajouter un commentaire


Buck Dancer
@15.236.177.230
12/10/2024, 06:52:11

Tuerie !

Je fais justement partie de ceux qui aiment le death plus "formel "et j'étais un peu réticent aux premières écoutes, trouvant que les délires rock prog/synth wave/ambiant/etc.....prenaient trop de place mais finalement tout cela s'intègre parfaitement à leur death "cosmique". La bonne idée est d'avoir découpé chacun des deux morceaux en trois "chapitres" ce qui rend l'album plus accessible et, très important, sans esbroufe arty. Sans même parler des parties purement death absolument implacables, qui place le groupe clairement au-dessus de la mêlée  (pour ne pas dire qu'ils éclatent tous le monde ) 

Ce groupe me ramène à mes jeunes années de " hardos " où la découverte du metal extrême  évoquait alors en moi curiosité, excitation et fascination. Sauf que j'ai presque 50 piges et que je pensais être revenu de (presque) tout en matière de death. 

Clairement l'album de l'année ( comme le précédent avant lui) ! 


RBD
membre enregistré
12/10/2024, 14:42:54

Même si je n'ai pas accroché aux étapes précédentes du projet ambitieux qui se dessinait, impossible d'être indifférent. BI affirme avec autorité sa propre conception du Death progressif aux inspirations claires (bien vu pour le Krautrock, j'ai cru y voir du Tangerine Dream aussi), une vision totalement indépendante de celle d'Opeth en effet, comme d'In Vain, Fallujah ou Disillusion... Le fort côté Floydien suggère tout au plus une parenté lointaine avec feu les Australiens d'Alchemist. Cela fait toujours un petit choc quand un groupe découvre un nouveau territoire inexploré, comme ici. Ils ont osé y aller à fond sur le Prog', sans s'obliger à lâcher le Death. 

Il va clairement marquer l'année et relancer tout le genre Death Progressif pour un tour, à mon avis.


Gargan
@109.220.93.118
13/10/2024, 07:58:45

Je découvre et c’est effectivement très réussi !!! Vont presque me faire oublier Morbus/Sweven et je note pour écouter Alchemist


Orphan
@193.248.54.231
14/10/2024, 14:31:41

Mention spécial pour le clip.

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Je pense aussi que c'est un logo spécialement créé pour la tournée.

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Surprise, pas tout le monde est de gauche ! eh oui !

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Le mec est même pas si sulfureux, c'est un boeuf trumpiste au pire, rien de si radical type NS ou quoi que ce soit.

17/10/2024, 11:50

MorbidOM

Après vu que la même police a été utilisée pour le groupe de première partie, pas sûr que ce soit un logo définitif. 

17/10/2024, 11:31

Gargan

@Buck,le chanteur de Destroyer a bu un jour une Fosters dans le même bar qu'un type de Spear of Longinus, et en plus sa chemise était devenue brune à cause de la poussière safranée. C'est moche.@Orphan, j'attends le soutien massif de femmes,(...)

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Et plutôt bien le logo sur cette affiche 

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