Le bonheur effectif paraît toujours assez sordide en comparaison des larges compensations qu'on trouve à la misère (Aldous Huxley).
Et l’avantage de la misère, c’est qu’elle se rappelle à notre bon souvenir à n’importe quel moment. Et comment mieux qualifier le monde que de le décrire comme un endroit merveilleux où vivre est devenu si sordide. Magouilles politiques, catastrophes climatiques, consumérisme aveugle, repli sur soi, xénophobie, homophobie, violence domestique, viols, meurtres, abandons, maltraitance, égoïsme…et la liste est loin d’être exhaustive. C’est un concept que SORDIDE a bien compris, lui a qui a commencé sa carrière sous les auspices les plus crus et bruts. Et si sa musique s’est quelque peu sophistiquée depuis, le fond de sa pensée n’a pas changé.
Et sa vision du monde non plus.
De festival en festival, d’Islande en France, le trio de rouennais a bien traîné ses basques et sa misère, et sait depuis longtemps comment exprimer sa sourde rage. Cinquième album déjà, trois ans après le déjà glauque Les Idées Blanches, les deux lascars poilus et leur complice bien propre sur lui continuent droit sur leur lancée de misanthropie, et recensent encore une fois les travers de leurs contemporains, et l’univers pourri qui les entoure. La formulation n’a pas vraiment évolué depuis 2021, mais on sent rapidement qu’Ainsi Finit le Jour va nous ruiner le moral plus efficacement qu’un reportage sur C8.
Les Acteurs de l’Ombre ont renouvelé leur confiance, et encouragent leur poulain à aller où bon lui semble. SORDIDE va donc errer dans les bas-fonds pour trouver matière à plainte, et nous en revient les bras chargés d’immondices, d’idées noires, et de désillusions cruelles. « Des Feux plus Forts » bat le rappel, et tout le monde rejoint sa rangée pour ne pas manquer ce bilan cruel d’une époque gangrénée par l’égocentrisme et la fuite en avant. Le Black Metal du trio est toujours aussi personnel, aussi influencé par les débuts nordiques que par les tentatives modernes d’étendre les références hors du cénacle. Ainsi, « Le Cambouis et le Carmin » tutoie HELLHAMMER et DARKTHRONE, avançant lentement, lourdement, empesé par une guitare lancinante et discordante, et un chant amer, hurlé, expulsé comme un vieux remugle dégueulasse.
Toujours à la limite de la rupture et de l’apoplexie, SORDIDE inhale un air vicié pour mieux nous le renvoyer vers nos naseaux. Proche d’un Sludge vraiment basique et dissonant, le trio n’hésite pas à ralentir la mesure à loisir, pour évoquer des émotions sombres, des images nauséabondes, et des sonorités vomitives. « Sous Vivre » décrit ainsi musicalement une existence passé dans les fossés, dans les égouts, sur le bord des routes ou dans des bidonvilles sauvages. C’est évidemment difficile à encaisser, un peu comme un diagnostic terminal, mais après tout, la lucidité étant tout ce qui nous reste, autant accepter la sentence de mort.
Cette mort est sale, laide, maculée de fluides corporels et de sang séché. Elle est ignoble dans son absence d’empathie, et cueille les plus jeunes comme les vieillards sans distinction. Et si les turpitudes les plus abyssales de la vie avaient un équivalent musical, alors ce cinquième album l’incarnerait avec une misère inégalable.
Mais SORDIDE n’est pas que vicieux, il est aussi insidieux, et se glisse sous notre peau avec une aisance de caméléon. « Banlieues Rouges », up tempo nerveux, se cale sur la ligne du parti d’un urbanisme dévorant, les semelles battant le pavé de rues mal éclairées et rouges de violence, dans un créneau que les malades Hardcore des années 90 occupaient avec une belle constance. Capables donc de sortir des riffs accrocheurs, et de se montrer plus abordables, les rouennais jouent crânement leurs cartes, et abattent la main la plus fourbe. Full aux virus par les armes, et le tapis est ramassé.
Difficile en tout cas de résumer tout ça par une appellation sommaire et putassière. L’étiquette Black Metal est certes la plus pratique, et évite de s’arracher les cheveux, mais Ainsi Finit le Jour est beaucoup plus que ça, et moins à la fois. Il est un Metal extrême rachitique, vérolé, aux plaies purulentes, et au grain noir et blanc très épais. Il se vautre dans la fange des atrocités humaines, que l’on retrouvera un jour un peu partout dans nos villes, ces cadavres anonymes morts d’avoir osé espérer, et de ne pas avoir regardé la vérité en face. Ainsi, « La Poésie du Caniveau » permet à Camus de déplacer ses personnages dans le monde du Ça de Stephen King, alors que le title-track « Ainsi Finit le Jour » honore les grandes figures nordiques sans oublier l’apport de nos satanées et sataniques légions noires.
On pourrait ramener le tout à « La Beauté du Désastre ». Eu égard à son titre d’abord, qui dépeint un monde qui se précipite dans le ravin, à sa longueur ensuite, parfaitement en phase avec la souffrance interminable dont nous allons bientôt faire l’expérience, et à son désespoir affiché, cru, sans filtre, qui écorche le cœur et lui injecte le tétanos.
Et tout ça fait très mal, surtout lorsque la guitare se barre en vrille dans des plans dissonants et disharmonieux.
SORDIDE reste fidèle à son nom, perfectionne ce son si particulier, et nous renvoie en enfer le temps d’un constat sans appel. Ce cinquième album, aussi spontané que bien réfléchi est une analyse morne et agonisante de notre société, vouée aux gémonies du moi, du surmoi, et du non-sens écologique et humain. Inutile de jouer les vierges effarouchées, tout le monde avait déjà bien compris.
Vous aussi. La réalité est ce qu’elle est. Aussi SORDIDE soit-elle. Et lorsque le jour va finir, il mourra de sa belle mort en sachant que le soleil ne se lèvera plus.
Titres de l’album:
01. Des Feux plus Forts
02. Nos Cendres et nos Râles
03. Le Cambouis et le Carmin
04. Sous Vivre
05. Banlieues Rouges
06. La Poésie du Caniveau
07. Ainsi Finit le Jour
08. La Beauté du Désastre
09. Tout est à la Mort
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