Un groupe HC qui utilise une photo de la Cathédrale Notre-Dame du Siège de Séville n’est déjà pas chose banale. Tout ça nous change des sempiternels symboles straight-edge, des photos posées l’air belliqueux, ou des iconographies passées à la ronéo histoire de rester roots…Mais à vrai dire, les Texans d’ILLUSTRATIONS ne sont pas des musiciens comme les autres. Et inutile de disséquer leur artwork pour s’en convaincre, il suffit pour ça d’écouter leur musique.
Alors Hardcore, évidemment, puisqu’ils le disent eux-mêmes, mais lorsqu’on cite des influences aussi disparates que le BM ou la Cold-Wave poétique des COCTEAU TWINS, c’est qu’on dispose d’un bagage culturel musical certain, et très personnel.
Et bien évidemment, qu’on voit beaucoup plus loin qu’un binaire enragé rudimentaire déjà servi tiède par des hordes des rues…Non que je conchie ici ce que je vénérais hier, mais un peu d’inédit ne fait jamais de mal à personne, et de fait, Acts of God se pose en nouveauté immanquable pour tous ceux que le Blackened Core séduit.
Mais là encore, un Blackened Core surprenant, à peu près aussi démarqué que les SHINING et leur sax de malheur…
ILLUSTRATIONS, Texas donc, et un premier album paru il y a trois ans (In Vain, février 2014), pour un quintette qui ne fait décidément rien comme tout le monde. Line-up ? Cesar Bernal (guitare), James Beveridge (batterie), Matt King (chant), Nicodemus Gonzalez (guitare, basse, programmation), et Tyson Swindell (basse). Indications techniques de ce second LP ?
Enregistré en quatre parties (Chuck Macak aux Electrowerks Recording, Aaron Bastinelli aux Big Orange Recording, Justin Douglas aux Shine Studios et Nicodemus Gonzalez lui-même aux Public Profile), produit et mixé par Nicodemus Gonzalez, mastering signé Brad Boatright aux immanquables Audiosiege.
Une fois évacuées ces considérations, il est grand temps de parler de ce qui pourrait bien être le plus grand album d’un genre qui n’existe pas encore, paru en 2017. Voire, de ces cinq dernières années. Si l’enthousiasme opacifie parfois mon objectivité et mon libre arbitre, je dois préciser que tel n’est pas le cas. En tant que grand amateur de Hardcore et connaisseur éclairé de la chose Blackened Core, je me sens loin de toute subjectivité de surface en affirmant qu’Acts Of God est un des albums les plus féroces et créatifs que j’ai pu entendre depuis bien longtemps. Loin de se contenter de répéter les tours de passe-passe virulents des sempiternels NAILS, PRIMITIVE MAN, SIBERIAN HELL SOUNDS, OATHBREAKER et autres INTEGRITY, ILLUSTRATIONS s’illustre justement en trouvant une nouvelle frontière entre le Hardcore échevelé et le BM congelé, n’hésitant pas à se plonger dans un vortex ou le Core, le Black, le Metal, le Post Rock et la Cold Wave cohabitent avec la Pop rigide et électronique, sans pour autant faire vaciller un monde parallèle qui reste encore à défricher. Ce qu’ils font d’ailleurs avec une audace toute particulière.
Ces cinq-là n’ont peur de rien, et surtout pas d’être aussi originaux que concis, et aussi séduisants que violents. Et si « This Is The Dark Era » n’ose pas encore trop pousser les meubles de son Crust/Hardcore teinté de blasts BM solides et compacts, « Pestilence » ne s’embarrasse plus de principes et intègre un saxo étrange (celui de Bruce Lamont) sorti de nulle part dans un contexte purement Darkcore. Une atmosphère poisseuse, une rythmique poussive et percussive, des guitares qui riffent et tricotent des arrangements bizarres en arrière-plan, pour cinq minutes de moiteur Darkcore, au « refrain » mélodique vénéneux qui coule dans vos oreilles comme le poison de la fiole musicale.
