Une petite mise au clair avant d’aller plus loin, pour planter le décor et les thématiques :
Le syndrome de Korsakoff (ou syndrome amnésique avec fabulations ou psychose de Korsakoff ou démence de Korsakoff) est un trouble neurologique d'origine multifactorielle dont une carence en thiamine (vitamine B1) au niveau du cerveau. Il se manifeste par des troubles neurologiques notamment de la cognition (amnésie).
Voilà. Vous savez maintenant dans quel monde vous allez vous immerger, via ce deuxième album distribué par les spécialistes de Source Atone. A (instrumentation et arrangements), et E (chant et arrangements), deux frères de mère différente, propose avec ce second long une nouvelle exploration de la pathologie mentale, et cette capacité à nier l’évidence en pensant le faux vrai. On en revient au sempiternel : sait-on qu’on est fou quand on est fou, mais dans un registre plus scientifique et d’un ressenti moins trivial. Quatre années après Погружать, le duo de Lille revient sans changement fondamental, et nous éclaire sur une condition peu enviable, qui consister à refuser un état pour se penser totalement sain. La musique est-elle aussi biaisée que le concept ? Pas tout à fait, mais elle plonge dans le marasme d’un déni que nous éprouvons tous à un certain degré.
Dans un registre assez âpre et violent, KORSAKOV occupe une place à part dans la production actuelle. Fondamentalement Black Metal, mais aussi porté sur la nostalgie et les longues plages contemplatives, le duo se propose de fouiller dans les archives pour y trouver des informations à recycler. Le genre d’élan créatif que l’on retrouve d’ordinaire chez les poulains des Acteurs de L’ombre, avec lesquels KORSAKOV entretient des liens étroits : affranchissement des règles, liberté de ton, pluralité de l’inspiration, et juxtaposition beauté/laideur, passé/présent, lucidité/altération des sens. Tout ceci, et bin plus encore, est perceptible dès le premier chapitre de cet album, mais encore plus évident sur « VIII », le premier pivot.
Le groupe en dit ceci :
VIII représente en tout point ce que peut être la musique de KORSAKOV. Par nature saturée et agressive, elle peut aussi faire une large place à la mélancolie et à la contemplation. Appuyé par une production plus aérée que pour le précédent disque, il est la fondation de l’album Anosognosia.
La mémoire, centre des obsessions, est donc le point de focalisation d’un tandem qui refuse de s’arrêter là où un autre sous-genre nait. Entre pulsions Blackgaze, envolées abruptes et symptomatiques du Black Metal le plus acrimonieux, Anosognosia joue avec les souvenirs comme Alzheimer avec les faits, brouille les pistes de ses déviances, et séduit de cette pluralité qui évite l’écueil du bloc incompressible, tout en ne sombrant pas dans l’élitisme déplacé. Le thème étant assez populaire - la mémoire étant au centre de bien des débats - les fans d’une musique riche et brutale se sentiront concernés par cette fixation sur le rangement cérébral, qui un jour pâtit d’une organisation affaiblie. Ce moment où la réalité et le fantasme se battent bec et ongles pour prendre possession d’un esprit usé. Cette bataille est formidablement bien retranscrite par « IX », qui en moins de cinq minutes laisse se battre un BM musclé et un Shoegaze/Post Black, imprimant la trademark du groupe en filigrane sur votre cerveau embrumé par des années de laisser aller.
Sans vouloir survendre un produit déjà compétitif, j’affirme que ce deuxième longue-durée est l’affirmation d’un caractère particulier, qui n’accepte aucune concession. Le BM étant l’un des styles les plus libres de l’extrême, KORSAKOV joue avec les limites de ce qui est tolérable, et pond un chapitre sinon essentiel, du moins d’importance. On s’en rend compte au fur et à mesure que le tracklisting égrène ses litanies, avec des pics d’intensité sur le lapidaire « XI », l’une des attaques les plus franches du répertoire.
Les duettistes ont souhaité une production plus claire et ample. Le son est donc travaillé, et les fréquences se détachent les unes des autres avec facilité. « XII » en profite au maximum, en utilisant les riffs les plus acides et un down tempo lourd de sens. On imagine sans peine l’altération de la lucidité affectant des patients inconscients de leur état, et qui se comprennent malades sans vraiment saisir l’origine de leur pathologie. Cette fameuse mémoire qui nous joue parfois des tours, et qui va en diminuant avec l’âge. Elle nous transforme tous en livres ouverts truffés d’incohérence et aux personnages flous, et nous condamne à nous raccrocher aux évidences. Qui ne le restent pas longtemps.
