C’est la tendance depuis quelques années. Le Thrash/Black, le Black/Thrash, le Blackened Death, le Blackened Core. En fait, on blackise tout ce qui passe, histoire de donner une profondeur malfaisante à n’importe quel style pour le radicaliser encore plus.
C’est souvent redondant, souvent répétitif, souvent illusoire en termes de puissance, et finalement assez stérile niveau créativité. Après tout, qu’attendre d’extensions qui finalement ne prolongent ni la magie noire, ni l’efficacité fondamentale, et qui plus est, qui se contentent la plupart du temps de faire appel à des recettes éculées et éprouvées depuis les premiers MAYHEM, voire les débuts de HELLHAMMER ?
Mais certains osent, et insistent, et certains – relativement peu je l’admets – s’en tirent plutôt bien, sans pour autant dévier de leur optique d’origine, tout en y incluant quelques nuances à peine perceptibles d’album en album.
Ce qui est le cas des Américains de BLACK ANVIL, qui depuis Time Insults The Mind continuent leur bout de chemin en peaufinant de plus en plus leur vision.
Au départ, rien ne les prédisposait à devenir des leaders d’une scène salement gangrénée de ne pas avoir soigné ses plaies autrement qu’en y étalant du Metal toujours plus bouillant, mais désespérément stérile. Une musique passe-partout, des enchaînements légèrement téléphonés, et une brutalité d’usage pas vraiment plus convaincante que celle développée par leurs contemporains.
Mais à force d’abnégation, de certitudes et de remises en question, les New-yorkais ont fini par atteindre une sorte d’apogée dans la déévolution, tout en proposant quelques pistes susceptibles de leur ouvrir des portes fermement scellées.
La preuve ? Leur quatrième effort, le bien nommé As Was, qui assume son passé sans rien renier, mais qui avance, la croix inversée à la main et le riff absolument malsain.
Et que les fans de WATAIN ou AURA NOIR se rassurent, les BLACK ANVIL se rapprochent de plus en plus de leurs idoles sans pour autant en singer le son et le ton.
Sous une pochette au trait signé par Metastazis (BEHEMOTH, WATAIN, MORBID ANGEL) et une production assurée par Colin Marston (KRALLICE, GORGUTS, PANOPTICON) complétée du mastering de Tore Stjerna aux Necromorbus studios (TRIBULATION, FUNERAL MIST, WATAIN encore…), se cache sans doute le parangon du Thrash/Black le plus épais et misanthropique, qui pourtant ne crache pas sur un brin de mélodie déviante. Sans dévier de leur ligne de conduite, les New-yorkais parviennent à franchir une nouvelle étape sans adoucir leur style, mais en y injectant une bonne dose de prétentions artistiques et progressives, qui ne nuisent aucunement au radicalisme d’ensemble. Et le simple fait d’avoir entamé leur quatrième longue durée d’une extension aussi ambitieuse que celle de « On Forgotten Ways » et ses huit minutes de digression occulte en dit long sur leur volonté de s’affirmer sans se renier.
Et renier quoi d’ailleurs ? Leur nature profonde ? Leur morgue frondeuse qui leur permet d’imposer des plans déjà entendus sans qu’on ne remette en cause leur originalité ? Un peu tout ça à la fois, mais en substance, As Was est un formidable constat de fidélité qui pourtant ose regarder vers l’avenir avec sérénité.
Constitué de huit morceaux aussi longs que riches, ce quatrième LP faisant suite à l’acclamé Hail Death (qui se permettait déjà une étonnante reprise du « Under The Rose » de KISS qui laissait augurer d’une suite un peu moins prévisible qu’on ne le pensait), et en accentue les qualités sans tomber dans la grandiloquence ni les travers d’ambiance.
