Artificial Insanity

Triskelyon

08/09/2023

Moribund Records

TRISKELYON fait partie de ces nombreux projets montés par un seul homme, et exploitant les capacités extérieures pour prodiguer ses précisions sur un genre ou sous-genre. En l’occurrence, ce concept s’épanouit dans une sorte de Power Thrash, style bâtard situé en convergence d’un Thrash accessible et d’un Power Metal intrépide, ce qui ma foi n’est pas pour me déplaire. Evidemment, certains clichés inhérents aux deux écoles sont parfois utilisés avec un peu de complaisance, mais le résultat final, flamboyant et royal mérite votre attention, ne serait-ce que pour son caractère osé et éloigné des poncifs de la génération actuelle.

TRISKELYON c’est le guitariste Geoff Waye. Membre du groupe CATEGORY IV, ce musicien émérite s’est donc lancé dans une entreprise à grande échelle, parvenant même à en construire sa charpente à l’occasion d’un premier EP éponyme. Mais c’est en 2022 que tout a vraiment pris forme, via Downfall, premier longue-durée qui a frappé le marché avec une assurance indéniable. Et un an plus tard, Geoff remet le couvert en suivant les mêmes préceptes pour nous narrer la suite de ses aventures chaotiques, mais mélodiques.

L’homme est rudement bien accompagné pour l’occasion, par the crème de le crème comme le précise son label avec un peu d’humour. Pas moins de neuf chanteurs (Amanda Jackman (CATEGORY VI), Armin Kamal (INFRARED), Cara McCutchen (MORTILLERY, NAITAKA), Dale Drew (SEA DOGS), Des Mason, Ellim, Pete Healey, Raúl Álvarez (DARK ORDER-AUS.) and Tim Tymo (TYMO)), trois bassistes (Dwayne Pike, Keith Jackman (CATEGORY VI), et Darrin Pope), soutenant la frappe de deux batteurs (Raul Marques (BURNING TORMENT) and Alexander Raykov (ANTREIB)). Joli casting, pour des attentes évidemment décuplées.

Du beau monde pour une évocation sans détours de la décennie 80, celle qui a justement vu naître ces deux genres que Geoff aime mélanger pour obtenir un cocktail suave mais relevé. Une nouvelle bordée de compositions originales pour une reprise étonnante, et un fil rouge qu’on suit l’écume aux lèvres et le poing serré. Il faut dire que le projet exhale d’une saine odeur de Heavy Metal bombé et musclé, entre Speed, True, Thrash, Power, citant STRATOVARIUS, SCANNER, HELLOWEEN, BLIND GUARDIAN, SANCTUARY, l’école allemande la plus fine et l’américaine la plus fluide, pour un résultat qui dépasse les espérances formulées lors de la sortie de Downfall. Car malgré son caractère de puzzle assemblé pièce par pièce, TRISKELYON sonne comme un véritable groupe, et non comme l’association de mercenaires qu’il est sur le papier.

Alors, entrez dans la danse, mais choisissez bien vos souliers. Car le rythme est échevelé, l’énergie débridée, et l’intensité décuplée. Si le tout s’apparente plus volontiers à un Power jouant avec les nerfs du Thrash qu’à un Thrash adouci par quelques éléments Power, quelques emballements soudains et autres saccades violentes permettent de rattacher l’effort à la locomotive de la Bay-Area, toutes proportions gardées. Mais la performance de ces nombreux vocalistes, qui se donnent cœurs et poumons pour catapulter dans les étoiles des chansons brillantes et agressives, et la solidité de l’instrumental qui ne joue pas l’innovation mais fait un bon carton, font qu’Artificial Insanity sonne comme un produit de son époque, traitant d’une thématique d’importance.

Le débat fait d’ailleurs rage en ce moment même, alors que l’IA occupe de plus en plus le terrain en mode Skynet. Se substituant aux artistes, aux militaires, aux politiques même parfois, elle menace de prendre le contrôle total des opérations en cas d’imprudence, ce qui pourrait déboucher sur une catastrophe meurtrière à échelle mondiale comme l’avait prédit James Cameron dès 1984.     

Alors nous n’en sommes pas encore là, mais la catastrophe pourrait arriver plus tôt que prévu si nous ne restons pas vigilants et aux commandes des machines. Tout ça pour dire que ce second long retranscrit très bien les troubles que nous traversons depuis quelques années, semblant dépeindre avec brio un climat anxiogène et apocalyptique qui pèse sur nous comme une gigantesque épée de Damoclès. La grandiloquence dystopique est traduite dans un langage lyrique poussé, à l’image de l’irrésistible et théâtral « Obsolescence », renvoyant l’homme à sa condition future de détail de l’histoire numérique.

La force de cet album réside dans sa diversité. Impossible de trouver une piste ressemblant à une autre, ce qui est chose peu commune dans ce créneau. On passe allègrement et sans transition d’un titre purement Power Metal comme l’explosif « At War With Demons » à une bronca Heavy/Thrash qui claque comme la basse de « Bringers Of Chaos », ce qui confère une aura de cohésion dans la variation à Artificial Insanity.

Beaucoup plus intéressant et enrichissant qu’une énième digression plagiaire nostalgique, ce deuxième chapitre est passionnant, stimulant, dessine un monde aux frontières du chaos, peuplé de chevaliers prêts à tout pour défendre nos libertés. Geoff Waye a eu l’intelligence de ne pas se perdre dans les couloirs de sa narration en nous opposant des chapitres trop étendus, qui auraient plombé cette quête de la vérité Metal.

Et si « One Blood » est à peu près aussi hystérique qu’un inédit de TOURNIQUET, si « Visionaries » synthétise toutes les humeurs, si « Celtic Creatures » manie l’épée avec une dextérité folle pour nous faire ressentir la bestialité d’un combat contre des monstres mythologiques, c’est bien Artificial Insanity dans son intégralité qui nous séduit, comme un livre d’Heroic-Fantasy bien écrit, chargé en personnages pleins de profondeur, et proposant des étapes marquées, et secouées d’affrontements en tous genres.

Le collectif ose même la reprise totalement incongrue en s’appropriant le tube « It Doesn't Really Matter » des vedettes Pop/Rock nationales PLATINUM BLONDE, nous laissant donc sur un sentiment étrange, comme si cette conclusion n’avait rien à voir avec le reste de l’histoire.

Mais en dépit de cet épilogue étrange, TRISKELYON tient fermement la barre, et passe l’épreuve du second tome avec un brio indéniable. Un disque à écouter des images plein la tête.     

   


Titres de l’album:

01. Tektyranny

02. At War With Demons

03. Bringers Of Chaos

04. Is Hope Still Alive

05. Obsolescence

06. One Blood

07. Visionaries

08. Beyond The Past

09. Celtic Creatures

10. Why Burn

11. It Doesn't Really Matter


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par mortne2001 le 02/09/2023 à 16:41
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