Perdu dans un mail promo, on se méprend parfois sur la nature intrinsèque d’un groupe qu’on associe inconsciemment à ceux juxtaposés dans les propositions de chroniques. Ainsi, aligné sur SKALD, j’avais sottement rangé les NORD dans la catégorie Pagan/Epic/Viking, et les genres n’étant pas dans mon champ de perception, j’étais prêt à faire l’impasse. Et c’est un rappel de la boite de management qui m’a mis la puce à l’oreille, et qui m’a poussé à m’intéresser à ces étranges musiciens pratiquant une étrange musique. Car non, les NORD ne se répandent pas en effluves de légendes nordiques et en nostalgie des drakkars et d’une certaine forme de virilité Folk, mais mettent leur créativité au service d’une musique plurielle, à la croisée des chemins Post, Alternative et Hardcore, pour le plus grand bonheur des fans d’originalité maîtrisée. Et si le groupe a patiemment attendu six années pour enfin proposer son premier longue-durée, il convient d’y voir une volonté d’offrir au public un produit fini et léché, à l’efficacité proportionnelle au désir de s’extirper des carcans et des querelles de style. Fondé en 2012 à Paris, NORD se veut donc le chantre d’une certaine évasion musicale, et d’une complétude dans l’hétérogénéité, mais surtout, une assemblée de musiciens à la culture variée et aux envies bien précises. Et And Now There's Only A River Left Behind, de son interminable intitulé de prôner des valeurs mélodiques et métalliques, dans une pulsion générique viscérale de piocher là où bon lui semble ses influences, rappelant tout autant le Post Hardcore que le Metal alternatif, sans se départir d’un sens harmonique très prononcé et d’une complexité de ton qui n’empêche nullement la percussion. Mais à vrai dire, un combo capable en quelques secondes de son morceau d’ouverture de rappeler THE OCEAN et les SMITHS est assurément digne d’intérêt, d’où cette prose pour vous les présenter.
Après avoir publié un premier EP en 2015 (Monsters), ce trio iconoclaste (Florent Gerbault - guitare/chant, Romain Duquesne - basse/samples et Thibault Faucher - batterie) a donc concentré ses meilleures idées en dix titres, qui nous proposent un voyage dans les méandres d’un Rock décomplexé, et affranchi de toute obligation, passant sans vergogne de longs passages contemplatifs Post à de soudaines crises de colère Rock, sans sonner hors-contexte ou opportuniste. Produit et réalisé par Clément Decrock au Boss Hog studio (FALL OF MESSIAH, THE PRESTIGE), And Now There's Only A River Left Behind est une sorte de jeu de piste avec petits cailloux semés pour trouver le chemin au travers d’une forêt censée vous ramener à la maison Metal, qui égrène ses psaumes avec une intelligence rare et une ouverture d’esprit manifeste. Si le son global semble trouver ses racines dans la vague Post-Néo des années 90, les arrangements, les structures adhèrent aux principes Post Rock des années 2010, et dès lors, pas étonnant de retrouver le nom de THE OCEAN dans le casting des références avouées. Mais bien que les deux groupes partagent bien des points communs, ils n’en sont pas moins différents pour autant, même si ces éclairs de guitare tournoyante rapprochent encore un peu plus les deux concepts, sans que l’on ne puisse parler de plagiat ou de copie un peu trop appliquée. Non, et en citant le Math Rock comme une source possible, les parisiens s’extirpent d’eux-mêmes de parallèles trop fermes, et nous permettent de ne pas juger sur pièce, mais réclament un effort d’écoute pour mieux appréhender leur musique si riche et émotionnelle. La technique instrumentale individuelle est prépondérante, mais pas suffisamment pour faire sombrer le projet dans une démonstration égocentrique de capacités admirables, et tous les titres possèdent une accroche particulière, détachant le détail de l’ensemble sans pour autant nuire à la cohésion. C’est donc bien à une alternance violence/quiétude à laquelle nous avons droit, et il n’est pas difficile de dégager une équation capable de résoudre les inconnues. Et en acceptant le petit jeu de l’alignement, j’ose pouvoir affirmer qu’en combinant dans une même énigme les interrogations mélodiques des DEFTONES dernière génération, les déambulations harmoniques contemplatives de THE OCEAN et les accès de déstructuration des CANDIRIA, on obtient la problématique NORD, qui échappe donc à toute étiquette un peu trop bien collée. N’importe quel morceau peut tenir le rôle de preuve patente, même si certains comme « Holy Mountain » ou « The Quiet Walker » semblent prédestinés à servir d’incarnations viables pour définir les frontières d’un monde où la beauté et la noirceur cohabitent, comme toute bonne digression Post qui se respecte.
