C’est un rendez-vous qu’on apprécie. Une rencontre qui a lieu tous les deux ou trois ans, et qui entraîne des discussions sans fin entre fans. Une façon de se rappeler que la routine a quelque chose de bon parfois, de retrouver ses marques, de se voir rassuré par une constance. Les norvégiens de SARKE tiennent à ces rendez-vous, qu’ils organisent avec soin, histoire de ne décevoir personne. Mais depuis la fin des années 2000, le collectif d’Oslo n’a jamais déçu personne bien au contraire, alors, au moment de lâcher sur le marché son septième album, la confiance est de mise. Car si le style a légèrement évolué depuis les débuts, il garde cette empreinte sombre, cette patine old-school raw qu’on aime tant, et au moment de relater les faits développés par cet Allsighr, distribué par Soulseller Records, on sait que les mots seront en grande partie vains tant le following des norvégiens est déjà aux aguets de la moindre critique négative. Et à raison.
Depuis Gastwerso il y a deux ans, peu de nouveautés de la part de SARKE. Un changement de batteur, avec l’arrivée de Cato Bekkevold (ex-DEMONIC, ex-SIRIUS, ex-ENSLAVED, ex-RED HARVEST, ex-DUNKELHEIT, ex-ARCTIC THUNDER, ex-ASHES TO ASHES, ex-REAKTOR), une même base inchangée depuis 2011 (Sarke - basse, Nocturno Culto - chant, Steinar Gundersen - guitare, et Anders Hunstad - claviers), pour un side-project devenu entité viable depuis très longtemps. Bien sûr, les thématiques sont toujours les mêmes, l’ambiance aussi, mais ce côté macabre ludique a largement sa place dans la production actuelle, tant le quintet et sa touche personnelle détonnent dans le paysage musical extrême.
Avec ces dix nouveaux morceaux, le groupe propose encore une relecture des canons rigides des années 80, et se présente toujours comme l’enfant bâtard et mélancolique de HELLHAMMER. Toujours aussi proche des débuts approximatifs et congelés de Thomas Gabriel Fischer, le duo Sarke/Nocturno Culto continue ses variations sur un même thème, et tente encore de voir si des extrapolations sur le séminal Apocalyptic Raids sont possibles. Et la réponse est évidemment positive, puisque Allsighr déroule encore une fois ce tapis de riffs simples et directs, subtilement macabres et graves, et soutenus avec pugnacité par des volutes de claviers gothiques. Comme une sorte de jonction entre TYPE O et HELLHAMMER, SARKE se veut brut de chez brut, mais toujours animé d’une foi harmonique palpable, ce qui a le don de rendre sa musique aussi hypnotique que par le passé. On se souvient aussi des albums les plus catchy de DARKTHRONE, sans que le parallèle ne soit totalement viable. En effet, le quintet fuit toujours comme la peste les sonorités les plus classiques de la Norvège, et il est hors de question pour Noctunro Culto de faire de la paraphrase egocentrique.
Ce qui entraîne une sorte de statuquo rassurant. Les titres se succèdent, sans s’éloigner de cette formule magique, et profitent encore une fois de cette superbe production détaillée. Enregistré par Børge Finstad et Kevin Kleiven aux Top Room Studios, mixé par Lars Erik Westby et masterisé par Thomas Eberger, Allsighr réserve encore une fois ces moments de lancinance appuyée, mais aussi ces accélérations en up tempo, qui permettent de varier sans se trahir. Difficile de résister au groove épais de « Beheading of the Circus Director », sorte de Black Stoner mauvais comme une teigne, comme il est impossible de rester de marbre face à l’attaque frontale de l’entame « Bleak Reflections ». Propulsé par un solo tout moisi, ce morceau d’introduction lâche encore une fois un lick, syncopé que la voix rauque de NC transforme en hit de l’impossible, qui aurait pu être composé par un CELTIC FROST chafouin à l’époque de Vanity/Nemesis. Pas plus de quatre minutes par morceau, pas plus d’un ou deux riffs, pas plus d’un break, et surtout pas de fioritures inutiles, même si « Through the Thorns » cristallise la mélodie autour d’une ambiance presque Pop.
Etape en forme de martellement du sol pour une transition qui marque le pas, Allsighr fonctionne puisque ses compositions sont excellentes, entre pesanteur Heavy traitée façon BM léger, ou Black/Thrash de tradition déformé Post-Grunge (« Glacial Casket », l’un des meilleurs titres du lot avec ses arrangements de fond qui congèlent les tympans).
Beat pataud mais appuyé, guitare volubile mais ascétique, chant monolithique renoncé et distancié, claviers gothiques qui agrémentent le tout d’une petite touche joyeusement morbide, mid-tempo maladif en phase terminale (« The Reverberation of the Lost »), pour un au-revoir crépusculaire (« Imprisoned »), scellant des retrouvailles qui laissent un goût délicieusement amer dans la bouche. Sans se réinventer, SARKE continue son chemin, simplement, mais toujours efficacement. Aucune faille, des répétitions intelligentes et sournoises, une lancinance de fond qui le confine à la léthargie dangereuse, pour un nouvel album qui tient son rang dans la discographie globale.
Titres de l’album:
01. Bleak Reflections
02. Grim Awakening
03. Funeral Fire
04. Allsighr
05. Beheading of the Circus Director
06. Through the Thorns
07. Glacial Casket
08. Sleep in Fear
09. The Reverberation of the Lost
10. Imprisoned
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