Aeterna Servitus

Sanguinary

22/07/2022

Autoproduction

Dimanche 31 juillet, deuxième jour du chassé-croisé le plus pénible et meurtrier de l’été, affrontement entre les juilletistes montant et les aoûtiens descendant. De deux choses l’une, ou vous êtes parti en vacances et vous vous préparez à affronter un temps considérable perdu dans les bouchons et autres engorgements, soit vous êtes resté chez vous pour profiter d’un Paris désert ou d’un afflux de touristes pour alimenter votre trésorerie. Ceci étant dit, il est aussi possible que vous n’ayez pas sollicité votre automobile, et que vous soyez en train de savourer un apéritif autour d’une table familiale. Ou alors, vous êtes assis sur un banc à l’église pour le sermon dominical. Ou alors, dernière option, mais pas des moindres, vous êtes devant votre ordinateur à lire cette chronique. Oserais-je préciser que vous avez fait le seul choix sensé ?

Si tel est le cas, ce que j’espère, vous vous apprêtez à en savoir plus sur un combo américain capable de faire se percuter MORBID ANGEL, SUFFOCATION, DEMOLITION HAMMER et SADUS. Dans le mille Emile, les américains de SANGUINARY font partie de cette catégorie de groupes à cheval entre les genres, dont le seul leitmotiv est celle violence ouverte qui emprunte tant au Thrash qu’au Death. Ici, les deux ingrédients sont dosés selon les humeurs, mais dans les faits, Aeterna Servitus est une bonne rouste que Glen Benton et David Vincent auraient pu se partager un jour de sabbat noir.

SANGUINARY célèbre donc la naissance de son premier bébé, un bébé pas content, qui hurle sur ses parents, qui réclame du lolo au Jack Daniels, et qui braille toute la sainte journée pour emmerder le monde. Né à Bemidji, Minnesota, SANGUINARY est le type même de groupe qui ne cherche pas l’originalité, mais qui mise tout sur la puissance et l’efficacité. Inutile donc de traquer un clone de CORONER ou de TOXIK, ici, c’est la puissance brute qui parle, mais attention toutefois : ces lascars-là savent jouer en plus de composer, et nous réservent quelques surprises de taille en solitaire.

Quels lascars ? Cody Friebohle (basse), J Freude (batterie/chœurs), Brad Grimm (chant) et Anthony Lindom (guitare), rodés à l’exercice de l’extrême intelligent, et qui nous baladent comme des bleus entre lapidaire qui fait mal aux dents, et fluide qui stimule les connexions synaptiques. Entre Techno-Death/Thrash et Death ouvert et sans pitié, Aeterna Servitus fait parfois penser au PESTILENCE de Patrick Mameli, eu égard aux soli proposés par Anthony, et à ses riffs qui se chevauchent comme des asticots sur un cadavre. Une sacrée référence donc, à laquelle on peut ajouter un ATHEIST de début de carrière, et donc, des aspirations plus élevées que la moyenne. Le résultat est donc inévitable, ce premier album est d’une maturité étonnante, et se place de fait dans le peloton de tête des sorties les plus essentielles de l’été.

Alors que l’option « cassons des mâchoires et réjouissons-nous du résultat » était évidente, SANGUINARY a choisi l’autre voie, celle de la séance d’interrogatoire menée avec finesse et clairvoyance. Entre fluidité et uppercuts, les américains n’ont pas choisi et alternent les séquences, profitant d’une production incroyablement efficace, mettant admirablement bien la basse de Cody Friebohle en avant. Et l’homme aime faire claquer ses cordes et balader ses doigts sur son manche, ce qui nous donne quelques glissades graves du plus bel effet. Mais autant avouer l’évidence : les chansons sonnent souvent comme des écrins aux intervenions stellaires de Lindom, que l’on pourrait comparer avec un peu de complaisance à James Murphy ou Chuck Schuldiner.

Avec un parti-pris de mid tempo catchy en première partie d’album, SANGUINARY assure l’appât en plaquant des riffs immédiatement mémorisables, roulant sur un groove impeccable, même dans les moments où l’intensité atteint ses limites. On appréciera aussi les prouesses d’un chanteur au timbre rauque mais au phrasé diaboliquement précis à la limite du Hip-Hop parfois sur fond d’instrumental barbare (« Impunity in Death »), les charges ultraviolentes mais irrésistibles de « Philosopher's Neurosis » ou « Practice and Depravity », et bien évidemment, le grand final pantagruélique de « Smite the Meek » carte de visite recouverte de papier de verre qui sonne le glas de la facilité et de l’alimentation old-school en perfusion.

A l’aise en terrain lourd et en vitesse excessive, utilisant la guitare au maximum de sa rentabilité entre soli vraiment sidérants et licks gluants et attachants, SANGUINARY signe avec Aeterna Servitus une petite bombe qui ne demande qu’à exploser dans vos oreilles, en laissant vos tympans en sang. Un groupe à suivre de très près, qui pourra foutre le feu aux scènes européennes pour peu que notre public lui offre une audience à la hauteur de son talent. Presque l’album du moins, mais surtout, une évidence qui n’en était pas une au départ.   

 


Titres de l'album :

01. Coded to Kill

02. Servants of Moloch

03. Shadowmass

04. Detested

05. Impunity in Death

06. Testament to Pain (feat. Matt McGee)

07. Noxious Gas

08. Philosopher's Neurosis

09. Practice and Depravity

10. Smite the Meek


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par mortne2001 le 06/08/2022 à 17:06
85 %    810

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