Ashes

Vöödöö

14/09/2018

Indie Recordings

Je serais tenté de dire ce soir, « ça tombe bien, puisque j’avais envie d’écouter quelque chose de différent ».

Oui, après tout, le Metal, c’est bien, très bien même, et la raison d’être de ce site. Mais un peu d’ouverture d’esprit n’ayant jamais fait de mal à personne, il n’est pas interdit non plus de légèrement franchir les limites et de s’écarter du plus-si-droit chemin. Le Grind, le Sludge, le old-school, le Thrash, le vintage, l’AOR, le Heavy, oui, mais le plus nuancé, le plus coloré, le plus rythmé et volontiers engageant, c’est aussi alléchant. Et pour ce faire, quoi de mieux que de se diriger vers l’un des labels étrangers les plus audacieux de l’underground, et d’aller faire un tour chez les norvégiens d’Indie Recordings, jamais avares de trouvailles un peu excentrées. En cette rentrée, la maison de disques indépendante nous propose donc le premier album des nationaux de VÖÖDÖÖ, presque prophètes en leur pays, puisqu’ils peuvent se targuer d’avoir vu leurs trois premiers single honorés d’un matraquage sur la station Radio Rock. Généralement, et dans ces pays à la culture aussi ouverte que la Norvège, ce genre de petit détail est plutôt bon signe, et l’écoute d’Ashes confirme ce sentiment assez rapidement, puisqu’on y découvre des morceaux faussement simples mais réellement riches, et surtout, utilisant la distorsion et le Rock pour arriver à des fins autres qu’un simple Hard bas du front ou un vulgaire Rock au bourbon. De la délicatesse donc, mais aussi beaucoup d’énergie pour un disque qui s’écoute autant qu’il ne se chante, et qui se danse autant qu’il ne se ressent. Pas mal de modernité donc, dans le traitement, mais aussi le rendu, et une petite demi-heure en très bonne compagnie. Laquelle ?

Celle de Giuliano Antonio Lomonaco, Gøran Stavang Skage, Sveinung Fossan Bukve et Stian Brungot. A eux quatre, ils forment donc l’entité VÖÖDÖÖ, et loin d’utiliser des recettes un peu occultes venant d’Haïti se contentent de jouer leur va-tout, à base d’alternatif, d’électronique, d’électrique, et d’exubérance instrumentale, le tout mis au service de compositions qui tiennent méchamment la route, et qui mélangent tellement d’influences qu’on en vient à perdre les essentielles en route. Le néophyte pensera reconnaître au détour des sillons du MUSE, pour cette théâtralité de chant et cette ambition d’arrangements, alors qu’un autre jurera son RADIOHEAD qu’on l’y prendra encore, tandis que certains, plus pointus évoqueront de loin le spectre des DIABLO SWING ORCHESTRA croisant le fer avec les THE HARDKISS, en version moins endiablée et moins fardée. Autrement dit, un concept pas forcément facile à situer, qui navigue entre Rock, Pop, culture junk et instincts mélodiques, pour un résultat qui s’il reste encore perfectible, donne parfois lieu à des épiphanies de mystère et de questionnements à venir. A l’écoute d’un morceau au dramatisme aussi prononcé que « King And Clown », on pense évidemment à Matthew James Bellamy, à cause évidemment du chant de Gøran, mais on se dit finalement que les impayables TOKYO TABOO n’ont pas dû non plus tomber dans l’oreille de sourds. Evidemment, les deux groupes partagent la même liberté de ton, mais si la joie suinte parfois des parois numériques d’Ashes, la tonalité globale est beaucoup moins potache, et beaucoup plus concentrée sur des thèmes plus sombres, comme le démontre le final presque introspectif « The Rope ».

D’ailleurs, la façon qu’à Sveinung Fossan Bukve de triturer sa guitare en truffant ses interventions d’effets est tout à fait personnelle. Désireux, à l’instar des BEATLES de 66 de faire sonner son instrument de toutes les façons possibles, sauf l’initiale, l’impétueux et créatif instrumentiste confère donc aux chansons une aura toute particulière, à mi-chemin entre la guitare synthé des années 80 et le clavier midi qui se prend pour une Stratocaster. On peut ne pas apprécier la roublardise de cette technique, mais force est de reconnaître qu’elle est parfaitement adaptée à la musique pratiquée, qui dès le morceau d’intro éponyme nous saisit de son décalage, alors même que la mélodie se traduit d’une manière totalement classique. Le chant aux délicats accents féminins est tout aussi surprenant, acidulant le propos sans atténuer sa gravité de fond, et le mélange produit, sucré-salé, doux-acide est délicieux et savoureux, et nous permet de détacher ce premier LP d’une production pléthorique un peu trop standardisée. D’autant plus que les quelques soli qui parsèment les titres sont tout à fait honorables, et rattachent de fait le projet à la locomotive Rock, sans l’alourdir de ses travers les plus clichés. Les pistes s’enchaînent donc avec variété, en gardant la cohérence sous le pied, et le travail rythmique accompli sur « Lay Me To Rest » est profond, et met admirablement bien en valeur les astuces sonores de Sveinung qui s’en donne à cœur joie, passant sans transition d’un lick mutin et ludique à un énorme riff sombre digne d’un Doom macabre ou d’un Sludge surpuissant.

