Access All Worlds

Iotunn

26/02/2021

Metal Blade

Premier album, et déjà une signature sur le label Metal Blade pour les danois d’IOTUNN. Tout ça peut sembler surprenant, mais le groupe nous donne trois indications précieuses. D’abord, son nom, IOTUNN, « Géant » en langue nordique ancienne. Ensuite, le titre de son album, Access All Worlds, qui en dit long sur ses capacités et ses ambitions. Et pour finir, un premier EP, terrible et paru il y quatre ans à compte d’auteur, The Wizard Falls. Après écoute de ce premier moyen-format, aux proportions assez humbles, nous étions nombreux à attendre la suite des évènements, qui promettait d’être grandiose et hors-normes. Et c’est donc le géant américain Metal Blade qui fait glisser le drap couvrant la première statue érigée par les danois, révélant les formes d’une entité assez étrange à décrire, et pourtant, d’une beauté extraordinaire. Une beauté complexe et plurielle, beauté dans la douceur et la complexité, dans la violence et le mystère, mais une beauté qui ne révèle ses détails qu’après une longue observation très précautionneuse. Et s’il ne faut que quelques instants pour être subjugué par l’œuvre, il faut des jours et des jours pour en saisir toutes les nuances. S’ensuit un constat qui pourra sembler prématuré pour beaucoup, mais IOTUNN est certainement le sculpteur musical le plus ambitieux et talentueux de cette jeune année 2021.

Formé en 2015, le combo danois n’a pas tardé à attirer les plus grands noms, et s’est vu offrir sur un plateau un mixage signé par la légende Flemming Rasmussen (METALLICA, MORBID ANGEL, BLIND GUARDIAN, RAINBOW) aux Sweet Silence Studios pour son premier EP. Pas étonnant de constater que le vieux Flemming a flairé la bonne opération en s’attelant au peaufinage de ces quelques titres, qu’il a dû ressentir comme étant l’avenir d’une certaine forme de Metal progressif rejetant les dernières barrières et contraintes. Stabilisé autour d’un line-up solide (Jón Aldará (HAMFERD) au chant, le bassiste Eskil Rask (SUNLESS DAWN) les deux guitaristes Nicolai Gräs et Jesper Gräs et le batteur Bjørn Wind Andersen), IOTUNN a donc pris deux années pour concevoir son premier chapitre, et autant avouer une évidence lénifiante : Access All Worlds ouvre l’accès à des mondes jusqu’à lors insoupçonnés, sans vraiment changer la donne thématique des genres qu’il aborde avec brio.

Mixé et masterisé par Fredrik Nordström (IN FLAMES, AT THE GATES, DIMMU BORGIR) au Fredman Studios, Access All Worlds partage quelques vertus avec ces trois groupes, sans se montrer allusif à aucun d’entre eux. Il propulse la grandiloquence dans un univers de violence, maltraite le symphonique pour lui faire adopter les crêtes pointues du Death progressif, écrase le Heavy Metal sous une épaisse couche d’arrangements, et multiplie les riffs comme Jésus multipliait les pains. Hâtivement rangé dans une catégorie bâtarde et réductrice de Power Metal progressif, IOTUNN est beaucoup plus que ça, et pourrait incarner une synthèse globale des talents les plus évidents de ces vingt dernières années. On sent dans leur musique des réminiscences d’OPETH, de LEPROUS, de MORBID ANGEL, mais aussi de YES, de KING CRIMSON parfois, sans que l’élitisme ne prenne le pas sur l’émotion ou la sensibilité populaire. Doués dans leur domaine respectif, les cinq musiciens ont aussi trouvé l’osmose leur permettant de repousser toutes les limites pour nous entraîner dans l’espace, dans des mondes nouveaux où cohabitent la violence, la froideur, l’amour et la haine, pour nous offrir un voyage incroyable, de ceux que les ARCTURUS avaient commencé à élaborer sans vraiment trouver leur sens définitif. Et il ne faut pas plus de sept minutes au groupe, celles que dure le premier morceau « Voyage Of The Garganey I », pour nous convaincre de la pertinence de leur proposition, et de l’urgence d’explorer de nouvelles possibilités. Beaucoup se sont laissés abuser par le faible nombre de pistes de cet album, au point de le classer en tant qu’EP, mais ne soyez pas dupes : avec son heure de jeu bien tassée, Access All Worlds est non seulement un album complet, mais l’un des plus riches et denses que vous pourrez écouter cette année, voire les suivantes.

« Access All Worlds », en tant que title-track placé en seconde position, accomplit une tâche énorme. Développer la majorité des arguments sans dévoiler tous les secrets. En osant la progression ultime de plus de onze minutes en quasi ouverture, et après nous avoir hypnotisés d’un seul morceau, les danois placent la barre si haute que les premiers OPETH doivent avoir honte de se coller un torticolis. Mais en étant totalement franc, c’est véritablement « Laihem's Golden Pits » qui nous laisse accuser le coup, avec sa pluie de blasts et la performance hallucinante de fluidité de la pieuvre Bjørn Wind Andersen. Le batteur fomente un sale coup rythmique derrière ses petits camarades, et nous bloque sur un déballage de fills acrobatiques et de cassures brutales pour nous refuser la linéarité d’un Black pourtant très prononcé. La magie du groupe réside donc dans ces allusions permanentes à tous les sous-genres du Metal extrême, mais aussi d’un Metal plus consensuel. Les riffs classiques ne manquent pas, mais les deux guitaristes ont ce don pour travestir le formalisme et le rendre inédit. Tout y passe, les dissonances, les syncopes vicieuses, mais aussi les arpèges en son clair, pour un éventail impressionnant de maîtrise.

La bande-son avait besoin d’un interprète unique pour les mettre en valeur, et la voix de Jón Aldará était la plus parfaite en tant que diamant caché dans un écrin de jade. Le vocaliste est capable de se mettre dans la peau d’un hurleur lyrique, d’un brailleur inquiétant, et livre une performance qui restera dans les annales. Son chant totalement écorché et incantatoire sur « Waves Below » laisse songeur et légèrement inquiet, tant ses couches de chant se superposent dans un ballet outrancier. L’homme ne refuse rien, des harangues graves et râpeuses aux envolées soudainement apaisées, et sublime un instrumental déjà proche de la perfection. Là où TOOL nous torture de quelques notes évoluant dans un contexte resserré, IOTUNN propose des évolutions denses et épiques, et à l’image de la nature, ne supporte aucun vide.

A priori, on pourrait penser l’album difficile à digérer, au regard de sa durée et de ces pistes qui s’éternisent au-delà des dix minutes. Mais l’art consommé du groupe pour intégrer une myriade d’idées nous évite la redondance, même si le son peut parfois paraître excessif dans son envie de convaincre de la complexité de l’affaire. Mais en tombant sur le bijou final « Safe Across The Endless Night », on comprend immédiatement que cette démesure était obligatoire. La rythmique continue ses prouesses, les guitares lacèrent sans relâche, et Jón Aldará nous raconte ses histoires d’ailleurs avec une conviction unique.

Ne l’oubliez pas, IOTUNN signifie géant. Et tel un golem né de la boue, Access All Worlds est une créature gigantesque avançant à son rythme pour écraser la concurrence insipide.   

   

                                                                                              

Titres de l’album:

01. Voyage Of The Garganey I

02. Access All Worlds

03. Laihem's Golden Pits

04. Waves Below

05. The Tower Of Cosmic Nihility

06. The Weaver System

07. Safe Across The Endless Night


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par mortne2001 le 14/03/2021 à 18:08
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