Je ne sais pas pour vous, mais lorsque je vois le nom d’Alessandro Del Vecchio écrit en gros dans la bio promotionnelle d’un nouvel album Frontiers, j’ai des suées, des tremblements, et de fil en aiguille, des doutes fermes sur la viabilité du produit en question. Je sais que les liens unissant ce bon vieux Serafino avec son couteau suisse maison sont très serrés, il n’empêche que la confiance affichée par le CEO est souvent légèrement excessive. Il faut bien l’avouer, le multi-instrumentiste italien a tendance à standardiser les projets auxquels il participe, au point de les rendre anonymes dans le bottin du label italien.
Et une fois encore, le claviériste/chanteur/producteur/compositeur s’est affiché sur tous les fronts, au moment de lancer en grandes pompes le nouvel album de REVOLUTION SAINTS. C’est lui qui a composé la majeure partie du répertoire, produit la chose et tâté des claviers et des chœurs, et sa patte se fait sentir sur les sillons de cet Against the Winds, manufacturé pour ne pas dénoter dans la production de sa chaumière.
Heureusement pour nous, REVOLUTION SAINTS est un groupe de seigneurs. Le projet lancé par Serafino pour mettre en valeur la voix incroyable de Deen Castronovo est bien loin des promotions lambda d’une maison de disques qui tourne en rond, et le talent du batteur/chanteur permet de s’éloigner de standards de qualité de plus en plus modérés.
D’ailleurs, REVOLUTION SAINTS, comme DEEP PURPLE il y a quelques décennies, affiche un nouveau visage en masque Mark II. Nous retrouvons aux côtés de Deen des cadors, avec Jeff Pilson à la basse et Joel Hoekstra à la guitare, ce qui sur le papier est aussi alléchant que l’association magique entre Mike Portnoy, Billy Sheehan et Richie Kotzen. Mais le menu est une chose, et la dégustation une autre. Après tout, beaucoup de noms connus se sont emplâtrés dans le mur pour cause de complaisance excessive, et l’intervention en omniprésence de Del Vecchio a tendance à gâcher le talent naturel des musiciens pour lesquels il travaille.
Alors, verdict ?
Du Del Vecchio dans le texte, qui se serait mis dans la peau des héros de JOURNEY pour rappeler le passé glorieux de son leader/batteur/chanteur.
La sensation n’est pas désagréable, loin de là mais on sent le pilotage automatique d’Alessandro au détour de tous les thèmes mélodiques. L’italien s’est une fois de plus fié à son compas personnel, et a copié les tics du groupe américain de légende pour en livrer une version qu’il imagine plus personnelle. Et si le brio et la magie de ces trois musiciens permettent d’éviter le crash, Against the Winds n’en sonne pas moins comme un JOURNEY soundalike, les harmonies reproduites à l’identique, et l‘énergie un peu plus intense.
Heureusement pour nous, deux atouts sortent de la manche. D’abord, la voix extraordinaire de Deen, dont le jeu de batterie est toujours aussi inventif. Ensuite, la dextérité et la folie de Joel Hoekstra, remarquées depuis longtemps lors de ses piges pour WHITESNAKE et NIGHT RANGER. Joel et Jeff remplacent donc avec crédibilité Jack Blades et Doug Aldrich, Deen peut donc continuer à faire le show avec l’aisance qu’on lui connaît, d’autant que les soli posés par son lieutenant sont toujours aussi magiques et précis.
La composition quant à elle table évidemment sur les réflexes les plus naturels des intervenants. On reconnaît les mélodies sucrées/salées de Del Vecchio, qui pourraient indifféremment meubler les albums d’un autre projet Frontiers pioché au hasard. C’est donc là où le bât blesse, même si avec un peu d’honnêteté, il est facile d’apprécier ce disque pour ce qu’il est.
Un succédané.
Mais un succédané bien foutu. Si les patrons des modèles ont été découpés dans un numéro lambda d’un Burda nineties de JOURNEY, certains morceaux, la mise en place et les retouches sonnent plus personnelles et bien coupées. « Been Said and Done » en est une preuve incontestable, tout comme « Changing My Mind » qui réconcilient le Hard-Rock le plus sauvage avec l’AOR le plus sage. L’instrumental, dominé par le chant et la guitare enragée nous font grâce des déclarations sirupeuses du compositeur italien lors de ses crises de sensibilité, mais il faut bien reconnaître que nombre de titres sont aussi standard que n’importe quel nouveau combo signé par le label italien.
De deux choses l’une. Ou Del Vecchio vous insupporte et vous profiterez de ce nouveau disque pour lui en remettre une couche, ou vous acceptez la règle d’un jeu de dupes, et appréciez un album redoutablement calibré pour faire fondre le cœur des fans de Hard Rock mélodique. Les deux options sont possibles, et si j’ai choisi la seconde, c’est plus par respect pour ces monstres légendaires que par sympathie pour un producteur qui confond travail à la chaîne et artisanat de valeur.
REVOLUTION SAINTS malgré sa mutation reste donc fidèle à sa recette, et nous offre un nouveau chapitre que l’on connaît d’avance, mais que l’on suit avec intérêt. Ça fonctionne, mais pour combien de temps encore ? Telle est la question que le temps garde au chaud.
Titres de l’album:
01. Against the Winds
02. Changing My Mind
03. Fall on My Knees
04. Can't End It Right Now
05. Lost in Damnation
06. Will I See You Again
07. Show Me Your Light
08. Save All That Remains
09. Been Said and Done
10. Diving Wings
11. No Turning Back
Perso, à part leurs deux premiers albums qui sont vraiment géniaux, le reste est quelconque et prétentieux.
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