Difficile de résister aux arabesques arabisantes de ce saxo qui s’époumone dans le lointain, et qui teinte ce second titre d’une palette de couleurs passées, comme surgissant d’une nuit très lointaine, durant laquelle les SHINING et NEUROSIS auraient fait cause commune sous une lune blafarde.
Et si la surprise vous déstabilise au point de chercher à vous rassurer, « Iron Rain » vous bousculera encore plus sur vos bases, en vous provoquant d’un hymne Metal mid tempo horriblement accrocheur, au phrasé vocal pointu et précis. Et au moment même où vous penserez pouvoir vous raccrocher à un minimum de normalité instrumentale, un break pluvieux et inopiné sonnera la seconde charge, celle d’un Blackcore trempé de sueur Post Hardcore, avec doublement des pistes vocales et accentuation de la gravité d’ensemble. Piano à l’économie, glissando final lacéré d’éclairs, pour un final pas si apaisé qu’il n’y parait.
Mais dites-vous précisément après ce morceau que vous n’avez découvert qu’un quart d’un album qui est loin d’avoir tiré toutes ses cartouches…
D’ailleurs, la douille de « Libation », intermède électro-cosmique à peine tombée à terre, c’est le soufflant « A Blessing from Below » qui prend la suite d’une bourrasque de blasts à peine tempérés par un riff posé et délié. Le carnage Core continue de plus belle, avec toujours cette opposition de deux guitares aux motifs contraires, l’une charclant des riffs plombés, l’autre tricotant de petites harmonies discrètes, comme si la dualité de ton était le leitmotiv unique d’une formation l’étant tout autant.
« Harrowed End » ?
Ou comment se souvenir de la vague de spleen des TWINS et de THIS MORTAL COIL, tout en citant CARCASS et PARADISE LOST en moins de quatre minutes. Bluffant, admirable, et terriblement culotté. Mais arrivé à mi-parcours, on n’est plus si surpris des capacités de ce quintette hors normes…
« Chains Of Reality » ?
Un peu NINE INCH NAILS, un peu NEUROSIS, un peu Post Metal à la THE OCEAN, une ambiance désertique à la FIELDS OF THE NEPHILIM qui se fait doucement avaler par des vagues à la TENGIL/HYPNO5E, le tout recouvert de nuages Floydiens…Zen mais grondant, calme, mais bouillonnant…
« War Have Mercy » ?
Une transposition de la culture Wave des 80’s dans un contexte Hardcore moderne, pour une association de malfaiteurs Néo-Core qui confondent froideur de guitares à la Robert Smith et chaleur d’une rythmique à la SOILWORK.
« A Vacant Stare » ?
Difficile à décrire avec des mots, puisque les sons eux-mêmes sont si abstraits qu’ils échappent à tout filet descriptif. On pense à un Bowie très joueur qui finit par céder à la pression d’un Post Metal en nostalgie de volutes du Pornography des CURE. Mais cette description est tellement réductrice…
Et si « Last Communion » ne se veut qu’ultime interlude avant l’échappatoire finale, celle-ci est incarnée avec toute la démesure indispensable par « Eternal Plight » qui s’enfonce encore un peu plus dans les profondeurs de l’abstraction…Harmonies qui se superposent, mélodies qui s’interposent, et chant qui se renferme dans les litanies d’un BM misanthropique défiant l’espoir étalé par des guitares en parcimonie…Arpèges, arrangements sourds, chœurs par intermittence, et apocalypse en forme de fin de non-recevoir d’acmé qui ne viendra pas troubler le silence…
Arrive maintenant le moment tant craint de la synthèse, qui finalement, n’en dira pas plus que tous les mots l’ayant précédé. Alors, je serai concis et succinct. Acts of God est un bijou, et il serait inadmissible qu’il reste terré dans l’underground sans accéder à la reconnaissance qu’il mérite. A vous de jouer maintenant.
Titres de l'album:
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