Il aura fallu trois ans à Jeff Grimal pour donner une suite à son premier album éponyme en tant que leader de SPECTRALE. Trois ans pour trouver la bonne approche et ne pas trahir la qualité de ce premier effort qui à l’époque m’avait emmené si loin que j’avais du écrire une carte des étoiles pour revenir de mon voyage. SPECTRALE évidemment, est toujours ce guide spirituel un peu particulier qui ne s’adresse pas à tous les pèlerins, et dont le langage mérite une attention particulière, une ouverture d’esprit qui l’autorise à être perméable à des sons moins systématiques et prévisibles. Toujours épaulé dans sa quête par Gérald et les Acteurs de l’Ombre, Jeff nous offre donc avec Arcanes une nouvelle mystique, toujours basée sur une instrumentation Folk classique, et au monde constellé de personnages silencieux, dont les rares mots indiquent que le temps ne passe pas à la même vitesse des deux côtés du miroir. Empruntant au Néo-Folk ses accents les plus précieux, Arcanes se montre donc tout aussi ouvert que son prédécesseur, mais là ou Spectrale évoquait le chant de la terre, Arcanes évoque plus volontiers la houle et les souvenirs qu’elle charrie, les silhouettes côtières attendant que le vent leur donne des nouvelles de leurs proches, et le souffle précieux de l’iode qui laisse des rides sur les visages. C’est en tout cas la sensation que j’ai éprouvée en écoutant les dix pistes de ce second chapitre, qui une fois encore, m’a permis de m’évader d’un quotidien un peu trop gris et…actuel. Ici, tout sent le passé, les traditions, mais pas de cette manière faussement médiévale qui arbore des costumes ridicules et un accent pompeux qui sent plus le nylon que le velours. Non, ici, l’époque n’a pas droit de cité, et la datation est impossible. Cette musique n’émerge pas du temps, mais bien du cœur et d’une autre histoire que celle racontée dans les livres.
Enregistré au Arcanes Studio, mixé par Matthieu Dumas et masterisé par Cyrille Gachet, Arcanes se déroule sous un artwork signé Jeff lui-même, et le bleu de son intérieur n’est pas sans rappeler ces océans que l’on contemple de loin, mais que certains aiment de près. Une fois encore dominé par une guitare acoustique volubile, parfois mutine, mais souvent secrète, ce second tome de la saga SPECTRALE ne rappelle plus vraiment les influences citées par Jeff à l’orée du projet (Steve REICH, ULVER, PINK FLOYD, CHEVAL DE FRISE, KING CRIMSON, MAGMA, MOONDOG, Philip GLASS, Brian ENO, ou SUNN O)))), mais évoque plus volontiers un vocabulaire personnel, et une route tracée en toute liberté. Cette liberté si chère au musicien, et qui vous fouette le visage sur l’entame délicate de « Ouverture ». En deux minutes, le musicien parvient à nous faire lâcher prise, et à accepter de le suivre sur son nouveau chemin, laissant ce lourd et sentencieux violoncelle abandonner nos bagages tandis que le léger violon se charge de nous éclairer. Evidemment, et une fois encore, SPECTRALE ne parlera pas à ceux qui attendent d’une musique qu’elle soit amplifiée pour être violente, alors même que la plupart des compositeurs classiques nous ont laissé des pièces plus brutales que n’importe quelle référence BM révérée. Pourtant, les pistes d’Arcanes se montrent parfois oppressantes, étouffantes, même si la tonalité globale de l’album évoque les grands espaces, les falaises blanches et abruptes, et la violence de la solitude. On écoute cet album comme on effectue un voyage intérieur à la recherche du véritable soi, et il convient d’accepter de cheminer sans compagnie pour vraiment s’immerger dans ce monde épuré de tout artifice.
