« She’s wearing her heart on her sleeve ».
C’est Gene « Tongue » Simmons qui chantait ça, et ce vers tiré d’une des chansons les moins mémorables de KISS s’applique à la chronique du jour. Visez moi cette pochette : un bouc fier flanqué d’une croix de fer autour du coup, perché sur son tank de l’enfer décoré de quelques crânes, de piquants un peu partout, écrasant un tapis d’os craquant sous les chenilles, le canon fièrement dressé, une grosse croix renversée fermement tenue en main, le tout supervisé par un bataillon de zombis aux casques à pointes, désirant en découdre immédiatement avec les hordes ennemies. Avec ça, impossible de se tromper, ça pue le War Metal à dix bornes, et avec les finlandais de FRONT, impossible de s’attendre à autre chose. Depuis leur premier album déjà publié par Iron Bonehead, les musiciens originaires de Lahti ne dispensent qu’un seul discours : celui d’un Metal bourrin, sauvage au possible, sans pitié pour les fleurs et les petits lapins, et chiant sur la tombe de Baudelaire d’une bonne grosse diarrhée. C’est ainsi qu’après un franc et massif Iron Overkill, rendant hommage à MOTORHEAD en surmultipliant sa virilité, les finlandais de l’enfer nous en reviennent au pas de charge avec un nouvel EP, qui aura quand même pris quatre ans à voir le jour. Est-ce à dire que l’accouchement fut pénible et aux forceps ? Non, simplement que ces gus-là ne sont pas du genre à revenir la tête baissée et l’humilité en étendard. Il leur faut tonitruer, vociférer, exploser les têtes et imploser les cœurs pour se sentir satisfaits. Nous sommes donc contents, mais un peu frustrés. Avec seulement vingt minutes au compteur, Antichrist Militia ne rassasie pas notre appétit de violence et nous laisse avec un creux à caler dans l’estomac. Mais quelles vingt minutes mes aïeux !!! De quoi faire passer le blitzkrieg de 1939 pour la fête à neuneu, et le bombardement d’Hiroshima pour une vulgaire frairie de province avec deux ou trois pétards du 14 juillet.
Tous les aspects les plus virils et rudes du premier album ont été décuplés. Ici, la violence est triviale, mais pas vulgaire. Les quatre trublions (Von Bastard, Revenant, Kaosbringer et Meister F) jouent toujours ce cocktail relevé de Blackened Thrash qui se démène pour pérenniser l’héritage des grands anciens, et cite VENOM, MOTORHEAD, VITAL REMAINS, PANZERCHRIST, à grand renfort de riffs qui puent la mort joyeuse et de rythmiques nucléaires que SODOM a inventé il y a trente ou quarante ans. Loin d’être une bande de gentils crétins manipulant le bruit comme Trump la diplomatie, ces musiciens avides de chair pas très fraiche agencent leurs attaques, et renforcent leur barouf ambiant d’arrangements grouillant, de cris glauques et aiguisent leurs guitares pour trancher dans le vif. On les imagine très bien aux commandes de ce Panzer infernal partir en tournée, écrasant les pieds des petites vieilles et les ballons de foot des gamins avec un sourire complice aux lèvres. Et tout commence très fort, avec « Antichrist Militia », le genre d’hymne dont nous avions besoin en cette période trouble, et qui annihile les virus en les ridiculisant de leur méchanceté grasse. Le chant est évidemment caverneux, les riffs sombres mais joueurs, et les breaks ludiques. S’orientant souvent vers un up tempo rageur à la Lemmy, le quatuor se prend pour Attila, et ratiboise tout ce qui dépasse, déforestant encore plus efficacement que ces enculés qui détruisent la forêt amazonienne. Se rapprochant parfois de l’esprit noir de feu CARNIVORE (le crachat en intro de « Iron Front » aurait plu à notre regretté Peter), FRONT attaque sans discontinuer, jouant les punks pour mieux séduire le public Metal le plus primaire. Mais loin d’être simpliste, le groupe peaufine ses compositions, pour leur offrir le capital séduction sadique dont toute armée a besoin pour triompher en masse. Alors, la rythmique avance à grande cadence, les soli restent enterrés dans le mix, les voix se doublent, et le tout balance la purée comme une pluie d’obus sur les tranchées mal planquées. On pense à une version de TANK revue et corrigée par le MARDUK le plus belliqueux et accroché à ses insignes, mais à vrai dire, on finit par ne plus penser à rien, les sens annihilés par tant de pugnacité.
Et quand ça bourinne, ça ne fait pas semblant, avec des contretemps, des cris de rage, des bends hystériques, des blasts qui débordent des chenilles, et « Venom & Salt » de nous étourdir façon gros sel et vinaigre balancés sur des plaies encore béantes. Dans le genre take no prisoners, Antichrist Militia se pose là, et finit au marteau les rares crânes encore intacts. Rois du motif qui s’incruste dans le cerveau, les finlandais jouent crânement leur carte sanglante, rappelant même les débuts de l’extrême en s’inspirant des méthodes des innovateurs des années 80. Evoquant une guerre sans merci ni trêve, cet EP est d’une intensité rare, et « Mouths Of War » de faire passer le « Mouth for War » de PANTERA pour une gentille berceuse chantée en l’honneur des infirmières du front. C’est bourré de samples, truffé de chœurs innommables, et ça émane des enfers comme un défilé de morts-vivants revenus de l’au-delà réclamer leur pitance humaine. Le son global, énorme, sonne comme l’hallali de la paix mondiale, avec ces graves qui font trembler les arbres, et cette amplitude qui ne laisse aucun angle mort. Le char d’assaut continue donc sa percée dans la cuirasse des ennemis, et nous achève d’un dernier massacre en règle, ce phénoménal de brutalité « Machinegun Blasphemy ». Il est assez admirable de constater que des groupes osent encore aller plus loin dans le grotesque que les autres, sans se prendre les pieds dans une mine. Mais avec un tel retour en force, les FRONT assurent la relève d’un gigantesque War Metal qui n’en est pas seulement, et redonnent ses lettres de noblesse au Blackened Thrash, dont la réputation commençait à être entachée de mauvais souvenirs. Un bouzin qu’on écoute le lundi matin, parce qu’on n’aime pas les lundis matins qui ne sont jamais au soleil, et qui nous prépare à une guerre civile inévitable. Et contre Satan et ses sbires, personne ne peut rivaliser. J’en ai même les oreilles qui puent le bouc.
Titres de l’album :
01. Doom Cult Legion
02. Antichrist Militia
03. Iron Front
04. Venom & Salt
05. Mouths Of War
06. Machinegun Blasphemy
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