Cette trajectoire sinusoïdale est constante sur Ashes, et se travestit parfois en fausse ligne droite, qui permet à « The Secret » de sonner aussi Pop sexy qu’un hybride entre BLONDIE et Britney SPEARS, ou à « Dots » de tirer en pointillé la ligne invisible séparant Pink des THE KILLS. Sensuel mais abrupt, stratégique mais lucide, ce LP est un piège à hits qui pourra contenter tout le monde, même lorsque le formalisme cède aux sirènes d’un tube taillé sur mesure pour les radios (« Shine On », le plus volontiers Hard sur les couplets, mais le plus souplement Pop sur le refrain). S’il est évident que les « vrais » metalleux se perdront en conjectures et resteront dubitatifs, ne se sentant pas concernés, les fans de Blues pourront apprécier la moiteur de « Broken Cage », qui juxtapose des lignes de chant vénéneuses et plaintives à un rythme lourd et une guitare en lamentations. L’ombre de MUSE est évident toujours présente, mais sans assombrir la lumière des VÖÖDÖÖ, qui ne perdent jamais leur personnalité en route. D’ailleurs « Let It Burn », le prouve immédiatement, de son beat sautillant et de sa teen attitude, pétillant comme une pyjama party, mais solide comme une entrée dans l’âge adulte qu’on ne refuse pas, même dans la Californie hédoniste des années 90. Alors, comme vous le constatez, à boire, à manger, à savourer, mais surtout, une envie de faire autre chose sans faire n’importe quoi. Avec encore quelques interrogations qui planent quant à  leur avenir, les VÖÖDÖÖ intriguent méchamment, et donnent vraiment envie de lever le voile sur un futur qu’on pressent terriblement créatif et affranchi. Une histoire norvégienne, mais qui peut marcher dans tous les pays où les fans de musique se moquent des étiquettes.  

      

Titres de l'album :

                             1.Ashes

                             2.Lay Me To Rest

                             3.The Secret

                             4.Dots

                             5.Shine On

                             6.Broken Cage

                             7.Let It Burn

                             8.King And Clown

                             9.The Rope

Site Officiel

Facebook officiel

Bandcamp officiel 


par mortne2001 le 18/09/2018 à 16:31
78 %    1122

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Obscura + Gorod + Skeletal Remains

RBD 17/02/2025

Live Report

Doom, Rock'n'Roll & Vin rouge

Simony 10/02/2025

Interview

Voyage au centre de la scène : le tape-trading

Jus de cadavre 09/02/2025

Vidéos

Carcass + Brujeria + Rotten Sound

Mold_Putrefaction 28/01/2025

Live Report

Carcass + Brujeria + Rotten Sound

RBD 23/01/2025

Live Report

Antropofago + Dismo + Markarth

RBD 16/01/2025

Live Report

Sélection Metalnews 2024 !

Jus de cadavre 01/01/2025

Interview

Voyage au centre de la scène : MONOLITHE

Jus de cadavre 15/12/2024

Vidéos
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Styx

De rien, avec plaisir amie métalleuse.   

20/02/2025, 19:34

Moshimosher

Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...

20/02/2025, 19:08

Humungus

J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...

20/02/2025, 18:52

l\'anonyme

Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé. 

20/02/2025, 09:27

Simony

Hello Styx, problème remonté à notre webmaster, merci.

20/02/2025, 08:00

Tourista

Ça devient de la chaptalisation ce rajout permanent de groupes.

20/02/2025, 06:42

LeMoustre

Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci. 

19/02/2025, 17:51

Styx

Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.

19/02/2025, 16:32

Ivan Grozny

Merci pour le report, ça me tente bien d'y aller jeudi à Paris.

18/02/2025, 22:44

Jus de cadavre

Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !

17/02/2025, 21:39

Saul D

Moi je regrette quand même le line up des années 80...mais bon....

17/02/2025, 14:08

RBD

Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)

17/02/2025, 13:18

Humungus

Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)

17/02/2025, 06:50

RBD

C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)

15/02/2025, 18:14

Humungus

Super titre !Cela donne envie putain...

14/02/2025, 09:45

NecroKosmos

Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)

14/02/2025, 05:50

Warzull

AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)

13/02/2025, 18:38

Jus de cadavre

Toujours le même riff depuis 35 ans    Mais toujours efficace !

13/02/2025, 17:13

Simony

Excellente initiative, dommage que je sois si loin !

12/02/2025, 07:08

RBD

Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)

12/02/2025, 01:30