KORSAKOV propose une fin d’album ambitieuses, avec deux morceaux étirés, mais se permet jusqu’au dernier moment d’ajouter des idées et des gimmicks, comme cette basse parcimonieuse sur l’intro de « XIII ». Immergé dans ses intérêts, le groupe en oublie un quelconque ancrage, et pose un diagnostic fatal : ce qui a été n’est plus.
Stimulant les neurones par une succession d’électrochocs musicaux, Anosognosia aimerait remettre les choses en place, et permettre d’entrevoir la réalité sans filtre. >Mais les mécanismes cognitifs étant ce qu’ils sont, on ne peut guère réécrire ce qui a été effacé. Ou occulté. Ou remisé. On se contente d’écrire sur une page qui se blanchit, l’encre séchant comme le sang s’écoulant d’une vilaine blessure.
Et si la plume est plus forte que l’épée, l’oubli est plus puissant que les souvenirs.
Titres de l’album:
01. VII
02. VIII
03. IX
04. X
05. XI
06. XII
07. XIII
La différence de style n'est pas surprenante, ils n'ont jamais refait le même album. Mais ça rend mou, fatigué, sans inspiration... et décevant après une si longue attente. Espérons que le reste soit meilleur.
13/04/2025, 12:10
@DPD je suis d'accord avec toi et c'est vrai que dans le genre, Vektor est l'un des rares groupes à avoir proposé quelque chose de neuf. Pour ma part, je rajoute également Power Trip qui, même s'il ne propose rien de foncièrement neuf, a un gr(...)
13/04/2025, 07:58
Arioch91, c'est juste que le thrash basique on a largement fait le tour, depuis une trentaine d'années en fait. Vektor avait remis un coup de boost dans la scène avec ses tendances progressives et autres, mais il semblerait que le mec était pas sympa dans sa vie pri(...)
13/04/2025, 02:02
Grosse déception pour ma part.C'est sûr que faire poireauter les fans après 34 ans, l'attente est forte et surtout, on attend LE truc qui va tout niquer.Mouais.Je passe sous silence la cover qui pue l'IA à plein nez.Qu'est(...)
12/04/2025, 18:53
Ouh que c'est bon ça !!! !!! !!!Un truc qui puise à mort dans les 90s !NECROMANTIA et BARATHRUM en tête... ... ...
11/04/2025, 09:36
Je veux bien que la société polonaise soit différente, mais ses provocations à deux balles passent pour du Manson 20 ans trop tard, c'est tellement commun..
10/04/2025, 16:41
Juste une remarque, je suis pas au courant des lois françaises, si j'ai outrepassé mes droits vous pouvez virer ce commentaire pas de soucis.
10/04/2025, 15:17
Cher Emptyrior, je suis juste homophobe, voilà tout. Il y a des gens comme ça que veux-tu. Mes excuses si tu es blessé par mes propos, j'espère que tu sauras t'en remettre.
10/04/2025, 15:04
@ DPD : Certaines personnes ne comprennent en effet pas ce qu'implique une guerre, et se permettent de faire tranquillement des commentaires dans leur canapé en mettant pays agresseur et pays agressé dos à dos. L'ignorance et la bêtise n'ont aucune limite(...)
09/04/2025, 23:31
Emptyrior, va donc écouter Taylor Swift si tu veux un safe space
09/04/2025, 05:02
"Des soli qui n’en sont pas et font passer les débuts de KREATOR et SODOM pour des examens de conservatoire" ha ha !Ce groove nihiliste encore. Le pied.
08/04/2025, 22:52
Perso j'ai de quoi faire pour me régaler avec cette affiche : Dark Angel, Enforcer, Benediction, Hexecutor (miam), Belenos, Houle, Suffo (what else ?), etc, sans parler de la scène stoner assez bien représentée cette année... Alors oui déj&agra(...)
08/04/2025, 22:45
@DPD Oui, je suis d'accord, j'ai du mal avec le flicage de tout un chacun pour ses goûts artistiques. Le Metal se nourrit du soufre et de la provocation, il ne doit pas devenir bourgeois compatible. En revanche les remarques homophobes, du genre ''particulièrement(...)
08/04/2025, 20:01