Ouvrez vos chakras, respirez un bon coup, et au moment idoine, répétez votre mantra. C’est la condition sine qua non pour apprécier cet album de SANG FROID, qui échappe au Hard Rock comme il fuit le Heavy Metal. Pourtant, on y trouve des riffs, des ambiances lourdes, des atmosphères délétères, et une énergie qui n’a pas à rougir face aux acteurs majeurs de notre musique de prédilection. Néanmoins, il serait hypocrite de nier qu’il existe de solides connexions entre le Goth Rock et le Hard Rock. D’ailleurs de nombreux groupes du créneau ont fini par céder à l’appel de la distorsion, THE SISTERS OF MERCY et THE CULT étant les exemples les plus frappants.
Et puis SANG FROID est aussi lié tacitement à notre univers par la provenance de ses membres. On retrouve en effet au casting des membres de REGARDE LES HOMMES TOMBER et THE VEIL, soit un casting quatre étoiles pour un projet froid comme la nuit, et rigide comme un cadavre découvert au petit matin.
All-Nighter, premier album du projet, est de ces œuvres noires comme le cœur d’un misanthrope qui déambule dans les allées d’un quartier mal famé, ex-zone industrielle en friche depuis longtemps, sans réfléchir au sens de sa vie. Il est une balade organisée pour les noctambules qui refusent le sommeil, et qui passent leurs insomnies à questionner la pertinence de leur existence. La faune peuplant ce disque est donc liée à cette lune maladive et à ces néons blafards, comme si les années 80 revenaient à la vie sous l’impulsion de Jim Jarmusch.
Très ancré dans la nostalgie, All-Nighter accueille tous les perdus de la nuit, pour fonder une confrérie secrète. Avec des influences allant des COCTEAU TWINS aux SISTERS, en passant par TAXI GIRL, CHRISTIAN DEATH, et même les PLAY DEAD pourquoi pas, SANG FROID recycle avec beaucoup de panache les errances des corbeaux refusant la lumière du soleil, et persuadés de leur caractère d’immortalité.
Aussi triste qu’une zone résidentielle à peine éclairée, aussi morne qu’une petite ville de province après 22 heures, aussi résigné qu’un suicidaire sur le pont de ses regrets, All-Nighter ne fait pas que recycler, il créé de nouveau, réinvente les sonorités, et profite d’une excellente production (enregistrement, mixage et mastering par Benoit Roux au Drudenhaus studio de Nantes, une référence) pour gonfler les fréquences, et superposer les textures, entre claviers dépressifs et guitare en son clair blindée d’écho et de réverb’.
En découle une aventure hors du commun. En utilisant leur background commun et leurs différences, les musiciens nous offrent un film néo-noir passionnant, à l’intrigue simple, mais aux échanges denses. Dialogue entre les paumés qui n’ont d’autre rêve que de continuer à l’être, shot de cocaïne dans le nez pour supporter le malaise de la vie, bouteilles qui s’accumulent autour d’un banc de fortune, l’histoire n’est pas très gaie, mais elle a le mérite d’être simple et crédible.
Surtout à notre époque.
Gangrène poétique, All-Nighter est un virus qui s’insinue dans l’organisme comme le désespoir dans un esprit malade. Les mélodies mélancoliques, le mid tempo global et ce chant mixé au premier plan qui dispense son mal-être avec élégance font de ce disque une plongée en apnée dans un univers gothique moderne, débarrassé de tous ses oripeaux victoriens ou autres déguisements en latex qui n’amusent plus personne à part Ryan Murphy.
On se dit même par moments, lorsque le chant singe les intonations de ce cher Morrissey, que les SMITHS ne sont jamais loin, mais lorsque cette sensation nous chatouille la mémoire sur « House Of Resignation », SANG FROID passe immédiatement à un proto-Hard Goth de première qualité via le rigide mais dansant « Grace & Doom ». L’alternance est donc de mise, et le trio n’a pas utilisé les codes de la New-Wave pour faire joli ou impressionner les midinettes en cosplay et mantille de fortune.
Plein de candeur, abordant l’appropriation musicale avec beaucoup de tact, All-Nighter est une boite de nuit qui diffuse tous les hits des amateurs de noirceur sensuelle. Un nightclub qu’on imagine dans un coin perdu de Paris, ou dans une ruelle louche de Berlin, quelque part entre le réalisme cru de Lou Reed et les aventures marécageuses de Floodland. .
Ne cachons pas non plus l’importance du legs de JOY DIVISION, qui pèse sur la théâtralité du chant, ou celle de DEPECHE MODE, lorsque les synthés s’imposent (« The Eleventh Dawn »).
