STABWOUND n’est ni un groupe « adorateur » ni un groupe « revival », il apporte sa propre touche dans la perpétuation d’une tradition, d’un style et d’une esthétique. Nous jouons un style de Death Metal qui mixe des riffs accrocheurs à une atmosphère sombre et moite, avec des chansons partant de riffs thrashy, à la lourdeur Doom et aux mélodies sous-jacentes.
Discours promotionnel ou pas, il est plaisant de constater que ce quatuor s’éloigne des facilités old-school pour en relire les commandements à sa façon. Fondé à Rouen en 2007, STABWOUND a patiemment attendu son grand soir pour publier son premier album, après avoir distribué un certain nombre de démos, et même un EP. 2024 sera donc son année, et As Humanity Dies son cheval de bataille, pour pénétrer les places fortes du cœur des fans d’un Death Metal passéiste, mais créatif et poisseux.
Nicola & Antoine (guitares), Yoann (batterie), Jérémy (chant) et Matthieu (basse) peuvent être fiers de leur persistance et de leurs motivations. Ce premier long fait montre de qualités indéniables dans le recyclage de plans historiques, et l’ancrage stylistique du quintet fait évidemment penser à la glorieuse époque des nineties, lorsque les chefs d’œuvre s’empilaient dans les bacs des disquaires. Le groupe revendique quelques noms pour assumer sa position, et cite volontiers BOLT THROWER, AUTOPSY et CELTIC FROST. Ces références sont certes très présentes durant le métrage, mais n’en constituent pas pour autant les fondations. Non, les rouennais possèdent une aura très personnelle, putride, aux reflets d’un gris passé, comme un vieux costume rongé aux mites qu’on sort du placard pour un enterrement.
Si l’attitude est classique, elle n’en est pas moins noble pour autant. Et surtout, pas moins ambitieuse. En optant pour un découpage irrégulier, STABWOUND confère à ce premier chapitre le parfum enivrant d’une aventure pas comme les autres, comme un voyage dans les entrailles de l’enfer sans possibilité de retour. Ainsi, le title-track qui s’étale sur plus de huit minutes présente les qualités évidentes d’un groupe bien préparé, et qui ne s’effarouche pas d’une broutille. Cette façon de placer des riffs très accrocheurs dans un contexte de pourriture globale est la marque des grands, transformant chaque segment en paquet cadeau mélangeant les surprises avec un panache indéniable.
Petits et grands, vomissez sur maman et laissez-là ramasser le jus. La pauvre a l’habitude depuis que vous avez croisé le chemin d’OBITUARY et garde toujours sa serpillière à portée de main. Mais loin de jouer la régurgitation automatique, STABWOUND s’aménage des pauses malsaines qui donnent la chair de poule de leur lourdeur et de leur sens de l’oppression. Résumé de tendances en vogue depuis la fin des années 80, As Humanity Dies est un constat sans appel qui décrit notre époque avec une acuité infernale, comptant les futurs cadavres et préparant déjà l’après. Certes, le principe n’est pas des plus gais, mais il a le mérite d’être honnête et réaliste.
Mixé et masterisé par Camille Giraudeau aux HVN studios, As Humanity Dies ressemble à ce fameux chemin de gauche que l’on emprunte l’âme corrompue et le cœur noir. Constellé de mélodies amères et de cassures sincères, il cumule les qualités tout en gardant ses distances avec la mouvance rétrograde un peu trop accrochée à ses classiques. Car même si Monotheist, Mental Funeral et Realm of Chaos se reflètent dans les vitres sales, ils ne sont qu’une allusion indirecte, et une allégeance de passion, non de raison.
Inutile donc de craindre les répétitions si chères à cette vieille école, même si les rouennais avouent y être affiliés. C’est indéniable, et certains titres donnent même l’impression d’avoir été composés il y a trente ans ou plus, comme ce médium « Angel Of Dust », aussi fielleux qu’il n’est mélodieux, avec en exergue le coffre d’un chanteur qui ne se limite pas à un braillement permanent sans âme.
Jouant à cache-cache avec la vitesse pour se planquer derrière les fourrés doomy, STABWOUND ajoute à sa partie des effets bien placés, et des atmosphères d’embaumement de seconde zone. « The Aftermath » prend donc le contrepied et décélère au maximum, pour faire plaisir à Chris Reifert, le parrain de la méchanceté crasse. Si les murs suintent, si une légère odeur de pourriture noble plane, la composition n’en est pas moins très propre. Techniquement habiles, les cinq musiciens affichent des certitudes flagrantes, et ont raison d’avancer à découvert. Ils n’ont rien à cacher, si ce n’est cette rage intérieure qui pousse à voir le futur en pointillés.
Très doués pour rendre le classicisme à la mode (« Steel Coffin »), raides comme des piquets quand le boogeyman vient traîner son crochet et ses pieds (« Slashed », condensé de violence qui renvoie Terrifier 3 à ses chères plantations de navets), les STABWOUND survolent, synthétisent et s’affolent, pour produire un album de haute volée, en toute humilité.
On y reviendra, c’est certain. Les temps sont durs et obscurs, et le futur n’a jamais été aussi incertain. STABWOUND en est conscient et s’en lave les mains. Une constatation tout à fait neutre pour un disque qui se démarque facilement de la concurrence.
Un coup de couteau bien placé n’a jamais fait de mal à mémé.
Titres de l’album:
01. Dies Irae
02. Thorns
03. Devoured
04. Filth
05. As Humanity Dies
06. Angel Of Dust
07. The Aftermath
08. Steel Coffin
09. Slashed
10. Death Assembly
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