Si la patte CARCASS se fait sentir jusque dans le chant vicieux et ambivalent du MC Paul Delaney (parfois, le mimétisme avec Jeff Walker est vraiment bluffant, spécialement dans les parties de chant les plus hurlées), c’est bien l’influence de WATAIN et de CELTIC FROST qui est la plus patente, même si les BLACK ANVIL ne se privent pas de quelques allusions au Folk progressif des seventies ou à la mélancolie surannée d’OPETH dans leurs moments les plus apaisés.
Le morceau éponyme « As Was » en est la preuve la plus évidente, mais aussi un des titres les plus complexes et envoutants de cette nouvelle livraison, et s’autorise même quelques clins d’œil en direction des PARADISE LOST et autres CREMATORY…Chœurs harmonieux, riffs appuyés et majestueux, c’est d’une épaisseur remarquable, et nous renvoie dans les cordes de notre propre constat erroné. Non, le Black Thrash n’est pas qu’un gimmick, loin s’en faut, mais une réelle excroissance qui mute et se transforme sous l’inspiration de groupes qui refusent la facilité primaire.
On retrouve toutes ces caractéristiques tout au long du LP, qui ose une deuxième occurrence étirée, pour un « Two Keys, Here’s The Lock » subjuguant de beauté trouble et d’aspirations multiples. Avec son intro digne d’un progressif FLOYDIEN enrichi, et sa multiplicité d’idées aussi harmoniques que violentes, ce morceau se fait épitomé de la marge de progression du quatuor qui est décidément bien plus qu’un simple groupe brutal et primal. Mais le plus admirable dans l’affaire, est que malgré ce désir d’aération, BLACK ANVIL ne se dépare jamais de sa noirceur initiale, et peut de fait se permettre d’agrémenter sa violence d’ambivalence, sans trahir son esprit nihiliste d’origine. Ce morceau fait d’ailleurs penser à un subtil équilibre entre le rare CRADLE créatif et le CARCASS post Heartwork, le tout traité au prisme d’un AURA NOIR plus lumineux que de rigueur.
Plans qui s’enchaînent en toute fluidité, radicalisme d’un chant qui refuse tout compromis, et qui se heurte à des volutes de chœurs évaporés, guitares qui multiplient les emprunts à différents courants, c’est une véritable démonstration, et le rejet d’un cloisonnement trop restrictif pour leur imagination…
Ce qui n’empêche pas les interludes délicats, tout sauf incongrus (le sublime « The Way Of All Flesh », qu’on aurait pu trouver sur n’importe quel épisode de la saga MY DYING BRIDE ou WATAIN), ni les crescendo de violence sourde comme ce final « Ultra », qui impose un mid tempo écrasant d’efficacité, aussi accrocheur qu’un hit de CARCASS repris par les KRALLICE.
De l’art, du grand art, et une constatation. BLACK ANVIL est bien plus qu’une simple enclume noircie sur laquelle on frappe le marteau de la discorde, mais plutôt une boite de Pandore qui s’ouvre discrètement à intervalles réguliers, dispensant une sombre lumière qui éclaire le passé d’un avenir plus clément qu’on se le figurait.
Chef d’œuvre ? C’est une possibilité à prendre en compte. Mais surtout, une réussite flagrante, celle d’un groupe qui n’a jamais rien renié de ses croyances, et qui avance à son rythme, discrètement, en dispensant son enseignement au travers d’albums de plus en plus imposants.
Imposants, mais jamais redondants ou répétitifs. Juste créatifs. Et libres comme un diable errant sur terre à la recherche d’âmes perdues à pervertir en toute discrétion.
Titres de l'album:
Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)
17/01/2025, 22:44
Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !
17/01/2025, 17:03
J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.
16/01/2025, 18:21
Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène.
16/01/2025, 12:15
Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.
16/01/2025, 10:22
Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)
15/01/2025, 12:58
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)
14/01/2025, 09:27
Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.
13/01/2025, 08:36
Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête.
13/01/2025, 07:59
Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)
12/01/2025, 17:38
Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)
12/01/2025, 14:27
Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.
11/01/2025, 12:16
Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)
10/01/2025, 09:12
J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)
09/01/2025, 19:49