Vous choisissez un album de façon arbitraire, parce qu’il vous interpelle, parce que vous savez d’avance ce que vous allez en dire. Parce que sa musique vous est familière. C’est une optique dite « confortable », qui vous permet de signer un article en moins de temps qu’il n’en faut pour justifier votre choix. Et parfois, c’est un album qui vous choisit, insidieusement, malicieusement, mais en même temps, qui vous honore de son faux hasard se transformant en réelle découverte, et une évidence qui découle sur une difficulté suprême. Car ressentir la musique est une chose simple, un besoin élémentaire dirais-je même, comme de respirer, de dormir, ou autres nécessités vitales primaires. Mais l’expliquer en est une problématique presque insoluble, lorsque les mots vous échappent et que les comparaisons faciles se font la malle. Dès lors, vous faites face à cette page blanche, alors que les sensations se bousculent dans votre tête, qui affronte une symphonie de ricochets qui pourtant laisse les mains immobiles, et les sens altérés. En choisissant de ne pas choisir, on laisse le destin guider ses pas, et on espère tant bien que mal pouvoir coucher sur clavier un ressenti que le langage peine à traduire. Et en croisant le chemin des allemands d’ANTISOPH, je savais que la tâche serait rude. Et pas seulement parce qu’aucun site ne traite de leur cas, pas seulement parce que leurs pages officielles se contentent simplement de signaler leur existence, pas seulement parce que leur label se borne à reproduire les éléments techniques de leur Bandcamp, mais parce que leur musique est indéfinissable en soi. Indéfinissable, dans tous les sens que revêt ce terme opaque. Avant-gardiste certainement, expérimentale, viscéralement, fluctuante, selon l’inspiration, dissonante selon les conventions, progressive parce que non-statique, mais aussi mélodique, psychédélique par vulgarisation, puissante dans le fond, mais terriblement sinueuse dans la forme.
Alors, à quoi bon ?
A quoi bon essayer de trouver des formules à l’emporte-pièce pour vous convaincre que ce premier album éponyme et second sous un autre nom est certainement l’un des disques les plus fascinants du moment ? Autant lâcher un flou et générique « Un must, à écouter d’urgence », qui comblera les moins complaisants à une littérature de jugement superfétatoire, et qui me permettra de continuer à essayer de percer le mystère Antisoph, tranquillement, sans deadline à respecter. Mais laissez-moi vous expliquer un peu le comment du pourquoi de cette aura qui nimbe d’un voile étrange la première/seconde réalisation de ce trio venu d’Allemagne. Fondé en 2014, et d’abord baptisé ORB, ce trio (Jan M. Plewka - guitare/chant, Christopher Duis - batterie et Wolfram Eggebrecht - basse) a proposé un premier LP sous cette appellation, Craft, sorti en 2016 et disponible en streaming sur le Bandcamp d’ANTISOPH. En changeant de patronyme, les acolytes de la démonstration en faux-semblant n’ont pas vraiment changé d’optique, même si les rares sites les mentionnant ont glissé d’un BM d’avant-garde à un BM progressif, sans vraiment savoir que ces étiquettes ne balisent absolument pas le territoire. Car Antisoph est à peu près aussi BM que les VIRUS peuvent l’être, que DEATHSPELL OMEGA et SHINING ne le seront jamais, et pourtant, ils en empruntent une partie des tics et une attitude globale, fondée sur la liberté d’exécution et l’expérimentation justifiée. Mais de là à pouvoir affilier le trio à un mouvement quelconque, la problématique est aussi vaine que de tenter d’extraire une racine cubique de tête, entouré de candidats de télé-réalité. Mais comme j’affectionne particulièrement les causes perdues d’avance, autant lancer les paris et tenter de trouver la sortie d’un labyrinthe qui n’en a peut-être pas.
Un labyrinthe. L’image me sied. En écoutant cet album, on a clairement la sensation d’avoir été poussé à l’aveugle dans le dédale végétal de Shining, le film, avec nos seuls sens restant pour nous orienter. Dès lors, inconsciemment, on fait appel à ce fameux sixième sens, qui fonctionne au-delà de la perception naturelle des choses, et on se laisse porter par les évènements, en acceptant le risque de l’impasse ou de la blessure occasionnelle. Les ANTISOPH aiment changer leur décor, le métamorphoser, mais ils ont quand même la décence d’en laisser la structure globale initiale inchangée. Celle-ci repose sur un canevas rythmique multiple, qui ose les mesures impaires, les soudains blasts incongrus, les ralentissements sévères, et les cassures imprévues. Mais aussi variable soit ce schéma, il n’en respecte pas moins de codes, avec des patterns qu’on retrouve à intervalles réguliers, et qui finissent par dessiner les contours d’une équation à X inconnues, que seul ce fameux ressenti peut vous aider à résoudre. De mémoire, je n’ai pas le souvenir d’un album aussi complexe tout en restant d’une simplicité mélodique tangible. Ici, les idées s’imbriquent en toute logique erratique, mais ne choquent pas de leur superposition. On a parfois le sentiment d’avoir affaire à une version dénaturée des NOMEANSNO, perdus en terre du milieu dominée par un reflet négatif des PERIPHERY, qui apprendraient alors aux canadiens l’art séculaire du BM progressif à la DODECAHEDRON. Une sorte de miroir déformant qui privilégie la cohésion de la déstructuration instrumentale à la démonstration individuelle. Car même si le chant très Post de Jan M. Plewka nous aiguille sur la piste d’un Post BM à tendance progressive, je ne peux m’empêcher de considérer la chose d’un œil très concret et pas du tout contemplatif.
Mais vous pouvez prendre le problème à l’envers, à l’endroit, la donne ne changera pas. Histoire de vous compliquer les choses, je pourrais vous conseiller de commencer l‘analyse par « Distant Scream », qui de ses treize minutes synthétise à merveille l’entreprise de démolition. Je pourrais aussi vous fourvoyer en vous renvoyant dans les cordes du sublime « Ghostking » qui ose l’implantation Post-Hardcore dans un contexte purement Technico-Progressif. Ou, je pourrais vous dire que la silhouette de KING CRIMSON toise de sa superbe le corps inerte des VIRUS, moins psychédéliques qu’à l’habitude. Ou citer l’école arty française, et les MAGMA, les MOVING GELATINE PLATES propulsés trente ans en avant pour servir de modèle Metal à un public qui n’a pas connu les MJC. Parler de cette double grosse caisse permanente qui pourtant n’use pas la patience. Citer ces riffs solides et élastiques qui rappellent CYNIC, CANDIRIA, ou ces arpèges humant Zappa pour respirer ATHEIST. Enfin, je pourrais dire ce que je veux, sans vraiment parvenir à mes fins, attirer votre attention vers cet album que les ANTISOPH ont voulu aussi facilement appréciable qu’aisément rejetable. Ou alors, il me reste cette solution, que je ne privilégie pas, et qui pourtant, reste la seule alternative viable.
Un must, à écouter d’urgence.
Titres de l’album:
1.Karmaghoul
2.Hypnoroom
3.Distant Scream
4.Death
5.Teleport Maze
6.Ghostking
7.Rejoice
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