Une citation et un style auraient suffi à m’éloigner de cet album, le laissant se noyer dans l’océan des mails promotionnels reçus chaque jour. En prenant note de la comparaison avec BEHEMOTH, et l’utilisation du terme « Deathcore », mes jambes auraient dû s’activer et mon sens commun m’indiquer la porte de sortie. Pourtant, me voilà à vous entretenir du deuxième album des français de VIRGIL, alors même que je n’en serai qu’un piètre défenseur à la base. Pourtant quelque chose m’a touché dans cette musique violente et compacte au point de mettre de côté mes principes et mes gouts en matière d’extrême. Peut-être est-ce dû à cette superbe pochette, à la référence poussée à Dante, ou bien à cette accroche futée :
La formation Nordiste a rapidement dessiné les contours d’un univers suffocant et dans lequel l’obscurité règne en maître.
Deux ans après son premier longue-durée, Divina Infernum, le quintet des Hauts-de-France revient donc les bras chargés de poisons et de fiel, pour nous contaminer de son nihilisme anti-mélodique et de ses attaques rythmiques impitoyables. En premier lieu, le son. Avec une production profonde et grave, Acheron (fleuve côtier d'Épire, en Grèce) stimule les sens dès ses premières secondes, et pave une voie royale à la brutalité la plus sourde, et la violence la moins complaisante. Mixé par Simon Herbaut (THE LUMBERJACK FEEDBACK) et masterisé par Olivier T’Servrancx à l’Electrik Box Studio (Black BOMB A, AS THEY BURN, DARKNESS DYNAMITE), Acheron s’insinue dans votre organisme pour y laisser des séquelles irréversibles. Evidemment assez proche de ce que BEHEMOTH peut proposer de plus compact et écrasant, ce deuxième né nous entraîne encore plus loin dans les bas-fonds de l’humanité, pour en ramener les histoires et légendes les plus noires.
Avec un tracklisting rappelant les années Grunge et ces fameux titres en un seul mot, Acheron est un concentré de brutalité viscérale et clinique, entre Black/Death moderne et Deathcore allusif, et juste assez dosé pour ne pas rebuter. Charles Konieczna (basse), Julien Baquero & Thomas Fontaine (guitares), Marius Vantomme (chant), et le petit dernier David Blanquart (batterie) continuent donc leur exploration des recoins les moins recommandables de l’âme humaine, et nous aplatissent d’une musique en rouleau-compresseur, uniquement interrompue par quelques interludes mélodiques qui permettent à peine à l’auditeur de reprendre son souffle (« Charon », et sa légère touche de Post-Metal, genre parfois abordé par le groupe avec des pincettes).
Frapper fort, très vite, écraser les doutes et souffler les inquiétudes, éteindre les espoirs et noyer les illusions, tels sont les buts d’un album qui anesthésie les sens, au point de nous laisser dans l’état de cobayes subissant une ultraviolence auditive. Entre passages mid à la double grosse caisse régulière comme un marteau-piqueur, accélérations qui donnent des suées et thématiques noires comme la nuit, VIRGIL fait montre de tout son savoir-faire maléfique, et abat ses cartes dès « Black Feathers », premier véritable morceau qui concasse, compacte, écrase et aplatit dans les grandes largeurs.
Pas question de se planter donc, ni de se planquer derrière le paravent de la sécurité, le quintet nordiste joue franc jeu, et nous défie de son autorité. Et entre une palanquée de riffs durs comme l’acier, une rythmique froide comme la mort, et des aménagements vocaux clairement féroces, VIRGIL occupe chaque interstice, ne laisse aucune case vide, et nous assomme de son Death/Black contemporain, loin des dérives Blackened Death d’une nouvelle génération aux réflexes un peu faciles.
On peut évidemment trouver le tout irrespirable, du fait du manque d’aération du nouveau répertoire, mais là est justement l’objectif : nous prendre par la gorge, resserrer l’étreinte pour nous asphyxier et nous faire voir la réalité en face…de la mort. Le groupe n’a pas troqué sa méchanceté pour un professionnalisme plus convenable, et si les redites et autres paraphrases musicales sont inévitables, l’ambiance globale de l’album est cohérente, et son déroulé logique.
C’est un parti-pris, à prendre ou à laisser, même si j’aurais souhaité plus de variété dans les morceaux, et des titres plus facilement discernables les uns des autres. Mais entre « Mother » qui ose quelques harmonies fatales et des montées en puissance dantesques, et « Soreness » d’une grandiloquence Heavy remarquable, les accroches sont bien présentes et permettent de surnager dans un enfer de flammes et un océan d’acide.
Tout bien pesé, il est évident que je n’écouterai pas ce disque chaque semaine, mais dans son style, il représente une sorte de paroxysme, et titille la perfection brutale en plus d’une occasion. De la violence tout sauf gratuite, et une plongée dans les abysses des traumatismes, à la recherche des Némésis les plus dangereuses. Voilà peu ou prou le voyage proposé par VIRGIL, un trip immersif qui n’est certainement pas fait pour les estomacs sensibles et les cœurs les plus fragiles.
Titres de l’album :
01. Acheron
02. Black Feathers
03. Eternity
04. Cocyte
05. Nil
06. Immaculate
07. Charon
08. Hunt
09. Martyr
10. Mother
11. Soreness
12. Ignis
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