Ce quatrième album des madrilènes de LORDS OF BLACK n’aurait sans doute pas dû être ce qu’il est aujourd’hui. A la base, nous devions retrouver au micro un certain Diego Valdez, le légendaire vocaliste Ronnie Romero désirant se consacrer à d’autres projets, comme il l’a confirmé dans de récentes interviews. Mais allez savoir pourquoi, Ronnie est finalement revenu au sein de sa famille d’adoption, pour trouver Jo Nunez (DARKBLAZERS, FIREWIND, DRAGONLAND (live), GUS G. (live), ex-SUICIDE OF DEMONS, ex-NEGATE (live), ex-KAMELOT, ex-MERIDIAN DAWN, ex-NIGHTRAGE, ex-MARTY FRIEDMAN (live), ex-ABOUT: BLANK, ex-MYSTICA) assis sur le siège du batteur. C’est donc une formation qui ne ressemble pas vraiment au plan prévu que nous retrouvons pour ce quatrième album, qui annonce une seconde partie, comme les légendaires The House of Atreus ou Keeper of the Seven Keys. De l’ambition donc pour les espagnols, qui au tournant d’une carrière déjà riche et révérée, se sentent pousser des ailes, ailes qui les ont emmenés loin dans le ciel à l’occasion du décollage d’Icons of the New Days, leur troisième et très réussi album. Il faut dire qu’avec un line-up pareil, toujours soutenu par le leader Tony Hernando, et rejoint en 2017 par le bassiste Dani Criado, il y a de quoi avancer les moyens de ses ambitions, et Alchemy of Souls - Part I ne donne donc pas dans la demi-mesure ou l’hésitation. Il est toutefois aussi difficile de situer la musique du quatuor, sans faire appel au terme un peu vulgarisateur de « Progressif ». Mais en ces nouveaux sillons, LORDS OF BLACK démontre une fois encore qu’il n’est pas qu’un groupe démonstratif sûr de ses moyens, et qu’il est largement capable de composer des hymnes à la frontière du Hard Rock mélodique et de l’AOR, sans perdre en puissance dans les tours. Et sans savoir pour le moment si ce quatrième tome de la saga incarne la quintessence d’une démarche entamée il y a six ans, autant dire qu’il respecte à la lettre les standards de qualité mis en place par l’ensemble.
Retrouver une fois encore la voix de Ronnie Romero est toujours un plaisir en soi, lui qui a collaboré tout au long de sa carrière avec les plus grands (RAINBOW, THE FERRYMEN, VANDENBERG, WALTER GIARDINO TEMPLE, ERIDAN (live), MICHAEL SCHENKER FEST (live), CORELEONI, ex-JOSE RUBIO'S NOVA ERA, ex-SANTELMO, ex-ARIA INFERNO, ex-VOCES DEL ROCK). Un CV qui a de quoi laisser admiratif, et pourtant, on le sent comme à la maison dans le contexte de LORDS OF BLACK. Le groupe ne propose pourtant rien de fondamentalement nouveau depuis ses débuts, et profite de la disparition de combos comme SYMPHONY X pour imposer sa patte, qui mélange avec flair la complexité du Metal progressif moderne et l’efficacité du Heavy mélodique le plus puissant. Et dès « Dying To Live Again », on comprend immédiatement que les espagnols n’ont pas l’intention de changer leur recette d’un seul ingrédient, ce morceau d’entame propulsant immédiatement l’album au firmament des succès Frontiers de ces dernières années. Guitare rageuse et volubile, production contemporaine qui fait briller les chromes, phrasé Thrash dans les licks, rythmique hargneuse et millimétrée, et évidemment, la voix unique de Ronnie, capable de transcender n’importe quel classique de son vibrato magique. Le refrain hautement fédérateur affilie immédiatement les madrilènes aux classiques les plus intemporels du Power Metal maîtrisé, et le résultat laisse encore une fois bouche bée. Au fait de leur professionnalisme, et acceptant leur parcours non comme un fardeau à porter, mais comme une valise remplie d’astuces, les LORDS OF BLACK ne nous épatent pas de quelques coups d’esbroufe, mais bien d’un sens de la composition et de l’interprétation hors-normes. Et aussi classique sa musique puisse être, elle n’en reste pas moins l’une des plus efficaces du marché.
D’ailleurs, leur label italien n’hésite pas à les comparer une fois encore aux idoles immuables de MASTERPLAN et SYMPHONY X, osant même le parallèle avec IRON MAIDEN. Mais je trouve que dresser un parallèle avec de telles références est insultant pour les LORDS OF BLACK, qui n’ont pas besoin d’être mis en valeur par comparaison externe. Il suffit de parler de leurs propres dispositions pour faire éclater la vérité, et offrir au groupe le piédestal qu’il mérite. Nul besoin donc d’invoquer des gloires passées pour comprendre que ce quatrième LP est une nouvelle étape cruciale en soi, et il suffit de tendre les deux oreilles sur le tubesque « Into The Black » pour réaliser à quel point le quatuor est devenu une nouvelle pierre angulaire du style depuis ses débuts. La progression entre le premier chapitre éponyme et cet Alchemy of Souls - Part I n’est d’ailleurs pas si flagrante, ce qui indique que tout était déjà inscrit dans l’ADN du groupe depuis sa création. Si la voix de Romero est toujours le point d’attraction central, la guitare prolixe de Tony Hernando sait aussi se faire une place importante dans le cœur des fans, à tel point qu’en extrapolant un peu et en faisant preuve d’un soupçon de subjectivité, il serait presque possible de voir en LORDS OF BLACK une version moderne du RAINBOW de légende.
C’est en tout cas ce qu’on croit réaliser lorsque les quatre musiciens se laissent aller à une inspiration plus développée, à l’occasion du superbe « Shadows Kill Twice » qui n’est pas non plus sans évoquer le SAVATAGE le plus inspiré. Intro délicate au piano, guitare qui distille des interventions émouvantes, pour un crescendo bâti comme une légende qu’on raconte à ses petits-enfants. Du côté des longues suites évolutives, tout va bien, et cette première partie lâche au passage un long segment qui laisse des traces dans la mémoire, avec un impeccable et tragique « Alchemy Of Souls ». Dix minutes de feeling de premier choix avec au menu acoustique hispanique, violence couvée qui joue toujours à cache-cache entre le Power et le Thrash, chant lyrique qui vit ses textes et ne se contente pas de les interpréter, mélodie emphatique, tout est en place pour le déroulé théâtral, et ce morceau se pose d’ailleurs en fameux cliffhanger en attendant la suite des évènements. Mais n’anticipons pas trop sur cet Alchemy of Souls - Part II qui interviendra en temps voulu, et apprécions pour le moment ce que nous offre ce premier tome. A savoir des titres plus directs mais pas moins sophistiqués (« Closer To Your Fall »), des démonstrations de puissance à la DIO/Jorn LANDE (« Tides Of Blood »), et de petites choses plus coulées et digestes comme ce hit en puissance « Sacrifice ».
De quoi satisfaire tout le monde, rassurer les fans, et laisser présager une fois encore d’un futur des plus brillants pour les quatre espagnols. Un premier tome solide et varié, qui donne envie de connaître la suite sans trop attendre.
Titres de l’album:
01. Dying To Live Again
02. Into The Black
03. Deliverance Lost
04. Sacrifice
05. Brightest Star
06. Closer To Your Fall
07. Shadows Kill Twice
08. Disease In Disguise
09. Tides Of Blood
10. Alchemy Of Souls
11. You Came To Me (Piano Version)
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