Vous prendrez immédiatement note de la subtilité du titre de cet album. Ce pastiche de METALLICA est en effet l’un des plus raffinés du marché, et en dit long sur l’humour de ces trois gus. Ce qui tombe finalement à merveille, puisque les anglais de GORGONCHRIST sont du genre tongue-in-cheek, et qu’ils n’aiment rien tant qu’un bon jeu de mots sur fond d’apocalypse musicale. En voyant les pingouins sur leurs photos promo, on comprend que les blagues, galéjades, crocs-en-jambe verbaux sont leur tasse de thé de cinq heures de l’après-midi, mais moins que leur musique est prise au sérieux tout en se montrant amusante et osons-le terme, cocasse.
GORGONCHRIST s’épanouit donc dans un genre de Black Punk moins rustre qu’il n’y parait. Cinq ans après un premier album plus ou moins remarqué par l’underground, les trois anglais (Si Leibbrandt - batterie, Paul « Carps » Carpenter - guitare/chœurs et J.J Flames - basse/chant) confirment donc leur statut de trublions avec force grimaces et autres pirouettes punk, via cet And Justice For Balls à la pochette qui vaut son pesant de roustons.
Le comic-Metal ou le parody Metal sont des genres qui supportent le grotesque, mais rassurons-nous. And Justice For Balls n’a rien d’une blague vite griffonnée sur la nappe en papier d’une table de pique-nique, et reste un véritable album de Hardcore/Punk joué avec l’énergie du Black et la rage du Crust. Très anglais dans le fond et la forme, il propose de véritables morceaux construits, voire même progressifs parfois, invitant aux agapes de la violence le souvenir de la scène Anarcho-Punk anglaise et l’émotion d’un BATHORY/HELLHAMMER en poster pour le mur de la chambre.
D’ailleurs, avec un timing de quarante-cinq minutes, ce troisième album fait part de ses ambitions avant même que sa première note ne nous donne le frisson. Autoproduit, joué avec conviction, ce disque est une réussite majeure dans le parcours du trio, qui parvient à une sorte de sérénité artistique tout en conservant son statut d’assemblée de gentils bourrins épileptiques.
Evidemment, GORGONCHRIST est réservé à tous ceux qui pensent que la sophistication, c’est pour les bouffons. Joués comme à la parade, enrobés dans une production grossière et charbonneuse, ces onze morceaux sont autant de preuves à charge de l’indélicatesse des joyeux, qui rentrent dans le lard sans savoir si la couenne est assez épaisse. « Toaster Inferno », et son refrain scandé en mode stade de foot est un exemple parmi tant d’autres, mais il est le premier d’une longue liste, et sans aucun doute le plus significatif. Ce qui n’empêche guère nos trois amis de développer des théories plus ambitieuses, sur « Legs of a Penguin », au baptême burlesque.
« I Cum Brûlée » pastiche nos chers CANNIBAL CORPSE, sans chercher à faire jeu égal en bestialité. On peut se vouloir amusant et ne pas souhaiter amuser la galerie, en jouant une musique solide, épaisse, sombre, mais festive à la fois. C’est cet art consommé de l’équilibre qui rend les GORGONCHRIST si irrésistibles, avec ces plans simples mais accrocheurs qui nous font comprendre pourquoi on s’est laissé tenter par l’opération.
Loin de la facilité d’un ULTRA VOMIT qui se contente de copier et de traduire grossièrement, GORGONCHRIST se creuse les méninges pour trouver des appropriations personnelles, et nous éclater les burnes d’un énorme riff à la NAPALM DEATH (« Anal Civilisations », qui semble piqué à Scum, et m’est d’avis que c’est fait exprès). Primesautier mais lucide, respectant les engagements anglais en termes de révolte second degré, And Justice For Balls est juste assez diversifié pour se faire remarquer. Quand le tempo s’envole, on s’emballe et lorsque les guitares s’emballent, on s’envole. C’est le principe du balancier, appliqué aux attractions les plus terrifiantes des parcs à sensations, dont GORGONCHRIST pourrait faire partie.
Sans être l’employé du mois s’entend.
« Monkey Pump » semble se faire plaisir en dénonçant les travers de la scène fusion des nineties avec un brin de détachement et de flegme totalement anglais, « Dr. Lovefire » clôt les débats avec une belle fermeté Heavy (et quelques répétitions obsédantes en mode « I Want You » des BEATLES), et la fête est déjà finie.
Vous pouvez la continuer à la maison, en jouant cet album à fond les ballons. Black, Metal, Punk, Crust, Hardcore, tout ce que vous voulez est inclus dans le pack livré aux amateurs. Décidément, ces histrions manient aussi bien la guitare à bec que moi les boutades moisies, mais ils savent au moins garder pied avec une lucidité burlesque de bon ton.
On rigole, mais on s’affole.
Titres de l’album :
01. Toaster Inferno
02. Pork Sword of Damocles
03. The Dragon’s Treasure
04. Questions from a Victorian Mortuary, Pt. 4
05. Legs of a Penguin
06. I Cum Brûlée
07. Anal Civilisations
08. Questions from a Victorian Mortuary, Pt. 69
09. Satanic Cunt Slicer
10. Monkey Pump
11. Dr. Lovefire
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