Petit cours d’éducation musicale lusophone ce matin. Lorsque votre passion pour le Thrash allemand prend le dessus, inutile de résister, l’envie étant plus forte que tout. C’est certainement ce que doivent penser ces quatre musiciens (Rick - chant/basse, Paulão & Marouco - guitares et Ângelo Sexo - batterie/session), qui depuis 2008 laissent voguer leur inspiration du côté de la Ruhr des années 80, centre d’intérêt autant qu’obsession qui se manifeste autour d’une expression brutale qui ma foi, se montre plus que jouissive. Leur histoire a débuté comme des centaines d’autres, par une anecdote tout à fait personnelle, que nous narre Rick, le frontman de cette formation pas farouche pour deux sous. Profitant d’un après-midi chômé, l’homme a abusé d’un matériel informatique fraichement installé sur son PC pour trousser une composition vite fait, à laquelle il ajouta quelques pistes de batterie le lendemain, histoire de se faire la main. De ce point de départ naquit le projet PERPETRATÖR, qui de son nom et de son son ne cache en rien ses motivations nostalgiques, évoquant avec énergie l’époque où le Thrash germain dominait l’Europe, via la suprématie des SODOM, KREATOR, LIVING DEATH, HOLY MOSES et autres DESTRUCTION. Ce projet s’est articulé autour de valeurs sures de la scène Metal portugaise, puisque les mecs n’en sont pas à leur coup d’essai, traînant leur guêtres dans le milieu et sur les côtés depuis la fin des années 80 et le début des années 90. Membres ou ex-membres de formations aussi diverses et underground que FILII NIGRANTIUM INFERNALIUM, RAVENSIRE, THE FIRSTBORN ou OMISSION, les quatre originaires de Lisbonne ne font pas dans le détail et visent plutôt le carton plein, et laissant parler des rythmiques salement atomiques, des riffs qui tranchent dans le lard, et des vocaux typiques, assez proches des tonalités d’un Schmier bien énervé.
Le résultat ? Un second LP, très attendu, et distribué par les locaux de Caverna Abismal, qui connaissent bien la chanson de l’extrême pour en faire régulièrement la promotion toutes les semaines. Mais l’enthousiasme du label est amplement justifié, au vu de l’énergie déployée, et en tant que révérence d’une époque de violence, Altered Beast se pose là, et alterne coups de boutoirs et saccades dans le noir, pour nous faire headbanguer comme des damnés toute la journée. Et il est certain que l’allant dont font preuve les PERPETRATÖR est plutôt contagieux et convaincant, puisqu’en quarante minutes, les maniaques font le tour de la question du Thrash qui claque, légèrement blackisé par des intentions démenées, qui s’articulent autour de constructions simples mais pertinentes. La sauvagerie n’empêche nullement quelques préciosités d’interprétation, et loin de passer pour de simples bourrins en quête d’expiation, Rick et les siens se montrent décidément très malins, en ne choisissant que les meilleurs morceaux de la boucherie d’outre-Rhin, ceux-là même que les DESTRUCTION traient de bon matin pour trousser des albums vraiment chafouin. On flirte même avec la violence la plus drue en quelques occasions, lâchant même quelques blasts hors ton, sur le phénoménal et hystérique « A Fleeting Passage Through Hell », l’un des plus dynamiques et épidermiques de la livraison. En comparaison d’un Thermonuclear Epiphany encore un peu gauche et publié il y a trois ans, Altered Beast s’est professionnalisé, sent le peaufiné, et nous laisse écrasé sous une chape de plomb Thrash que rien ne vient alléger, puisqu’on sent même en arrière-plan quelques accointances de scène et de langue avec les frères brésiliens de la fin des années 80, lorsque la débauche se veut plus bestiale et radicale (« Terminal Possession », au staccato dément de précision).
Enregistré, mixé et masterisé par Paulão le guitariste entre 2013 et 2017, ce deuxième LP a largement eu le temps d’arriver à maturité, en gardant une fraicheur qui fait plaisir à écouter. On y retrouve une vitesse d’exécution parfois déraisonnable mais tout à fait appréciable, des vocaux rageurs et des guitares qui découpent avec ferveur, soit un mélange explosif de tout ce que le style compte comme influences fondamentales. Mais c’est vraiment l’investissement des musiciens qui laisse pantois, à tel point qu’en écoutant ce disque, on a le sentiment de les voir on stage, face à une foule en furie prête à devenir maboule au moindre enchainement de soli. La bestialité est toujours à portée d’oreilles, même si celle-ci est gardée sous contrôle, et « Jungle War » de proposer une hybridation entre le Thrash/Black sud-américain et les instincts les plus déviants des DESTRUCTION, pour une hystérie connective qui nous vrille les neurones et nous laisse aphone. Mais à vrai dire, dès l’introduction venteuse de « Altar of The Skull » qui dégénère vite en quadrille Thrash mené tambour battant, on sait très bien ce qui nous attend, et qui se montre très alléchant. Impossible de résister à l’exubérance d’un groupe qui a tout compris à l’outrance, en qui en joue le jeu en toute allégeance, retrouvant les pulsions homériques d’une scène US et teutonne qui à l’époque se tiraient la bourre pour savoir qui faisait le plus de bruit. Niveau technique plus qu’appréciable, basse qui refuse de se cantonner au simple rôle de morceau de scotch entre la guitare et la batterie, et surtout, festival de riffs en tous genres, qui s’accordent très bien d’un chant sournois et narquois, qui reste aux abois, et qui mord dès que s’approche de trop près sa proie.
C’est complètement jouissif, souvent à la limite d’un Thrashcore joué à la vie à la mort (« Extreme Barbarity », les DEATHROW de « Pledge To Die » apprécieront la citation), parfois plus ambitieux mais pas moins teigneux (« Hellthrasher », légèrement crusty sur les bords, mais honorant un riff rock n’roll que les TANK et AT WAR n’auraient pas renié), et finalement, très heureux dans sa concrétisation d’une vision nostalgique d’une musique qui n’a jamais quitté notre cœur depuis ses années les plus épiques. Les PERPETRATÖR se montrent orfèvres en la matière, et nous troussent onze hymnes de fer, pour s’imposer dans la vague revival qui revend ses places de plus en plus chères, mais qui d’un autre côté ne filtre pas le grain de l’ivraie. Ici, c’est un sain étourdissement qui vous attend, de ceux qu’on encaissait il y a trente ans sans broncher, et qui donnait envie d’y retourner, tant le plaisir procuré valait cent fois le mal de tête causé. D’ailleurs, loin d’être de gentils massacreurs d’harmonie, les portugais terminent même leur attaque sur un brin de lyrisme, via les interventions vocales du nucléaire « Black Sacristy » signées Flávio Lino, qui évoque une version contaminée d’une rencontre près d’un réacteur qui fuit entre DESTRUCTION et HELLOWEEN. Inutile donc de chercher le moindre point faible sur Altered Beast, puisqu’il n’est que force et folie, démence et puissance, et qu’il nous abreuve de son Thrash sans marquer le moindre silence, mais sans jamais manquer d’inspiration ou d’urgence. Les portugais sont donc remontés comme des pendules, et se croient calife à la place du calife, prenant la place d’un DESTRUCTION que le temps a rendu moins grognon.
Titres de l'album:
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Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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