Très logiquement, après l’acte 1 vient l’acte 2. C’est la logique même du théâtre, qui décline en tableaux une histoire écrite dans la pénombre d’une bougie faiblarde. C’est aussi celle de la musique, qu’elle soit classique ou beaucoup moins, qui aime brosser des chapitres durant lesquels ses protagonistes se débattent avec l’adversité tout en gardant leur noblesse. TSAR n’échappe pas à la règle, et deux ans après son Acte I, le quintet poursuit son aventure avec cet Acte II, qui résonne encore des échos étranges d’un concept singulier.
Au centre des débats, un personnage, Le Baron. Emprunté au vaudou haïtien, ce meneur de troupes est toujours secondé par ses quatre lieutenants, prêts à le suivre jusqu’au bout de la terre. Le Baron continue donc sa narration, de sa voix de caméléon, et nous raconte des histoires à dormir debout que ses disciples mettent en musique avec beaucoup de brio. Cette singularité n’est pas seulement conceptuelle. Elle est aussi artistique, les chansons de TSAR esquivant avec pas mal d’agilité le cloisonnement des genres, s’affiliant à cette nouvelle génération d’artistes qui à l’image de RUFUS BELLEFLEUR, MALEMORT, KILLING SPREE et quelques autres conchient la routine et la normalité avec la hargne des tordus.
Kyrian Liberge (chant), Romain Payen & Rodin Guénéheux (guitares/chœurs), Jules Chauchet (basse), Thomas Belouin (batterie/chœurs) continuent donc leur périple mystique et mystérieux dans les arcanes d’un labyrinthe magique, planté dans le jardin d’un château d’époque, un peu décati, un peu branlant, mais dissimulant plus de légendes qu’un coffre entier trouvé à Brocéliande. La secte protéiforme profite donc d’un DIY cathartique, qui lui permet de faire à peu près ce qu’elle veut, même si la caution Progressive est toujours aussi flagrante. Mais plus que de Progressif stricto sensu, Acte II est une évolution, un mouvement constant, une multitude d’idées qui se rencontrent, se concentrent pour se répartir le travail. Sous cet aspect-là des choses, TSAR est beaucoup plus proche de la scène arty française des années 70 que de l’école de Canterburry. Pas de longues séquences planantes, qui répètent le même motif pendant des heures, et surtout, une puissance nineties alternative qu’on retrouve incrustée sur les riffs qui balaient large et ferme.
L'être humain est un animal social qui cherche à appartenir à un groupe et l'Histoire nous démontre souvent que des individus en profitent pour se hisser au-dessus des autres, pour amplifier leur influence et gagner du pouvoir.
Nous sommes en plein dedans non ? Donald Trump, Benjamin Netanyahou, Vladimir Poutine, Giorgia Meloni, sont cités sans l’être par le single « One For All » qui détourne la philosophie humaniste des mousquetaires de Dumas pour l’appliquer à cette sphère fascisante qui bouffe l’espoir comme un virus contamine une population déjà fragile. Avec un hit en étendard, des ambitions renouvelées, des idées qui poussent comme des cèpes en automne, TSAR roule sur de la soie, et en emprunte la route. C’est un réel plaisir de constater que des trublions évitent comme la peste la facilité mainstream tout en gardant prise avec le réel, loin du fourre-tout psychédélique ou du n’importe quoi expérimental. Il y a pourtant des deux sur ce disque, mais tellement bien amalgamés et dosés qu’on ne s’en rend pas compte. Il faut dire que le mélange Heavy, Thrash, Alternatif, Progressif, Néo est un tourbillon qui transforme la tête en bouchon de shampoing, ne laissant guère d’autre choix à l’auditeur que de se fondre dans le décor, pour brailler des refrains faciles, mais qui restent (« Para Bellum »).
Très généreux, TSAR rallonge le temps, et le prend pour développer des idées ouvertes, variées, des points de vue contradictoires, des solutions complémentaires. Comme un cirque itinérant aux numéros toujours renouvelés, la bande évolue dans son propre univers, aux contours flous mais aux intentions nobles. Avec plusieurs segments dépassant allègrement les huit minutes, Acte II se veut d’importance, et utilise les mélodies les plus jaunies pour renfoncer la puissance de son assise. Mais lorsque la mélancolie frappe, au détour de ce single imparable et clippé avec goût, ou au contraire lorsque la puissance s’impose sur les premières mesures de « Knight of the Night », les sensations se percutent, et PANTERA fait la connaissance des MARTIN CIRCUS des débuts, lorsque le groupe franchouillardise était encore une association de surdoués dadaïstes.
Il est possible de recenser tous les petits trucs qui trainent pour en faire un dossier à charge. Des petits plans scratch, des envolées vocales opératiques, un lyrisme gothique aux voutes amples, et puis d’autres plus discrets, mais qui apportent aux morceaux une valeur ajoutée non négligeable.
Certains sont à la peine face à leur page blanche, TSAR en a besoin pour noircir son imagination. On se demande si l’inspiration se tarira un jour, condamnant le groupe à la redite malheureuse. « Present of a Future Past » prédit en quelques sorte cette réalité possible, et répond fermement par la négative. Douceur de ton, complexité de fond, pureté incroyable au niveau du chant et du son clair des guitares, c’est bien sur magnifique, presque christique, et l’histoire retiendra la version des plus valeureux quand le bilan s’imposera de lui-même.
Acte II est un sacré cadeau pour tous les rêveurs, les paumés, les menteurs, les esseulés, les parias et les blessés. De la vie, de l’espoir, de tout ce qui empêche de mener une existence paisible loin des tracas et autres sacrifices. TSAR est le porte-parole involontaire de tous ces outcasts qui traînent sur les accotements de grandes routes à la recherche d’un ailleurs, moins froid, moins clinique, et moins égoïste.
Amplifier leur influence et gagner du pouvoir.
Amusant de constater que cette petite citation dénonciatrice s’applique à la carrière du groupe qui l’utilise pour pointer du doigt les travers de son époque. De toutes les époques. Tous pour un ?
Un pour TSAR.
Titres de l’album :
01. Conquer
02. Abyss
03. Scylla and Charybdis
04. Guilty
05. Para Bellum
06. One For All
07. Knight of the Night
08. Present of a Future Past
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Leur son est vraiment très cool, j'ai écouté leurs précédents morceaux, y a de la grosse reverb et de la fuzz avec une voix hyper pro, ben ça marche de ouf!
23/10/2024, 14:10
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Moshimosher + 1 pour ce qui est de mon album préféré et de la news qui n'est malheureusement pas si surprenante que ça au vu de la vie du gaillard...
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RIP ! Iron Maiden restera mon album préféré du groupe et Killers le premier album que je me sois acheté (Ah ! Quelle pochette !)... Pas vraiment étonné par la nouvelle, mais, bon, elle n'en est pas moins triste pour autant...
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Bah oui allons LeMoustre...Il est évident que le propos d'Orphan est du quinzième degrés.
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