De là à accepter la composante Mathcore comme partie intégrante d’une créativité revendiquée, il y a un pas que je ne franchirai pas. Certes, parfois le propos se densifie, les riffs deviennent plus épais et déconstruits (le final de « Holy Mountain »), mais des alternatives apaisées comme « The Only Light » penchent trop vers les SMASHING PUMPKINS pour que l’on puisse même partiellement affilier les parisiens à la mouvance des DILLINGER. De la simplicité donc dans les ambitions, de l’envie dans les constructions, mais surtout, la volonté de proposer une musique sans ornières, factuellement progressive (non dans la prétention de plans accumulés mais dans les digressions mélodiques étirées), qui n’éprouve aucune honte à intégrer des éléments synthétiques ou des arrangements de cordes (Violon par Hélène Brunel, Violoncelle par Anne Brunel), pour mieux les dissimuler sous une épaisse couche de guitares, empilées par un Florent Gerbault qui pioche dans tous les registres pour tisser une toile sonore gluante. Difficile de résister à ces pulsions passant allègrement du Metal le plus impitoyable au Post Rock le plus modelable (« Ektos/Plasma »), et ménageant le chou Rock pour caresser la chèvre Hardcore, tout en faisant de l’œil à une forme très personnelle de Post Pop profitant du chant très aérien et fluet de Florent pour s’imposer dans l’ombre et alléger des morceaux qui auraient pu sonner trop classique parfois (« Watch This Burn »). Certes, pour le moment, l’ombre de groupes témoin est encore un peu trop prononcée pour exposer les NORD en pleine lumière, mais avec quelques années de plus, il y a fort à parier que le trio parviendra à se dégager de ses références pour s’affirmer en tant que telle, en s’appuyant sur cette capacité à travailler ses transitions pour les rendre moins optionnelles que d’ordinaire (« Silent Shapes » et « Xibalba », qui malgré leur brièveté sonnent comme de véritables chansons, et non comme des interludes de facilité).
Et si en conclusion « And Now There's Only A River Left Behind » peut s’apparenter à un gigantesque melting-Pot évoquant une porte de sortie Post Progressive, les idées s’accumulant comme autant de pistes à suivre, ce premier album témoigne d’un talent indéniable, et d’une personnalité attachante et envoutante. Ce qui prouve qu’il faut faire très attention lorsque vous jetez un œil à tous ces mails promotionnels que vous pouvez recevoir. Parfois, un trésor enfoui s’y cache, et sans y faire attention, vous risquez de le laisser sous terre et de passer à côté d’une découverte assez estimable.
Titres de l’album :
1.The Quiet Walker
2.The Only Light
3.Ghost
4.Near Death Experience
5.Silent Shapes
6.Watch This Burn
7.Holy Mountain
8.Ektos/Plasma
9.Xibalba
10.And Now There's Only A River Left Behind
Pour moi, par ordre décroissant préférentiel, ce sera :Massacra - Enjoy the ViolenceMercyless - Abject OfferingsLoudblast - Disincarnate
23/04/2025, 12:56
Allez, mon top 3 français des années 90: Massacra - Signs of the Decline Mercyless - Abject OfferingsLoudblast - Sublime Dementia
23/04/2025, 08:42
Je rajoute une couche avec l'album d'Anialator sorti en fin d'année dernière. Je l'ai beaucoup écouté et l'écoute encore avec plaisir.
22/04/2025, 19:35
Plus fan de Massacra que de Loudblast perso, même si je possède les deux premiers albums du groupe.
22/04/2025, 19:34
De mon côté j'ai toujours eu du respect pour le groupe même si ce n'est pas ma génération, je n'étais pas né quand ils se lançaient... Donc ils ne m'ont pas marqué comme ils ont pu le faire avec leurs fans de la prem(...)
22/04/2025, 17:35
Pour moi Loudblast, ce sont des suiveurs avec un bon train de retard sur ce qui se fait à chaque époque et Clearcut fait partie de cela... Bref, je ne suis pas très client de leurs albums, on m'avait chanté les louanges de Burial Ground, je me suis ennuyé..(...)
22/04/2025, 16:04
@RBD : ton dernier paragraphe est plein de vérité. Quant au pseudo DPD je préfère le laisser croire ce qu'il veut. Vu comment il écrit, il a pas dû encore sortir de l'école. J'encourage néanmoins les thr(...)
22/04/2025, 13:35
@Tourista : tu t'es trompé, la news sur les 40 ans de Loublast, c'est plus haut
21/04/2025, 20:53
Le Metal est parfois sur le fil du rasoir de la beauferie... Voire tombe carrément dedans.
21/04/2025, 11:45
Vidéo vue, merci.De mon côté, je préfère le son de Sublime à celui de Disincarnate et c'est aussi le style de death que j'affectionne. Bien lourd, posé et mid tempo tout en étant agressif. Par exemple, c'est pour cela qu(...)
20/04/2025, 18:02
Comme je le dis dans la vidéo, leur sommet c'est Desincarnate. Puis The Burial Ground. Je suis moins fan de Sublime.
20/04/2025, 14:08
Pour moi Loudblast c'est surtout Sublime Dementia et Cross the Threshold. (Quand à la vidéo je ne manquerai pas de la regarder ce soir).
20/04/2025, 12:45
Si je comprends, cette charge allait contre cette part non négligeable du public Metal qui reste bloquée aux groupes de leur jeunesse mais ont cessé de se tenir au courant dès qu'ils ont reçu des responsabilités (premier travail, première rela(...)
19/04/2025, 14:36
J'écrit comme un enfant de 5 ans ici et je dois encore ajouter des précisions, imagine le truc, peut-être que l'Ehpad c'est metalnews au final. Combien de personnes postent depuis leur lit de mort ici ?Le metal généraliste c'est d&eacut(...)
19/04/2025, 09:13
J'ai pas tenu 30 s...J'imagine qu'ils seront sur la mainstage au HELLFEST en juin prochain non ?
19/04/2025, 08:38