Loin d’un quatuor de chambre répétant sa litanie pompeuse pour plaire à quelques élitistes, SPECTRALE profite de l’inspiration renouvelée de Jeff, de la qualité instrumentale de ses compagnons (Léo Isnard: guitare classique, batterie et percussions, Raphaël Verguin: violoncelle, effets, et Xavier Godart: guitare acoustique, effets et synthés), et du support de son invité (Laure Le Prunenec (IGORRR, CORPO-MENTE, ÖXXÖ XÖÖX, RÏCÏNN) : chant sur « Le Bateleur »), et nous déroule le tapis d’un renouveau, d’un second trip dans l’inconnu, pour nous happer dans un vortex de cordes qui ne relâche son étreinte que quelques secondes à intervalles non réguliers. Si les cordes évidemment jouent le rôle harmonique et rythmique, Arcanes ne se prive pas de percussions, et « Le Soleil » de laisser ses rais nous réchauffer la peau à la manière d’un Michael Graves, sans pour autant piocher dans le répertoire de l’artiste. On se croirait perdu en pleine BO d’une série réservée à un public intimiste, de celles qu’on regarde dans le secret des alcôves tardives, et les couches de voix qui surnagent parfois sur les vagues nous inondent, laissant derrière nous toute trace de notre départ.
D’aucuns pourraient croire qu’un album de Folk est condamné à se répéter de piste en piste, et qu’Arcanes n’a que peu de chances d’échapper à cette règle. Pourtant, les ambiances, les humeurs, les couleurs automnales, parfois hivernales se succèdent, et jamais l’impression de redondance ne nous frappe. Il faut dire que Jeff a solidement agencé son travail et ses compositions pour que les cordes ne répètent jamais le même discours. Parfois léger comme une brise (« L’Impératrice »), parfois plus intime et cryptique (« Le Jugement » qui agit comme une boite à musique céleste), souvent lumineux comme un soleil du soir (« Le Pendu »), Arcanes est comme un jeu de tarot qui s’étale sous vos yeux, et qui dévoile ses cartes en vous laissant maître de leur interprétation. Sans jouer la divination, l’album tente de faire glisser vos humeurs et de dessiner votre avenir musical en quelques notes, toujours bien choisies, égrenées en arpèges, martelées en accords, partagées entre la guitare et le violon, les deux mages dominants de cette aventure. Et malgré ses quarante-six minutes, Arcanes reste fascinant de bout en bout, jouant à cache-cache avec le silence, pour mieux laisser la violence fugace des cordes percer la pénombre (« Interlude »). Fascinant, dramatique, enregistré comme on réalise un film, ce second tome de SPECTRALE est d’une beauté formelle indéniable, mais ne se contente pas de son reflet pour exister. Il agit en profondeur, ne se révèle que par touches, laisse ses partitions se cacher ou se montrer, utilise des thèmes simples pour suggérer la joie ou la peine (« La Justice »), et se montre tellement plus enrichissant qu’une sortie lambda classique, recyclant des idées déjà exploitées jusqu’à la corde.
Si vous n’aimez pas le Folk, il est inutile de poser une oreille dessus. Vous perdriez votre temps, mais en même temps, vous ne pourriez pas regretter la violence sombre et discordante de « Le Bateleur ». Et malgré un épilogue en deux suites de plus de six minutes, la fin d’Arcanes est aussi envoutante que son entame, et nous laisse songeur, perdu en pleine mer ou sur la côte, les yeux dans l’infini de l’océan. Et lorsque « La Lune » martèle son leitmotiv arythmique, « La Papesse » survole la grève sans poser pied au sol, et nous emmène là où nul n’a besoin de carte. A part celle du tendre.
Titres de l’album:
01. Ouverture
02. Le Soleil
03. L’Impératrice
04. Le Jugement
05. Le Pendu
06. Interlude
07. La Justice
08. Le Bateleur
09. La Lune
10. La Papesse
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@DPD:Pour finir, là où je pense te rejoindre (je suis presque quinqua, pourtant), c'est que je trouve insupportable les anciens qui prennent les jeunes de haut en leur disant que ce qu'ils font ne sera jamais au niveau de ce qu'ils ont connu.
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@DPD: que METALLLICA n'apporte plus rien à la scène depuis 30 ans, je pense que ça fait plus ou moins consensus. Mais je ne vois pas ce que LORNA SHORE apporte non plus.Ceci étant dit, qu'est-ce qu'un "jeune" de la scène. Moins de 40(...)
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