TOGETHER TO THE STARS. Ça pourrait ressembler au nom de baptême d’un projet caritatif, ou à un projet humanitaire destiné à lever des fonds pour une cause quelconque, ou encore à un projet spatial de découverte d’une nouvelle galaxie, et en tout cas, ça laisse songeur, et interrogatif quant au contenu éventuel. Et finalement, après écoute, cette dernière option pourrait coller à l’optique, puisque ce nouveau groupe propose en effet une musique stellaire, aux confins de plusieurs univers, qui emprunte tout autant au Shoegaze, au Post Black, qu’ au Post Metal de quoi alimenter son imaginaire. Le Blackgaze n’étant pas toujours exempt de reproches, l’attitude du chroniqueur sera celle de la méfiance, beaucoup d’albums du cru prenant de faux airs de contemplation stérile à base de mélodies répétitives et d’alternances prévisibles entre passage d’une crudité abrupte et longues digressions harmoniques, pas toujours créatives, et la plupart du temps redondantes comme un leitmotiv un peu trop facilement martelé. Mais il y a quelque chose de différent sur cet An Oblivion Above, qui justement évite les facilités pour explorer des pistes sinon nouvelles, du moins pas forcément trop marquées par le sceau de la tradition. Fondé à Stockholm, ce duo suédois nous offre donc une nouvelle tranche de vie méditative, qui se base sur des références établies, et qui tente par tous les moyens de les transcender pour les faire oublier, et se concentrer sur des choses un peu plus personnelles. Avec seulement deux musiciens aux commandes, la complaisance était à craindre, d’autant plus qu’un seul des deux s’est chargé de la partie créative, ce qui souvent n’offre pas le recul nécessaire à l’objectivité, et pourtant, malgré quelques facilités, l’ensemble propose un trip intégral qui nous évade d’une réalité trop restrictive, sans tomber dans les ellipses ni dans l’abstraction la plus confuse.
Plus factuellement, TOGETHER TO THE STARS est donc l’association entre David Steinmarck, le touche à tout du duo, qui outre sa polyvalence instrumentale a aussi pris en charge la composition et l’écriture, laissant le chant à son comparse Franco Fuentes, qui donne corps et âme à des textes parfois abscons, et à une musique terriblement attachante et séduisante dans le fond et la forme. Pas grand-chose de réellement intéressant à raconter sur les deux hommes, qui ne prennent pas le temps d’expliquer le pourquoi du comment, et qui préfèrent laisser leurs chansons parler pour eux. Leur label au contraire pose quelques jalons pour attirer le chaland, et propose donc ce premier LP aux fans de HERETOIR, ANOMALIE, AMESOEURS ou HARAKIRI FOR THE SKY, ce qui n’est ni complètement faux, ni vraiment pertinent. Certes, les quatre références utilisées permettront de mieux appréhender un projet qui utilise des recettes convenues, mais l’ambiance assez prenante que les deux suédois sont parvenus à créer mérite mieux que quelques comparaisons faciles, d’autant plus que leurs choix d’instrumentation opposent une liberté personnelle bien plus grande qu’une simple somme de références. Et bien loin de l’ennui profond dans lequel nous plonge souvent le Blackgaze, ce premier effort tente par tous les moyens de s’extirper de sa condition, spécialement lorsqu’il parvient à susciter des émotions contraires. Et de l’émotion, An Oblivion Above en regorge, et en offre à tous ceux qui oseront tenter l’expérience, une expérience humble qui ne se dépare pas d’une indéniable ambition. Avec deux titres qui passent aisément la barre des dix minutes, et un qui les frôle, les deux acolytes ont pourtant pris des risques tout en collant à la philosophie de leur approche, mais trouvent toujours des arrangements notables ou des harmonies qui s’incrustent dans la tête, suggérant parfois qu’ils sont allé chercher leur inspiration du côté d’un ciel qu’ils se plaisent à contempler de son infini.
Nous sommes donc assez loin des facilités et des politesses d’usage d’une étiquette définie à l’époque par les DEAFHEAVEN, même si l’ombre d’ALCEST plane parfois au-dessus des nuages. Pas vraiment contemplatif dans les faits, ni basé sur une utopie de réunion des genres, ce premier chapitre d’une nouvelle saga offre un visage multiple aux expressions homogènes et cohérentes, et une fois de plus, oppose un chant purement BM à des guitares complètement Post, pour créer ce décalage classique entre brutalité et séduction, sans vraiment choisir son camp, mais en parvenant à mettre une osmose tangible en place. Et le choix d’avoir entamé leur première œuvre par un titre aussi ample que « Timeless », qui en effet se joue du temps rappelle le culot de l’OPETH d’Orchid, qui lui aussi ne nous laissait aucune préparation pour affronter le chaos à venir. Et bien que les deux groupes finalement ne partagent pas grand-chose, si ce n’est cet affranchissement volontaire des étiquettes, il est tout à fait pertinent de les comparer, spécialement à cause de cette guerre que se mènent sans cesse des riffs purement sombres et des mélodies éthérées, dualité soulignée par des lignes vocales enterrées dans le mix, qui hurlent leur mal-être dans le lointain. Il est aussi possible de trouver des corrélations entre les suédois et VATTNET VISKAR, si l’on se souvient bien du voyage spatial proposé par le fulgurant Settler que les américains avaient publié en 2015, et qui trouve ici un écho non négligeable. Bien sûr, le néophyte se demandera sans doute pourquoi les plans se répercutent avec une telle régularité, et se posera la question de la pertinence de la viabilité d’un tel projet, mais le fan de Post comprendra très vite que les TOGETHER TO THE STARS, sans être vraiment novateurs osent quand même aller jusqu’au bout de leur démarche, et avalera d’une traite le long et épique « Apathy », qui sublime ce sentiment de stagnation asthénique, le bousculant d’une partie centrale en tourbillon de blasts sur fond de tapis de riffs acides.
L’interlude électrico-acoustique « Shrine » nous permettant de reprendre notre souffle avant la dernière déflagration, c’est l’esprit plus ou moins apaisé que nous encaissons le dernier choc de « Sanctuary », qui appuie un peu plus sur l’emphase BM, avec son rythme soutenu et ses guitares plus recentrées. C’est d’ailleurs l’épilogue rêvé de ce genre d’entreprise, et celui qui se rapproche le plus des fondements mêmes du Post BM des origines, n’hésitant pas à casser le schéma trop bien établi, même si son break central reste bluffant de pureté cristalline. Et l’un dans l’autre, et les minutes passant, on se rend compte que les quarante-deux passées en compagnie des suédois le furent très vite, ce qui est toujours bon signe. Sans vraiment chercher à bousculer l’ordre établi du Blackgaze et du Post, les TOGETHER TO THE STARS y soufflent un vent d’air un peu plus frais, et donnent le signal de départ d’une carrière qui pourrait être plus riche que la moyenne. Attendons de voir s’ils confirment à l’avenir avant de nous croire propulsés dans les étoiles. Celles-ci restent à vue, mais encore hors de portée, et leur approche nécessitera un peu plus d’audace en propulsion.
Titres de l’album :
1. Timeless
2. Oblivion
3. Apathy
4. Shrine
5. Sanctuary
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