Terriblement accrocheur et addictif comme une seringue plantée dans le bras, ce premier album est un exercice de style fascinant et envoutant. D’une variété incroyable, il permet de revisiter les couloirs du temps, lorsque le jais était la tonalité indispensable, associée à des jabots incroyables. Ici, le déguisement est revu à la sobriété, les impers se portent longs, et les visages deviennent flous dans la pénombre.
Entre Cold Wave à la française et tutelle anglaise inévitable, SANG FROID garde le sien de bout en bout, et affronte ses ennemis sans trembler. D’une agression en mélodie torve (« Nightline ») en réaction Rock épidermique mais lunatique (« Inquisitive Nature »), All-Nighter est un scénario qui ne ménage pas ses rimes, et qui nous emmène loin, loin d’une faune résignée et déjà délavée par les espoirs morts au champ d’horreur.
Et si d’aventure, vous vous sentiez d’humeur un peu trop badine, laissez-vous aller à cette histoire d’amour entre les hommes de l’ombre et la nuit qui tombe. Le sang coulera peut-être, mais il sera noir et glacé.
Titres de l’album:
01. Proudly Ruining Yourself
02. Eternal Light
03. Lymphatic
04. House Of Resignation
05. Grace & Doom
06. The Eleventh Dawn
07. Nightline
08. Inquisitive Nature
Oui, les extraits m'ont tapé dans l'oreille et je compte investir (déjà qu'en ce moment je ne vois que du Gothique sur scène...). Et pourtant, je ne suis pas spécialement fan des groupes Metal dont les membres sont issus.
Oui, super disque effectivement ! "Grace And Doom" est déjà un de mes incontournables de l'année ! Je ne maitrise pas tous les groupes dont tu parles dans ta chronique Mort Né, cependant Sang Froid me rappelle pas mal l'ephémère mais sympathique groupe français du début des années 2000, Crack Ov Dawn. Surtout son premier album, et l'esthétique glam en moins. Le truc rigolo, Hreidmarr d'Anorexia Nervosa chantait dans Crack Ov Dawn, et aujourd'hui Benoît Roux Produit Sang Froid. Benoît Roux, producteur que j'adore (Shane Cough, Varsovie, Alcest, n'en jetons plus !) et ancien claviériste des géniaux Anorexia Nervosa ! La boucle est bouclée !
Intéressant... cela fait quand même très Depeche Mode et je me méfie de cette mode de monter des projets Post-Punk, Coldwave, Gothic pour les groupes de Metalleux, mais en même temps (oui je suis fan du Macronisme) c'est inévitable pour des gens qui ont eu leurs premiers émois musicaux dans les années 80, non?
En tout cas, personnellement, j'aime beaucoup le Hard Rock, le Metal sous toutes ses formes et aussi énormément la Coldwave, Post-Punk, Gothic mais depuis toujours donc bon... à voir sur la durée si ce n'était qu'une vague de mode, j'ai l'impression que l'ensemble de la scène fait son Host de Paradise Lost avant de revenir vers l'extrême...
Intéressant... cela fait quand même très Depeche Mode et je me méfie de cette mode de monter des projets Post-Punk, Coldwave, Gothic pour les groupes de Metalleux, mais en même temps (oui je suis fan du Macronisme) c'est inévitable pour des gens qui ont eu leurs premiers émois musicaux dans les années 80, non?
En tout cas, personnellement, j'aime beaucoup le Hard Rock, le Metal sous toutes ses formes et aussi énormément la Coldwave, Post-Punk, Gothic mais depuis toujours donc bon... à voir sur la durée si ce n'était qu'une vague de mode, j'ai l'impression que l'ensemble de la scène fait son Host de Paradise Lost avant de revenir vers l'extrême...
Perso' je ne m'en méfie pas, je juge sur pièces et si ça me plaît j'adhère. Mais mon parcours est plutôt d'avoir baigné dans la New Wave comme toute personne qui a grandi dans les années 80, puis de m'être stabilisé quelques années dans le Metal pur après de gros détours à travers toute la scène Rock et Punk, et enfin d'avoir compris lentement à l'approche de la trentaine que j'aimais vraiment toute cette scène aussi.
Je suis tout à fait d'accord pour remarquer que beaucoup d'artistes Metal finissent par faire du Gothique/ Post-Punk avant d'y revenir plus tard. Mais d'autres s'aventurent aussi pendant un moment dans une période Prog', Stoner, NéoFolk ou autre avant d'y revenir aussi (Carcass est le premier exemple qui me vient en tête) et j'y vois le même processus. Il doit y avoir quelque chose de profondément humain dans ce comportement qui nous ramène plus ou moins tard mais inexorablement à nos goûts de jeunesse.
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
19/11/2024, 21:57
J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
15/11/2024, 09:51
Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
14/11/2024, 09:20
J'imagine que c'est sans Alex Newport, donc, pour moi, zéro intérêt cette reformation.
11/11/2024, 16:15